Voyage au bout de la nuit À bord, parmi les galériens je me mis à rechercher obinson et à plusieurs reprises pendant la nuit, en plein silence, je l'appelai à haute voix.
Publié le 31/10/2013
Extrait du document
«
tout,
raide àfaire peur.
On enadonc rigolé comme descornichons.
Çafait
drôle forcément, uneville bâtie enraideur.
Maisonn’en pouvait rigolernous,duspectacle qu’àpartir ducou, àcause du
froid quivenait dularge pendant cetemps-là àtravers unegrosse brume griseetrose, etrapide etpiquante à
l’assaut denos pantalons etdes crevasses decette muraille, lesrues delaville, oùles nuages s’engouffraient aussiàla
Voyage
aubout delanuit
charge
duvent.
Notre galère tenaitsonmince sillonjusteauras des jetées, làoù venait finiruneeaucaca, toute
barbotante d’unekyrielle depetits bachots etremorqueurs avidesetcornards.
Pour unmiteux, iln’est jamais biencommode de
débarquer nullepartmais pour ungalérien c’estencore bienpire, surtout quelesgens d’Amérique n’aimentpasdutout
les galériens quiviennent d’Europe.
«C’est tousdes
anarchistes »qu’ils disent.
Ilsne veulent recevoir chezeuxensomme quelescurieux quileur apportent dupognon, parce
que tous lesargents d’Europe, c’estdesfilsàDollar.
J’aurais peut-être puessayer commed’autres l’avaient déjàréussi,
de traverser leport àla nage etpuis unefoisauquai deme mettre àcrier :« Vive Dollar !Vive Dollar !»
C’est untruc.
Yabien desgens quisont débarqués decette façon-là etqui après çaont faitdes fortunes.
C’estpassûr, ça
se raconte seulement.
Ilen arrive danslesrêves desbien pires encore.
Moi,j’avais uneautre combinaison entête en
même tempsquelafièvre.
À bord delagalère ayantappris àbien compter les
puces (passeulement àles attraper, maisàen faire desadditions, etdes soustractions, ensomme desstatistiques),
métier délicat quin’al’air derien, mais quiconstitue beletbien unetechnique, jevoulais m’enservir.
LesAméricains on
peut endire cequ’on voudra, maisenfait detechnique, c’estdesconnaisseurs.
Ilsaimeraient mamanière de
compter lespuces jusqu’à lafolie, j’enétais certain d’avance.
Çane devait pasrater selon moi.
J’allais leuroffrir messervices quandtoutd’un coup ondonna l’ordre ànotre galère d’aller passer unequarantaine dans
une anse d’àcôté, àl’abri, àportée devoix d’un petit village réservé, aufond d’une baietranquille, àdeux milles à
l’est deNew York.
Et nous demeurâmes touslàen observation pendant
des semaines etdes semaines, sibien quenous yprîmes deshabitudes.
Ainsichaque soiraprès lasoupe sedétachait de
notre bordpourallerauvillage l’équipe delaprovision d’eau.Ilfallait quej’enfasse partie pourarriver àmes fins.
Les
copains savaient bienoùjecherchais àen venir
mais euxçales tentait pasl’aventure.
«Ilest fou, qu’ils disaient, maisilest pas dangereux.
»Sur l’Infanta Combitta on
bouffait pasmal, onles triquait unpeu lescopains, maispastrop, eten somme çapouvait aller.C’était duboulot moyen.
Et puis sublime avantage, onles renvoyait jamaisde Voyage
aubout delanuit
la
galère etmême queleRoi leur avait promis pourquand ilsauraient soixanteetdeux ansd’âge uneespèce depetite
retraite.
Cetteperspective lesrendait heureux, çaleur donnait dequoi rêver etledimanche poursesentir libres, au
surplus, ilsjouaient àvoter.
Pendant lessemaines qu’onnousimposa la
quarantaine, ilsrugissaient tousensemble dansl’entrepont, ilss’y battaient ets’y pénétraient aussitouràtour.
Etpuis
enfin cequi lesempêchait des’échapper avecmoi,c’est surtout qu’ilsnevoulaient rienentendre nisavoir decette
Amérique dontj’étais moiféru.
Chacun sesmonstres, euxc’était l’Amérique leurbête noire.
Ilscherchèrent mêmeà
m’en dégoûter toutàfait.
J’avais beauleurdirequejeconnaissais desgens dans cepays-là, mapetite Lolaentre autres,
qui devait êtrebien riche àprésent, etpuis sans doute leRobinson quidevait s’yêtre faitune situation danslesaffaires,
ils ne voulaient pasendémordre deleur aversion pourlesÉtats-Unis, deleur dégoût, deleur haine :
« Tu cesseras jamaisd’êtretapé»qu’ils medisaient.
Unjour j’aifait comme sij’allais aveceuxaurobinet duvillage et
puis jeleur aidit que jene rentrerais pasàla galère.
Salut!
C’était desbons garsaufond, bientravailleurs etils m’ont bienrépété encore qu’ilsnem’approuvaient pasdutout, mais
ils me souhaitèrent quandmême dubon courage etde labonne chance etbien duplaisir avecmais àleur façon.
« Va !qu’ils m’ont dit.Va!Mais onteprévient encore:T’as pasdes bons goûts pourunpouilleux !C’est tafièvre quite
rend dingo !T’en reviendras deton Amérique etdans unétat pirequenous !C’est tesgoûts quiteperdront !Tu veux
apprendre ?T’en saisdéjà bien troppour tacondition !»
J’avais beauleurrépondre quej’avais desamis dans
l’endroit etqui m’attendaient.
Jebafouillais.
— Des amis ?qu’ils faisaient commeçaeux, desamis ?mais ilsse foutent biendetagueule tesamis !Il ya longtemps
qu’ils t’ontoublié tesamis !...
— Mais, jeveux voirdesAméricains moi!que j’avais
beau insister.
Etmême qu’ilsontdes femmes commeilyen apas ailleurs !...
— Mais rentre doncavecnous ehbille !qu’ils me
répondaient.
C’estpaslapeine d’yaller qu’on tedit !Tu vas terendre malade pirequet’es!On vaterenseigner toutde.
»
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