triangle de mur blanc couvert de lézards endormis et apporte
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
C’est
vrai.C’est unenuit detrêve ; ondevine quecesilence estplein d’armes.
Kleinmemontre desfeux
tremblotants, presqueimperceptibles :
« Ce sont lesnôtres… »
Il parle toujours trèsbas, surunton deconfidence.
« On nevoit rien parici : onn’allume plus…Regarde.
Surlebanc.
Enétalage. »
Derrière nous,surlepont, unedizaine dejeunes Européens, dontlesCompagnies possèdentdessuccursales à
Shameen etqui vont aider lesvolontaires, assisendemi-cercle autourdedeux jeunes femmes envoyées, dit-on,par
un journal (ouparlaSûreté ?…) fontassaut d’anecdotes : « …ilavait faitdemander àMoscou uncercueil decristal
semblable àcelui deLénine, maislesRusses enont envoyé undeverre… (ils’agit deSun-Yat-Sen, sansdoute).
Une
autre fois… »
Klein hausse lesépaules :
« Ceux-là sontseulement idiots… »
Il pose samain surmon bras, etme regarde :
« Pendant laCommune deParis, tusais, onarrête ungros.
Alors, ilcrie : « Mais, Messieurs, jen’ai jamais faitde
politique ! —Justement ! » luirépond untype desens.
Etillui casse latête.
— C’est-à-dire ?
— Pas toujours auxmêmes àsouffrir.
Jeme souviens d’unefête,autrefois, oùjeregardais des…êtresqui
ressemblaient àceux-ci.
Ah !quelques ballesderevolver, pourcasser ce…jene sais pasdire, ce…sourire, quoi !
L’aspect detoutes cesgueules degens quin’ont jamais étésans bouffer ! Oui,faire savoir àces gens-là qu’une
chose, quis’appelle lavie humaine, existe !C’estrare, ein
Mensch …
un homme, quoi ! »
Je me garde derépondre.
Parle-t-ilparsympathie oupar besoin ? Savoix basse estsans timbre, et
l’accompagnement findes moustiques larend presque rauque.Sesmains tremblent : iln’a pas dormi depuis trois
jours.
Ilest àdemi ivredefatigue.
À l’arrière, séparésdenous parune grille quegardent, carabine souslebras, deuxsoldats hindous àturbans, les
passagers chinoisjouentetfument ensilence.
Klein,quis’est retourné, regardelesbarreaux épaisdelagrille.
Au bagne, sais-tucomment lesépreuves lesplus… abominables, onles supporte ? oules plus basses ?… Je
pensais constamment quej’empoisonnerais laville.
Ça,jepouvais lefaire ; j’aurais puatteindre lesréservoirs, après
ma libération ; jesavais quej’aurais puavoir degrandes quantités decyanure… parunami… électricien… Quandle
souffrais trop,alorsjesongeais auxmoyens àemployer, j’imaginais lachose… Ensuite, çaallait mieux.
Lecondamné,
l’épileptique, lesyphilitique, lemutilé : pascomme lesautres.
Ceuxquine peuvent
pas accepter…
Une poulie quivient detomber surlepont, etqui résonne encore,l’afait sursauter.
Ilreprend sarespiration et
continue, amèrement :
— Je suistrop nerveux, cettenuit… Tellement esquinté !
« Le souvenir deces choses-là reste.Aufond delamisère, ilya un homme, souvent… Ilfaudrait gardercet
homme-là aprèsquelamisère estvaincue… C’estdifficile…
« La Révolution, poureux,tout lemonde, qu’est-ce quec’est ? La Stimmung de
laRévolution —tellement
important ! —qu’est-ce quec’est ? Jevais tedire : onnesait pas.
Mais c’estd’abord parcequ’ilya trop dela
misère, passeulement manqued’argent, mais…toujours, qu’ilya ces gens riches quivivent etles autres quine
vivent pas… »
Sa voix s’est affermie : desdeux coudes ilest solidement appuyéaubastingage encorechaud,etilaccompagne
la fin desaphrase d’unmouvement enavant deses larges épaules, commed’autres frapperaient dupoing :
« Ici, c’est changé ! Quandlesvolontaires marchandsontvoulu ramener l’étatancien, leurquartier abrûlé trois
jours.
Desfemmes auxpetits piedscouraient commedespingouins. »
Il s’arrête uninstant, leregard perdu.
Puisildit :
« Et tout ça,c’est toujours aussibête… Lesmorts, ceuxdeMunich, ceuxd’Odessa… Beaucoupd’autres…
Toujours aussibête… »
Il prononce : bbête,avecdégot.
« Ils sont làcomme deslapins, oucomme danslesimages.
Cen’est pastragique, non…C’estbbête… Surtout
quand ilsont des moustaches.
Ilfaut sedire quecesont devrais hommes tués…Onnecroirait pas… »
De nouveau, ilse tait, tout lecorps portant surlebastingage, écroulé.Lesmoustiques etles insectes, autourdes
lumières voiléesdupont, sontdeplus enplus nombreux.
Ondevine, sanslesvoir, lesberges etlarivière d’ombre
où nescintillent quelesreflets denos ampoules électriques, collésaubateau.
Çàetlà, maintenant, dehautes
formes tachent confusément leciel nocturne : desfilets dressés depêcheurs, peut-être…
— Klein ?.
»
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