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(Vers minuit, un assassin, Gueret, se réveille dans un entrepôt de charbon où, pris de panique, il s'est réfugié quelques heures plus tôt. Le lieu lui semble étrange.)

Publié le 26/04/2011

Extrait du document

   « Au milieu du chantier se dressaient trois tas de charbon, de taille égale, séparés les uns des autres, malgré les éboulements qui brisaient la pointe de leurs sommets et tentaient de rapprocher leurs bases en les élargissant. Tous trois renvoyaient avec force la lumière qui les inondait; une muraille de plâtre n'eût pas paru plus blanche que le versant qu'ils exposaient à la lune, mais alors que le plâtre est terne, les facettes diamantées du minerai brillaient comme une eau qui s'agite et chatoie. Cette espèce de ruissellement immobile donnait aux masses de houille et d'anthracite un caractère étrange; elles semblaient palpiter ainsi que des êtres à qui l'astre magique accordait pour quelques heures une vie mystérieuse et terrifiante. L'une d'elles portait au flanc une longue déchirure horizontale qui formait un sillon où la lumière ne parvenait pas, et cette ligne noire faisait songer à un rire silencieux dans une face de métal. Derrière elles, leurs ombres se rejoignaient presque, creusant des abîmes triangulaires d'où elles paraissaient être montées jusqu'à la surface du sol comme d'un enfer. La manière fortuite dont elles étaient posées, telles trois personnes qui s'assemblent pour délibérer, les revêtait d'une grandeur sinistre. A les regarder longtemps, dans le silence de minuit, sous un ciel noir au fond duquel la lune semblait fixée pour toujours, elles devenaient aussi effroyables que des dieux spectateurs d'une tragédie où le sort même de la création se jouerait.    Pas un souffle ne passait dans l'air. Ainsi que dans un lieu enchanté, toute vie était suspendue entre ces murs. Les choses, transfigurées par un violent éclairage, n'appartenaient plus à ce monde et participaient d'un univers inconnu à l'homme, et c'était parmi les ruines d'une cité, mais non d'une cité terrestre, que l'on se serait cru, tant le cœur était remué par tout ce que cet endroit comportait de magnificence et de désolation. «    Julien Green, Leviathan.    Dans un commentaire composé que vous organiserez à votre gré, vous pourrez en particulier montrer comment l'auteur nous fait sentir qu'un décor banal peut devenir fantastique et terrifiant.

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