XXIV Deux ou trois jours après, quand je me fus bien installé dans ma chambre, que j'eus fait plusieurs courses dans Londres et commandé à mes fournisseurs tout ce dont j'avais besoin, M.
Publié le 15/12/2013
Extrait du document
«
– Ne
vous inquiétez pasdeceque j’enfais, mon ami,observa M. Jaggers, ensecouant eten agitant satête d’une
manière contradictoire ; jeveux savoir ceque vous enferez, vous ?
– Vingt livresnaturellement !
– Wemmick ! ditM. Jaggers enouvrant laporte deson cabinet, prenezlereçu deM. Pip etcomptez-lui vingt
livres. »
Cette manière bienaccusée detraiter lesaffaires mefitune impression trèsprofonde, etqui n’était pasdes plus
agréables.
M. Jaggers neriait jamais, maisilportait degrandes bottesluisantes etcraquantes, eten appuyant sesmains
sur ses bottes, avecsagrosse têtepenchée enavant etses sourcils rapprochés pourattendre maréponse, ilfaisait
craquer sesbottes, comme sielles eussent rid’un riresecetméfiant.
Commeilsortit encemoment, etque Wemmick
était assez causeur, jedis àWemmick quej’avais peineàcomprendre lesmanières deM. Jaggers.
« Dites-lui cela,etille prendra commeuncompliment, réponditWemmick.
Ilne tient pasàce que vous le
compreniez.
Oh !ajouta-t-il, carjeparaissais surpris,cecin’est paspersonnel ; c’estprofessionnel...
professionnel
seulement. »
Wemmick étaitàson pupitre ; ildéjeunait etgrignotait unbiscuit secetdur, dont iljetait detemps entemps de
petits morceaux danssabouche ouverte, commes’illes mettait àla poste.
« Il me fait toujours l’effet,ditWemmick, des’amuser àtendre unpiège àhomme, etde leveiller deprès.
Tout
d’un coup, clac !vousêtespris ! »
Sans remarquer quelespièges àhommes n’étaient pasaunombre desaménités decette vie,jedis que jele
supposais trèsadroit.
« Profond, ditWemmick, commel’Australie, enindiquant avecsaplume leparquet ducabinet, pourfaire
comprendre quel’Australie étaitl’endroit duglobe leplus symétriquement opposéàl’Angleterre.
S’ilyavait quelque
chose deplus profond quecette contrée, ajoutaWemmick enportant saplume surlepapier, ceserait lui. »
Je lui dis ensuite quejesupposais quelecabinet deM. Jaggers étaitunebonne étude.
Àquoi Wemmick répondit :
« Excellente ! »
Je lui demandai encores’ilsétaient beaucoup declercs.
Ilme dit :
« Nous necourons pasbeaucoup aprèslesclercs, parcequ’iln’yaqu’un Jaggers, etque lesclients n’aiment pasà
l’avoir deseconde main.Nousnesommes quequatre.
Voulez-vous voirlesautres ? Jepuis direquevous êtesdes
nôtres. »
J’acceptai l’offre.Lorsque M. Wemmick eutmis tout sonbiscuit àla poste etm’eut compté monargent, qu’ilprit
dans lacassette ducoffre-fort, laclef duquel coffre-fort ilgardait quelque partdans sondos, etqu’il l’eût tirée deson
collet d’habit comme unequeue decochon enfer, nous montâmes àl’étage supérieur.
Lamaison étaitsombre et
poussiéreuse, etles épaules graisseuses, dontonvoyait lesmarques danslecabinet deM. Jaggers semblaient s’être
frottées depuisdesannées contrelesparois del’escalier.
Surledevant dupremier étage,uncommis quisemblait être
quelque chosed’intermédiaire entrelecabaretier etletueur derats, groshomme pâleetbouffi, étaittrèsoccupé avec
trois ouquatre personnages depiètre apparence, qu’iltraitait avecaussi peudecérémonie qu’onparaissait traiter
généralement touteslespersonnes quicontribuaient àremplir lescoffres deM. Jaggers.
« En train detrouver despreuves pourOldBailey », ditM. Wemmick ensortant.
Dans lachambre au-dessus decelle-ci, unmollasse petitbasset decommis, auxcheveux tombants, dontlatonte
semblait avoirétéoubliée depuissaplus tendre enfance, étaitégalement occupéavecunhomme àla vue faible, que
M. Wemmick meprésenta commeunfondeur quiavait soncreuset toujours brûlant,etqui me fondrait toutceque je
voudrais.
Ilétait dans untel état detranspiration, qu’oneûtditqu’il essayait sonartsur lui-même.
Dansunechambre
du fond, unhomme hautd’épaules, àla figure souffreteuse, enveloppéd’uneflanelle sale,vêtudevieux habits noirs,
qui avaient l’aird’avoir étécirés, setenait penché surson travail, quiconsistait àfaire debelles copies etàremettre au
net lesnotes desdeux autres employés, pourservir àM. Jaggers.
C’était làtout l’établissement.
Quandnousregagnâmes l’étageinférieur, Wemmick meconduisit danslecabinet de
M. Jaggers, etme dit :
« Vous êtesdéjà venu ici.
– Dites-moi, jevous prie,luidemandai-je, enapercevant encorelesdeux bustes auregard étrange, quelssontces
portraits ?
– Ceux-ci, ditWemmick, enmontant surune chaise etsoufflant lapoussière quicouvrait lesdeux horribles têtes.
»
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