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Antigone Jean ANOUILH 1944

Le sujet de cette tragédie en prose est «l’histoire d’Antigone» (Prologue). Anouilh l’a emprunté à Sophocle (496-406 av. J.-C.), allant même jusqu’à imiter le découpage de la pièce grecque (pas de scènes numérotées) et à introduire un chœur. Cependant, Anouilh a supprimé de l’action toute donnée religieuse pour s’en tenir à une réflexion athée sur la pureté et les exigences de la vie.
Les fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, viennent de s’entre-tuer pour le trône de Thèbes? Pour sauver l’ordre, Créon, le nouveau roi, leur oncle, a fait d’Etéocle un héros national, mais interdit, sous peine de mort, d’ensevelir Polynice, désigné comme rebelle. Antigone, leur sœur, par fidélité à la justice, est allée de nuit accomplir les rites funèbres malgré les gardes qui surveillent le corps. Pourtant, elle aime la vie, mais elle la voudrait pure comme l’aube et l’enfance, ainsi qu’elle le dit à sa nourrice, à sa sœur Ismène, à son fiancé Hémon, le fils de Créon. Ce qu’elle ne peut accepter, c’est l’avenir impur que lui propose Créon quand il tâche de la raisonner après son arrestation et lui démontre l’inutilité de son héroïsme juvénile et la nécessité d’une politique réaliste.
Créon n’est ni malhonnête ni brutal. Il assure qu’il comprend Antigone et voudrait la sauver ; mais il a dit «oui» à ses fonctions royales parce qu’«il faut pourtant qu’il y en ait qui disent oui». Antigone mourra. Hémon et Eurydice, l’épouse de Créon, la suivent dans la mort. Quant à Créon, il continue sa tâche : «Ils disent que c’est une sale besogne, mais si on ne la fait pas, qui la fera?»
Il s’agit donc d’un conflit entre deux conceptions de l’existence définies sans qu’interviennent les dieux. Alors que, chez Sophocle, Antigone opposait aux lois humaines de Créon l’obéissance aux lois divines, chez Anouilh elle trouve en elle-même les motifs de son héroïsme dans son exigence de pureté qui la conduit à refuser le bonheur et la vie. En face de son intransigeance, se trouvent mis en relief la lucidité de Créon, son absence d’illusions et son sens des responsabilités. Mais on ne peut dire qu’Anouilh choisisse entre eux. Il semble submergé par un pessimisme désespéré et termine par une image symbolique de la veulerie des hommes : les gardes, indifférents à tout, jouent aux cartes.

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