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Tite-Live, Histoire romaine (extrait 2)

Publié le 13/04/2013

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De l’Histoire romaine— entreprise considérable en 142 livres rédigée par Tite-Live — ne subsiste que des fragments. L’un des plus complets cependant est celui du récit de la deuxième guerre punique où Hannibal défie et affronte les généraux romains pendant plus de seize ans. Dans cet extrait (chapitre 30 du livre XXI), Tite-Live fait revivre le général carthaginois haranguant ses troupes pour les convaincre de franchir les Alpes et de porter le combat en Italie romaine.

Hannibal au passage des Alpes

 

C’est pourquoi, quand Hannibal fut bien décidé à continuer sa route et à marcher sur l’Italie, il réunit ses soldats et entreprit de ranimer leur courage, en mêlant des exhortations aux reproches.

 

 

Il s’étonnait de cette terreur soudaine qui avait envahi des âmes toujours intrépides. Pendant de si longues années, leurs campagnes avaient été une suite de victoires. Ils n’avaient quitté l’Espagne qu’après avoir soumis à Carthage toutes les nations, toutes les terres comprises entre deux mers opposées. Indignés de l’audace du peuple romain qui exigeait la livraison, à titre de représailles, de quiconque avait pris part au siège de Sagonte, ils avaient franchi l’Èbre pour anéantir le nom de Rome et libérer l’univers. La route n’avait paru longue à personne quand ils marchaient de l’ouest à l’est ; et maintenant que la plus grande partie du chemin est parcourue, qu’ils ont traversé les gorges des Pyrénées au milieu des plus redoutables tribus, passé un fleuve tel que le Rhône, malgré les milliers de Gaulois qui le défendaient et en dépit de la violence de son courant quand ils n’ont devant eux que les Alpes dont l’autre versant est en Italie, c’est maintenant, aux portes mêmes de l’ennemi, qu’ils s’arrêtent, fatigués ? Que pensent-ils donc que sont les Alpes ? Tout simplement de hautes montagnes. Même en admettant qu’elles soient plus hautes que les Pyrénées, nulle part il n’y a de terre qui touche le ciel et qui soit infranchissable pour l’homme. Du reste, les Alpes sont habitées et cultivées, elles nourrissent et font vivre des êtres humains. Elles ont des chemins par où des armées peuvent passer. Ces ambassadeurs qu’ils voient devant eux, n’ont pas d’ailes, et pourtant ils ont franchi les Alpes. Leurs ancêtres n’étaient même pas originaires de ce pays : venus en Italie d’une terre étrangère, ils ont traversé ces mêmes Alpes sans courir nul danger, mêlés à des foules énormes, avec femmes et enfants, comme le font les émigrants. Et pour un soldat en armes qui ne porte avec lui que son équipement militaire, y a-t-il donc un obstacle insurmontable ? Pour prendre Sagonte, que de périls, que de fatigues n’a-t-on pas supportés pendant huit mois ? Aujourd’hui qu’ils marchent sur Rome, la capitale du monde, quelles difficultés pourraient les arrêter ? Des Gaulois se sont emparés jadis de ce que les Carthaginois, aujourd’hui, désespèrent d’atteindre ! Qu’ils s’avouent donc inférieurs en courage et en persévérance à ces Gaulois vaincus par eux tant de fois au cours de ces derniers jours, ou bien qu’ils ne reconnaissent d’autre terme à leur marche que la plaine qui s’étend entre le Tibre et les murs de Rome.

 

 

Source : Historiens romains, Histoire de la République, tome 1, Tite-Live-Salluste, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade «, 1968.

 

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