Aurélia Gérard de NERVAL 1855
Dans cette œuvre conquise sur les dépressions nerveuses qui le conduisirent plusieurs fois dans des maisons de santé, Nerval a retracé, comme il l’avait promis dans la préface des Filles du feu, sa «descente aux Enfers». Il a voulu prouver à ses amis qu’il avait recouvré la raison, mais surtout fixer un certain ordre de vérités, celles qui s’offrent, passées les portes du rêve, « ces portes d’ivoire et de corne qui nous séparent du monde invisible ». Nerval emprunte cette expression à Virgile qui décrit ainsi les deux portes du songe : la première, de corne, étant réservée aux ombres réelles, la seconde, d’ivoire, aux fantômes illusoires (Enéide, VI, v. 893-896). Les crises racontées sont dominées par la figure d’une femme aimée et perdue, désignée conventionnellement sous le nom d’Aurélia. Cette perte engendre l’idée d’une culpabilité sans pardon possible qui provoque «l’épanchement du songe dans la vie réelle» sous forme de visions interprétées comme autant de pas vers le mystère. La dernière est celle du mariage de son double avec Aurélia (fin de la première partie). La seconde partie est faite de l’analyse d’angoisses religieuses liées au besoin de croire qu’Aurélia existe toujours, malgré sa mort, et au désir de la retrouver. Ce livre n’est pas seulement un document émouvant ; il est de ceux où les surréalistes, faisant à leur tour du songe un moyen de connaissance, ont cherché un précédent à leur aventure spirituelle au-delà des frontières de la raison.