XXIX - La place Saint-Jean-en-Grève Il est sept heures du matin ; la foule attendait bruyante sur les places, dans les rues et sur les quais.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
–
Eh bien ?
– Eh bien, ilme ditqu’il souffrirait tropdeme voir mourir lepremier.
D’ailleurs, sije mourais lepremier, il
n’aurait personne pourleporter surl’échafaud.
– C’est bien, c’estbien, ditCaboche enessuyant unelarme avecledos desamain ; soyeztranquille, onfera ce
que vous désirez.
– Et d’un seulcoup, n’est-ce pas ?ditàvoix basse lePiémontais.
– D’un seul.
– C’est bien… sivous avezàvous reprendre, reprenez-vous surmoi.
Letombereau s’arrêta,onétait arrivé.
Coconnas mitson chapeau sursatête.
Une rumeur semblable àcelle desflots delamer bruit auxoreilles deLa Mole.
Ilvoulut selever, maisles
forces luimanquèrent ; etilfallut queCaboche etCoconnas lesoutinssent souslesbras.
La place étaitpavée detêtes, lesmarches del’Hôtel deVille semblaient unamphithéâtre peupléde
spectateurs.
Chaquefenêtredonnait passageàdes visages animés dontlesregards semblaient flamboyer.
Quand onvit lebeau jeune homme quinepouvait plussesoutenir sursesjambes briséesfaireuneffort
suprême pourallerdelui-même àl’échafaud, uneclameur immense s’élevacomme uncridedésolation
universelle.
Leshommes rugissaient, lesfemmes poussaient desgémissements plaintifs.
– C’était undes premiers raffinésdelacour, disaient leshommes, etce n’était pasàSaint-Jean-en-Grève
qu’il devait mourir, c’étaitauPré-aux-Clercs.
– Qu’il estbeau !qu’il estpâle !disaient lesfemmes ; c’estcelui quin’apoint parlé.
– Ami, ditLaMole, jene puis mesoutenir !Porte-moi !
– Attends, ditCoconnas.
Ilfit un signe aubourreau, quis’écarta ; puis,sebaissant, ilprit LaMole dansses
bras comme ileût fait d’un enfant, etmonta sanschanceler, chargédeson fardeau, l’escalier delaplate-forme
où ildéposa LaMole, aumilieu descris frénétiques etdes applaudissements delafoule.
Coconnas levason
chapeau dedessus satête, etsalua.
Puisiljeta sonchapeau prèsdelui sur l’échafaud.
– Regarde autourdenous, ditLaMole, neles aperçois-tu pasquelque part ?
Coconnas jetalentement unregard circulaire toutautour delaplace, et,arrivé surunpoint, ils’arrêta,
étendant, sansdétourner lesyeux, samain, quitoucha l’épaule deson ami.
– Regarde, dit-il,regarde lafenêtre decette petite tourelle.
Et de son autre mainilmontrait àLa Mole lepetit monument quiexiste encore aujourd’hui entrelarue dela
Vannerie etlarue duMouton, undes débris dessiècles passés.
Deux femmes vêtuesdenoir setenaient appuyées l’uneàl’autre, nonpasàla fenêtre, maisunpeu enarrière.
– Ah !fit La Mole, jene craignais qu’unechose,c’étaitdemourir sanslarevoir.
Jel’ai revue, jepuis mourir.
Et, lesyeux avidement fixéssurlapetite fenêtre, ilporta lereliquaire àsa bouche etlecouvrit debaisers.
Coconnas saluaitlesdeux femmes avectoutes lesgrâces qu’ilsefût données dansunsalon.
Enréponse àce
signe ellesagitèrent leursmouchoirs touttrempés delarmes.
Caboche, àson tour, toucha dudoigt l’épaule deCoconnas, etlui fitdes yeux unsigne significatif.
– Oui, oui,ditlePiémontais.
Alorsseretournant versLaMole :
– Embrasse-moi, luidit-il, etmeurs bien.Celanesera point difficile, ami,tuessibrave !
– Ah !dit LaMole, iln’y apas demérite àmoi demourir bien,jesouffre tant!
Le prêtre s’approcha, ettendit uncrucifix àLa Mole, quiluimontra ensouriant lereliquaire qu’iltenait àla
main.
–N’importe, ditleprêtre, demandez toujourslaforce àcelui quiasouffert ceque vous allezsouffrir.
LaMole
baisa lespieds duChrist.
– Recommandez-moi, dit-il,auxprières desDames delabenoîte SainteVierge.
– Hâte-toi, hâte-toi,LaMole, ditCoconnas, tume fais tant demal quejesens quejefaiblis.
– Je suis prêt, ditLaMole.
– Pourrez-vous tenirvotre têtebien droite ? ditCaboche apprêtant sonépée derrière LaMole agenouillé.
– Je l’espère, ditcelui-ci.
– Alors toutirabien.
– Mais vous, ditLaMole, vousn’oublierez pasceque jevous aidemandé ; cereliquaire vousouvrira les
portes.
–Soyez tranquille.
Maisessayez unpeu detenir latête droite.
La Mole redressa lecou, ettournant lesyeux verslapetite tourelle :
– Adieu, Marguerite, dit-il,soisbé… Iln’acheva pas.D’un revers deson glaive rapide etflamboyant comme
un éclair, Caboche fittomber d’unseulcoup latête, quialla rouler auxpieds deCoconnas.
Le corps s’étendit doucement commes’ilsecouchait.
Un criimmense retentitformédemille cris,etdans toutes cesvoix defemmes ilsembla àCoconnas qu’il
avait entendu unaccent plusdouloureux quetous lesautres.
– Merci, mondigne ami,merci, ditCoconnas, quitendit unetroisième foislamain aubourreau.
– Mon fils,ditleprêtre àCoconnas, n’avez-vous rienàconfier àDieu ?
– Ma foi,non, mon père, ditlePiémontais ; toutceque j’aurais àlui dire, jevous l’aiditàvous-même hier..
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