Une vie qu'en ses mollets et jusqu'en ses cuisses des vibrations couraient qui la faisaient se retourner sans cesse, s'agiter, s'énerver à l'excès.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
et, comme il la rejoignait encore, elle ouvrit brusquement la porte du jardin et s'élança dans la campagne.
Le contact glacé de la neige où ses jambes nues entraient parfois jusqu'aux genoux lui donna soudain une
énergie désespérée.
Elle n'avait pas froid, bien que toute découverte ; elle ne sentait plus rien tant la
convulsion de son âme avait engourdi son corps, et elle courait, blanche comme la terre.
Elle suivit la grande allée, traversa le bosquet, franchit le fossé et partit à travers la lande.
Pas de lune ; les étoiles luisaient comme une semaille de feu dans le noir du ciel ; mais la plaine était claire
cependant, d'une blancheur terne, d'une immobilité figée, d'un silence infini.
Jeanne allait vite, sans souffler, sans savoir, sans réfléchir à rien.
Et soudain elle se trouva au bord de la
falaise.
Elle s'arrêta net, par instinct, et s'accroupit, vidée de toute pensée et de toute volonté.
Dans le trou sombre devant elle la mer invisible et muette exhalait l'odeur salée de ses varechs à marée basse.
Elle demeura là longtemps, inerte d'esprit comme de corps ; puis, tout à coup, elle se mit à trembler, mais à
trembler follement comme une voile qu'agite le vent.
Ses bras, ses mains, ses pieds secoués par une force
invincible palpitaient, vibraient de sursauts précipités ; et la connaissance lui revint brusquement, claire et
poignante.
Puis des visions anciennes passèrent devant ses yeux ; cette promenade avec lui dans le bateau du père
Lastique, leur causerie, son amour naissant, le baptême de la barque ; puis elle remonta plus loin jusqu'à cette
nuit bercée de rêves à son arrivée aux Peuples.
Et maintenant ! maintenant ! Oh ! sa vie était cassée, toute joie
finie, toute attente impossible ; et l'épouvantable avenir plein de tortures, de trahisons et de désespoirs lui
apparut.
Autant mourir, ce serait fini tout de suite.
Mais une voix criait au loin : " C'est ici, voilà ses pas ; vite, vite, par ici ! " C'était Julien qui la cherchait.
Oh ! elle ne voulait pas le revoir.
Dans l'abîme, là, devant elle, elle entendait maintenant un petit bruit, le
vague glissement de la mer sur les roches.
Elle se dressa, toute soulevée déjà pour s'élancer et jetant à la vie l'adieu des désespérés, elle gémit le dernier
mot des mourants, le dernier mot des jeunes soldats éventrés dans les batailles : " Maman ! "
Soudain la pensée de petite mère la traversa ; elle la vit sanglotant ; elle vit son père à genoux devant son
cadavre noyé, elle eut en une seconde toute la souffrance de leur désespoir.
Alors elle retomba mollement dans la neige ; et elle ne se sauva plus quand Julien et le père Simon, suivis de
Marius qui tenait une lanterne, la saisirent par les bras pour la rejeter en arrière, tant elle était près du bord.
Ils firent d'elle ce qu'ils voulurent, car elle ne pouvait plus remuer.
Elle sentit qu'on l'emportait, puis qu'on la
mettait dans un lit, puis qu'on la frictionnait avec des linges brûlants ; puis tout s'effaça, toute connaissance
disparut.
Puis un cauchemar \24 était-ce un cauchemar ? \24 l'obséda.
Elle était couchée dans sa chambre.
Il faisait jour,
mais elle ne pouvait pas se lever.
Pourquoi ? Elle n'en savait rien.
Alors elle entendit un petit bruit sur le
plancher, une sorte de grattement, de frôlement, et soudain une souris, une petite souris grise passait vivement
sur son drap.
Une autre aussitôt la suivait, puis une troisième qui s'avançait vers la poitrine, de son trot vif et
menu.
Jeanne n'avait pas peur ; mais elle voulut prendre la bête et lança sa main, sans y parvenir.
Une vie
7 58.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Retourner à la vie naturelle, est-ce possible et souhaitable ?
- La vérité ou la fausseté, la critique et l'adéquation critique à des données évidentes, voilà autant de thèmes banals qui déjà jouent sans cesse dans la vie pré-scientifique.
- La Trinité La Trinité : le dimanche qui suit la Pentecôte est la fête de La Trinité, fête tardive, car le mystère de l'unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit est la source et la fin de toute la vie chrétienne ; il ne cesse d'être célébré (cf.
- Vouloir retourner à une vie naturelle a-t-il un sens pour l'Homme ?
- Une science qui s'arrêterait dans un système resterait stationnaire et s'isolerait, car la systématisation est un véritable enkystement scientifique, et toute partie enkystée dans un organisme cesse de participer à la vie générale de cet organisme. Les systèmes tendent donc à asservir l'esprit humain, et la seule utilité que l'on puisse, selon moi, leur trouver, c'est de susciter des combats qui les détruisent en agitant et en excitant la vitalité de la science. Claude Bernard. Comment