Amphitryon 38 Jean GIRAUDOUX 1929

Cette comédie en trois actes est, selon Giraudoux, la trente-huitième interprétation d’une légende mythologique introduite au théâtre par Plaute (254-184 av. J.-C.) : Jupiter, qui ne dédaigne pas les belles mortelles, a choisi cette fois de séduire Alcmène en prenant l’apparence de son époux, le général Amphitryon, qu’il a envoyé faire la guerre pour l’éloigner de Thèbes. Pour servir le maître des dieux, Mercure a pris l’aspect de Sosie, le valet d’Amphitryon. De cette union doit naître Hercule. Sur ces données déjà exploitées par Molière pour développer une comédie d’intrigue (Amphitryon, 1668), Giraudoux a construit un divertissement précieux, riche en mots d’auteur sur l’amour, la fidélité conjugale et les rapports des hommes et des dieux. Mais ii a prêté aussi au couple que forment Alcmène et Amphitryon une solidité et un goût du bonheur simplement humain qui enrichissent la légende d’une signification morale toute moderne. Aux tentatives de Jupiter pour se faire reconnaître et désirer comme amant et comme dieu, Alcmène oppose une parfaite fidélité à son époux et à la réalité terrestre, une sereine satisfaction devant son destin de mortelle (I, 6; II, 2). Quand Jupiter se présente ouvertement comme le maître des dieux, il n’a pas plus de succès : JUPITER : «Pourquoi ne veux-tu pas être immortelle?» — ALCMÈNE : «Je déteste les aventures; c’est une aventure, l’immortalité ! » Aussi, devant cette fermeté, prend-il le parti de renoncer à une seconde nuit et de se retirer en laissant à Alcmène l’illusion d’avoir seulement accueilli son époux la nuit précédente, puisqu’elle veut bien lui concéder devant le peuple une satisfaction d’amour-propre (III, 5-6).

Ce jeu brillant s’accompagne ainsi d’une leçon souriante d’humanisme qui est bien dans la manière de Giraudoux (cf. Intermezzo).