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« Vous regardez en haut quand vous aspirez à l'élévation.

Publié le 30/10/2013

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« Vous regardez en haut quand vous aspirez à l'élévation. Et moi je regarde en bas puisque je suis élevé. « Qui de vous peut en même temps rire et être élevé. Celui qui plane sur les hautes montagnes se rit de toutes les tragédies de la scène et de la vie. « Zarathoustra, I, Lire et écrire. Le voyageur Il était minuit quand Zarathoustra se mit en chemin par-dessus la crête et de l'île pour arriver le matin de très bonne heure à l'autre rive : car c'est là qu'il voulait s'embarquer. Il y avait sur cette rive une bonne rade où des vaisseaux étrangers aimaient à jeter l'ancre ; ils emmenaient avec eux quelques-uns d'entre ceux des Îles Bienheureuses qui voulaient passer la mer. Zarathoustra, tout en montant la montagne, songea en route aux nombreux voyages solitaires qu'il avait accomplis depuis sa jeunesse, et combien de montagnes, de crêtes et de sommets il avait déjà gravis. Je suis un voyageur et un grimpeur de montagnes, dit-il à son coeur, je n'aime pas les plaines et il me semble que je ne puis pas rester tranquille longtemps. Et quelle que soit ma destinée, quel que soit l'événement qui m'arrive, - ce sera toujours pour moi un voyage ou une ascension : on finit par ne plus vivre que ce que l'on a en soi. Les temps sont passés où je pouvais m'attendre aux événements du hasard, et que m'adviendrait-il encore qui ne m'appartienne déjà ? Il ne fait que me revenir, il est enfin de retour - mon propre moi, et voici toutes les parties de lui-même qui furent longtemps à l'étranger et dispersées parmi toutes les choses et tous les hasards. Et je sais une chose encore : je suis maintenant devant mon dernier sommet et devant ce qui m'a été épargné le plus longtemps. Hélas ! il faut que je suive mon chemin le plus difficile ! Hélas ! J'ai commencé mon plus solitaire voyage ! Mais celui qui est de mon espèce n'échappe pas à une pareille heure, l'heure qui lui dit : « C'est maintenant seulement que tu suis ton chemin de la grandeur ! Le sommet et l'abîme se sont maintenant confondus ! Tu suis ton chemin de la grandeur : maintenant ce qui jusqu'à présent était ton dernier danger est devenu ton dernier asile ! Tu suis ton chemin de la grandeur : il faut maintenant que ce soit ton meilleur courage de n'avoir plus de chemin derrière toi ! Tu suis ton chemin de la grandeur : ici personne ne se glissera à ta suite ! Tes pas eux-mêmes ont effacé ton chemin derrière toi, et au-dessus de ton chemin il est écrit : Impossibilité. Et si dorénavant toutes les échelles te manquent, il faudra que tu saches grimper sur ta propre tête : comment voudrais-tu faire autrement pour monter plus haut ? Sur ta propre tête et au delà, par-dessus ton propre coeur ! Maintenant ta chose la plus douce va devenir la plus dure. Chez celui qui s'est toujours beaucoup ménagé, l'excès de ménagement finit par devenir une maladie. Béni soit ce qui rend dur ! Je ne vante pas le pays où coulent le beurre et le miel ! Pour voir beaucoup de choses il faut apprendre à voir loin de soi : - cette dureté est nécessaire pour tous ceux qui gravissent les montagnes. Mais celui qui cherche la connaissance avec des yeux indiscrets, comment saurait-il voir autre chose que les idées de premier plan ! Mais toi, ô Zarathoustra ! tu voulais apercevoir toutes les raisons et l'arrière-plan des choses : il te faut donc passer sur toi-même pour monter - au delà, plus haut, jusqu'à ce que tes étoiles elles-mêmes soient au-dessous de toi ! Oui ! Regarder en bas sur moi-même et sur mes étoiles : ceci seul serait pour moi le sommet, ceci demeure pour moi le dernier sommet à gravir ! - Ainsi se parlait à lui-même Zarathoustra, tandis qu'il montait, consolant son coeur avec de dures maximes : car il avait le coeur plus blessé que jamais. Et lorsqu'il arriva sur la hauteur de la crête, il vit l'autre mer qui était étendue devant lui : alors il demeura immobile et il garda longtemps le silence. Mais à cette hauteur la nuit était froide et claire et étoilée. Je reconnais mon sort, dit-il enfin avec tristesse. Allons ! je suis prêt. Ma dernière solitude vient de commencer. Ah ! Mer triste et noire au-dessous de moi ! Ah ! Sombre et nocturne mécontentement ! Ah ! Destinée, océan ! C'est vers vous qu'il faut que je descende ! Je suis devant ma plus haute montagne et devant mon plus long voyage : c'est pourquoi il faut que je descende plus bas que je ne suis jamais monté : plus bas dans la douleur que je ne suis jamais descendu, jusque dans l'onde la plus noire de douleur ! Ainsi le veut ma destinée : Eh bien ! Je suis prêt. D'où viennent les plus hautes montagnes ? C'est que j'ai demandé jadis. Alors, j'ai appris qu'elles viennent de la mer. Ce témoignage est écrit dans leurs rochers et dans les pics de leurs sommets. C'est du plus bas que le plus haut doit atteindre son sommet. - Ainsi parlait Zarathoustra au sommet de la montagne où il faisait froid ; mais lorsqu'il arriva près de la mer et qu'il finit par être seul parmi les récifs, il se sentit fatigué de sa route et plus que jamais rempli de désir. Tout dort encore maintenant, dit-il ; la mer aussi est endormie. Son oeil regarde vers moi, étrange et somnolent. Mais son haleine est chaude, je le sens. Et je sens aussi qu'elle rêve. Elle s'agite, en rêvant, sur de durs coussins. Écoute ! Écoute ! Comme les mauvais souvenirs lui font pousser des gémissements ! ou bien sont-ce de mauvais présages ? Hélas ! je suis triste avec toi, monstre obscur, et je m'en veux à moi-même à cause de toi. Hélas ! pourquoi ma main n'a-t-elle pas assez de force ! Que j'aimerais vraiment te délivrer des mauvais rêves ! - Tandis que Zarathoustra parlait ainsi, il se mit à rire sur lui-même avec mélancolie et amertume. Comment ! Zarathoustra ! dit-il, tu veux encore chanter des consolations à la mer ? Hélas ! Zarathoustra, fou riche d'amour, ivre de confiance ? Mais tu fus toujours ainsi : tu t'es toujours approché familièrement de toutes les choses terribles. Tu voulais caresser tous les monstres. Le souffle d'une chaude haleine, un peu de souple fourrure aux pattes - : et immédiatement tu étais prêt à aimer et à attirer à toi. L'amour est le danger du plus solitaire ; l'amour de toute chose pourvu qu'elle soit vivante ! Elles prêtent vraiment à rire, ma folie et ma modestie dans l'amour ! - Ainsi parlait Zarathoustra et il se mit à rire une seconde fois : mais alors il pensa à ses amis abandonnés, et, comme si, dans ses pensées, il avait péché contre eux, il fut fâché contre luimême à cause de sa pensée. Et aussitôt il advint que tout en riant il se mit à pleurer : - Zarathoustra pleura amèrement de colère et de désir.

« Le voyageur Il était minuit quandZarathoustra semit enchemin par-dessus lacrête etde l’île pour arriver le matin detrès bonne heureàl’autre rive :carc’est làqu’il voulait s’embarquer.

Ilyavait sur cette riveune bonne radeoùdes vaisseaux étrangers aimaientàjeter l’ancre ; ilsemmenaient avec euxquelques-uns d’entreceuxdesÎlesBienheureuses quivoulaient passerlamer. Zarathoustra, toutenmontant lamontagne, songeaenroute auxnombreux voyagessolitaires qu’il avait accomplis depuissajeunesse, etcombien demontagnes, decrêtes etde sommets il avait déjàgravis. Je suis unvoyageur etun grimpeur demontagnes, dit-ilàson cœur, jen’aime paslesplaines et il me semble quejene puis pasrester tranquille longtemps. Et quelle quesoitmadestinée, quelquesoitl’événement quim’arrive, –ce sera toujours pour moi unvoyage ouune ascension : onfinit parneplus vivre queceque l’onaen soi. Les temps sontpassés oùjepouvais m’attendre auxévénements duhasard, et que m’adviendrait-il encore qui nem’appartienne déjà ? Il ne fait que merevenir, ilest enfin deretour –mon propre moi,etvoici toutes lesparties de lui-même quifurent longtemps àl’étranger etdispersées parmitoutes leschoses ettous les hasards.

Et jesais une chose encore : jesuis maintenant devantmondernier sommet etdevant cequi m’a étéépargné leplus longtemps.

Hélas !ilfaut quejesuive monchemin leplus difficile ! Hélas ! J’aicommencé monplussolitaire voyage ! Mais celuiquiestdemon espèce n’échappe pasàune pareille heure,l’heure quiluidit : « C’est maintenant seulementquetusuis tonchemin delagrandeur ! Lesommet etl’abîme sesont maintenant confondus ! Tu suis tonchemin delagrandeur : maintenant cequi jusqu’à présent étaittondernier danger est devenu tondernier asile ! Tu suis tonchemin delagrandeur : ilfaut maintenant quecesoit tonmeilleur couragede n’avoir plusdechemin derrière toi ! Tu suis tonchemin delagrandeur : icipersonne neseglissera àta suite ! Tespas eux-mêmes ont effacé tonchemin derrière toi,etau-dessus deton chemin ilest écrit : Impossibilité. Et sidorénavant toutesleséchelles temanquent, ilfaudra quetusaches grimper surtapropre tête : comment voudrais-tu faireautrement pourmonter plushaut ? Sur tapropre têteetau delà, par-dessus tonpropre cœur !Maintenant tachose laplus douce va devenir laplus dure. Chez celuiquis’est toujours beaucoup ménagé,l’excèsdeménagement finitpardevenir une maladie.

Bénisoitcequi rend dur ! Jene vante paslepays oùcoulent lebeurre etlemiel ! Pour voirbeaucoup dechoses il faut apprendre à voir loindesoi  : – cette dureté estnécessaire pour tousceux quigravissent lesmontagnes. Mais celuiquicherche laconnaissance avecdesyeux indiscrets, commentsaurait-ilvoirautre chose quelesidées depremier plan ! Mais toi,ôZarathoustra ! tuvoulais apercevoir touteslesraisons etl’arrière-plan deschoses : il te faut donc passer surtoi-même pourmonter –au delà, plushaut, jusqu’à ceque tesétoiles elles-mêmes soient au-dessous de toi ! Oui ! Regarder enbas surmoi-même etsur mes étoiles : ceciseul serait pourmoilesommet, ceci demeure pourmoiledernier sommet à gravir ! – Ainsi separlait àlui-même Zarathoustra, tandisqu’ilmontait, consolant soncœur avecdedures maximes : carilavait lecœur plusblessé quejamais.

Etlorsqu’il arrivasurlahauteur dela crête, ilvit l’autre merquiétait étendue devantlui :alors ildemeura immobile etilgarda longtemps lesilence.

Maisàcette hauteur lanuit était froide etclaire etétoilée.. »

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