tendu a marqué comme impur en pleine Assemblée nationale, s'insinue dans le sanctuaire, dans le saint des aints de la Révolution, au Club des Jacobins, et y obtient par ses intrigues la plus haute dignité qui puisse être onférée à un patriote !
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
Maintenant
JosephFouché estmarqué pourlaguillotine, commeunarbre pourlahache.
L’exclusion duClub
des Jacobins équivautàune marque d’infamie, etune accusation delapart deRobespierre, surtoutquandelle
est aussi acharnée quecelle-ci, est,leplus souvent, lesigne d’une condamnation certaine.Fouchéporte
désormais enplein joursachemise mortuaire.
Chacunattendàtout instant sonarrestation, etlui-même plus
que lesautres.
Ilya longtemps qu’ilnecouche pluschez lui,par crainte que,lanuit, lesgendarmes neviennent
le saisir danssonlit,comme Danton etDesmoulins.
Ilse cache chezquelques amiscourageux, carilfaut du
courage pourhéberger quelqu’un siouvertement frappédeproscription ; ilfaut même ducourage pour
s’entretenir publiquement aveclui.Lapolice ducomité desûreté générale, dirigéeparRobespierre, s’attacheà
chacun despas deFouché etrapporte quellessontsesfréquentations etses visites.
Ilest invisiblement cerné,lié
dans chacun deses mouvements etdéjà livré aucouteau.
En fait, dessept cents députés, Fouchéestalors leplus exposé eton nevoit pour luiaucune possibilité
d’échapper.
Ilaencore unefoisessayé deseraccrocher quelquepart,auxJacobins, maislepoing féroce de
Robespierre l’enaarraché etmaintenant satête netient plusàses épaules queparunfil.
Car que peut-il
attendre delaConvention, decetroupeau demoutons lâchesetintimidés, quibêlent servilement leur« oui »,
dès que leComité réclame l’undesleurs pourlaguillotine ? Ilsont tous livré sansrésistance leursanciens chefs
au Tribunal révolutionnaire, Danton,Desmoulins, Vergniaud,simplement pournepas attirer l’attention sureux
par leur résistance ; pourquoinelivreraient-ils pasFouché ? Muets,anxieux, consternés, ilssont assis surleurs
bancs, euxquiautrefois étaientsicourageux etsipassionnés.
L’odieuxpoisondelapeur, quiuse lesnerfs et
écrase lesâmes, paralyse leurvolonté.
Mais lepoison possède toujours cettevertu secrète derenfermer sonantidote lorsqu’on ledistille avecartet
qu’on enexprime lesforces cachées.
C’estainsiqu’ici aussi, choseparadoxale, lapeur qu’inspire Robespierre
peut justement devenirlemoyen desedébarrasser desapersonne.
Onnepardonne pasàun homme qui,
pendant dessemaines etdes mois, vousinspire unecrainte permanente etqui, parl’incertitude oùilvous tient,
ronge l’âmeetparalyse lavolonté : jamaisl’humanité, ouun groupe quelconque, nepeut supporter longtemps la
dictature d’unseulsans lehaïr.
Etcette haine desasservis fermente souterrainement danstouslesmilieux.
Cinquante, soixantedéputésqui,comme Fouché, n’osentplusdormir chezeux,semordent leslèvres lorsque
Robespierre passeàcôté d’eux ; beaucoup crispentlespoings derrière ledos, bien qu’ils acclament sesdiscours.
Plus estlongue etsévère ladomination del’Incorruptible etplus augmente l’hostilitéqueprovoque savolonté
puissante avecexcès.
Peuàpeu, ilafroissé etoffensé toutlemonde : ladroite, enenvoyant lesGirondins à
l’échafaud, lagauche, enjetant danslepanier delaguillotine lestêtes desextrémistes, leComité deSalut public,
en lui imposant savolonté, lesprofiteurs, enles menaçant dansleurs affaires, lesambitieux, enleur barrant le
chemin, lesenvieux, parlefait qu’il détient lepouvoir, etles accommodants parcequ’ilneselie pas avec eux.Si
l’on réussissait àconcentrer enune seule volonté, enun trait dont lapointe percerait lecoeur deRobespierre,
cette haine auxcent têtes, cetteimmense lâchetééparse, tousseraient sauvés,Fouché, Barras,Tallien, Carnot,
tous sesennemis secrets.Maispourcelailfaudrait d’abordconvaincre ungrand nombre deces caractères
faibles qu’ilssontmenacés parRobespierre ; ilfaudrait élargirencore lasphère delacrainte etde laméfiance et
accroître artificiellement latension dontilest lacause.
Ilfaudrait fairepeser encore davantage surlesnerfs de
chacun cettelourdeur deplomb, cetteinquiétante incertitudequisedégage dessombres discoursde
Robespierre ; ilfaudrait rendrelaterreur plusterrible etl’anxiété plusalarmante ; alorspeut-être lamasse serait
assez courageuse pourattaquer cethomme seul.
C’est iciqu’entre enjeu lavéritable activitédeFouché.
Depuislapremière heuredumatin jusqu’à ladernière
heure dusoir, ilva furtivement d’undéputé àl’autre etparle denouvelles listesdeproscriptions que
Robespierre préparesecrètement.
Etilmurmure àchacun : « Tuessur laliste », oubien : « Tuseras dela
prochaine charrette. » Et,effectivement, uneterreur panique serépand ainsipeuàpeu, cardevant ceCaton, cet
homme d’uneincorruptibilité aussiabsolue, trèsrares sontlesdéputés quiont laconscience complètement
pure.
L’unapeut-être agiunpeu trop librement enmatière financière ; l’autreaun jour contredit Robespierre ;
le troisième atrop fréquenté lesfemmes (cequi estuncrime auxyeux decerépublicain puritain);le quatrième
a peut-être unefoisliéamitié avecDanton ouquelque autredescent cinquante condamnés ; lecinquième a
recueilli chezluiun suspect ; lesixième areçu unelettre d’unémigré.
Bref,chacun tremble, chacunconsidère
comme possible uneattaque contresoi-même ; aucunnesesent assez purpour satisfaire complètement aux
exigences exagérées queRobespierre imposeàla vertu descitoyens.
EtFouché courttoujours d’unhomme à
l’autre, semblable àla navette d’unmétier àtisser, toujours tissantdenouveaux fils,toujours nouantde
nouvelles mailles,toujours élargissant lechamp d’action decette toiled’araignée faitedeméfiance etde
soupçon.
Maisc’estunjeu dangereux qu’iljouelà,car latoile qu’iltisse estfragile, etun seul mouvement
brusque deRobespierre, uneparole detrahison peuventladéchirer.
Ce rôle secret, désespéré, périlleuxetsouterrain jouéparFouché danslaconjuration contreRobespierre n’apas
été suffisamment misenrelief parlaplupart deshistoriens etsouvent mêmesonnom n’est pascité.
L’histoire
n’est presque toujours écritequed’après lesapparences, etc’est ainsi queleshistoriens deces derniers jours
émouvants sebornent d’ordinaire àparler dugeste pathétique deTallien quibrandit àla tribune lepoignard
dont ilveut sepercer lecoeur, delabrusque énergiedeBarras quiconvoque lestroupes, etdu discours
accusateur deBourdon ; bref,ilsparlent descomédiens, desacteurs dugrand drame quisedéroule le9.
»
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