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talons.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

talons. Me voilà de nouveau devant mon pupitre, par une étouffante journée d'été. J'entends tout autour de moi un bourdonnement confus, comme si mes camarades étaient autant de grosses mouches. J'ai encore sur l'estomac le gras de bouilli tiède que nous avons eu à dîner il y a une heure ou deux. J'ai la tête lourde comme du plomb, je donnerais tout au monde pour pouvoir dormir. J'ai l'oeil sur M. Creakle, je cherche à le tenir bien ouvert ; quand le sommeil me gagne par trop, je le vois à travers un nuage, réglant éternellement son cahier ; puis, tout d'un coup, il vient derrière moi et me donne un sentiment plus réel de sa présence, en m'allongeant un bon coup de canne sur le dos. Maintenant je suis dans la cour, toujours fasciné par lui, bien que je ne puisse pas le voir. Je sais qu'il est occupé à dîner dans une pièce dont je vois la fenêtre ; c'est la fenêtre que j'examine. S'il passe devant, ma figure prend immédiatement une expression de résignation soumise. S'il met la tête à la fenêtre, l'élève le plus audacieux (Steerforth seul excepté) s'arrête au milieu du cri le plus perçant, pour prendre l'air d'un petit saint. Un jour Traddles (je n'ai jamais vu garçon plus malencontreux) casse par malheur un carreau de la fenêtre avec sa balle. À l'heure qu'il est, je frissonne encore en songeant à ce moment fatal ; la balle a dû rebondir jusque sur la tête sacrée de M. Creakle. Pauvre Traddles ! Avec sa veste et son pantalon bleu de ciel devenus trop étroits, qui donnaient à ses bras et à ses jambes l'air de saucissons bien ficelés, c'était bien le plus gai, mais aussi le plus malheureux de nous tous. Il était battu régulièrement tous les jours : je crois vraiment que pendant ce semestre entier, il n'y échappa pas une seule fois, sauf un lundi, jour de congé, où il ne reçut que quelques coups de règle sur les doigts. Il nous annonçait tous les jours qu'il allait écrire à son oncle pour se plaindre, et jamais il ne le faisait. Après un moment de réflexion, la tête couchée sur son pupitre, il se relevait, se remettait à rire, et dessinait partout des squelettes sur son ardoise, jusqu'à ce que ses yeux fussent tout à fait secs. Je me suis longtemps demandé quelle consolation Traddles pouvait trouver à dessiner des squelettes ; je le prenais au premier abord pour une espèce d'ermite, qui cherchait à se rappeler, au moyen de ces symboles de la brièveté de la vie, que l'exercice de la canne n'aurait qu'un temps. Mais je crois qu'en réalité il avait adopté ce genre de sujets, parce que c'était le plus facile, et qu'il n'y avait pas de traits à faire sur les lignes. Traddles était un garçon plein de coeur ; il considérait comme un devoir sacré pour tous les élèves de se soutenir les uns les autres. Plusieurs fois il eut à en porter la peine. Un jour surtout où Steerforth avait ri pendant l'office, le bedeau crut que c'était Traddles, et le fit sortir. Je le vois encore, quittant l'église, suivi des regards de toute la congrégation. Il ne voulut jamais dire quel était le vrai coupable, et pourtant le lendemain il fut cruellement châtié, et il passa tant d'heures en prison, qu'il en sortit avec un plein cimetière de squelettes entassés sur toutes les pages de son dictionnaire latin. Mais aussi il fut bien récompensé. Steerforth dit que Traddles n'était pas un capon, et quelle louange à nos yeux aurait pu valoir celle-là ? Quant à moi, j'aurais supporté bien des choses pour obtenir une pareille indemnité (et pourtant j'étais bien plus jeune que Traddles, et beaucoup moins brave). Un des grands bonheurs de ma vie, c'était de voir Steerforth se rendre à l'église en donnant le bras à miss Creakle. Je ne trouvais pas miss Creakle aussi belle que la petite Émilie ; je ne l'aimais pas, jamais je n'aurais eu cette audace, mais je la trouvais remarquablement séduisante, et d'une distinction sans égale. Quand Steerforth, en pantalon blanc, tenait l'ombrelle de miss Creakle, je me sentais fier de le connaître, et il me semblait qu'elle ne pouvait s'empêcher de l'adorer de tout son coeur. M. Sharp et M. Mell étaient certainement à mes yeux de grands personnages, mais Steerforth les éclipsait comme le soleil éclipse les étoiles. Steerforth continuait à me protéger, et son amitié m'était des plus utiles, car personne n'osait s'attaquer à ceux qu'il daignait honorer de sa bienveillance. Il ne pouvait me défendre vis-à-vis de M. Creakle, qui était très sévère pour moi : il n'essayait même pas ; mais quand j'avais eu à souffrir encore plus que de coutume, il me disait que je n'avais pas de toupet ; que, pour son compte, jamais il ne supporterait un pareil traitement ; cela me redonnait un peu de courage, et je lui en savais gré. La sévérité de M. Creakle eut pour moi un avantage, le seul que j'aie jamais pu découvrir. Il s'aperçut un jour que mon écriteau le gênait quand il passait derrière le banc, et qu'il voulait me donner, en circulant, un coup de sa canne, en conséquence l'écriteau fut enlevé, et je ne le revis plus. Une circonstance fortuite vint encore augmenter mon intimité avec Steerforth, et cela d'une manière qui me causa beaucoup d'orgueil et de satisfaction. Un jour qu'il me faisait l'honneur de causer avec moi pendant la récréation, je me hasardai à lui faire observer que quelqu'un ou quelque chose (j'ai oublié les détails), ressemblait à quelqu'un ou à quelque chose dans l'histoire de Peregrine Pickle. Steerforth ne répondit rien ; mais le soir, pendant que je me déshabillais, il me demanda si j'avais cet ouvrage. Je lui dis que non, et je lui racontai comment je l'avais lu, de même que tous les autres livres dont j'ai parlé au commencement de ce récit. « Est-ce que vous vous en souvenez ? dit Steerforth. - Oh ! oui, répondis-je : j'avais beaucoup de mémoire, et il me semblait que je me les rappelais à merveille. - Écoutez-moi, Copperfield, dit Steerforth, vous me les raconterez. Je ne peux pas m'endormir de bonne heure le soir, et je me réveille généralement de grand matin. Nous les prendrons les uns après les autres. Ce sera juste comme dans les Mille et une Nuits. » Cet arrangement flatta singulièrement ma vanité, et le soir même, nous commençâmes à le mettre à exécution. Je ne saurais dire, et je n'ai nulle envie de le savoir, comment j'interprétai les oeuvres de mes auteurs favoris ; mais j'avais en eux une foi profonde, et je racontais, autant que je puis croire, avec simplicité et avec gravité ce que j'avais à raconter : ces qualités-là faisaient passer par-dessus bien des choses. Il y avait pourtant un revers à la médaille ; bien souvent le soir je tombais de sommeil, ou bien j'étais ennuyé et peu disposé à reprendre mon récit, et alors c'était bien pénible ; mais il fallait pourtant le faire, car de désappointer Steerforth au risque de lui déplaire, il n'en pouvait pas être question. Le matin aussi, quand j'étais fatigué et que j'avais grande envie de dormir encore une heure, je trouvais très peu divertissant d'être réveillé en sursaut comme la sultane Schéhérazade, et contraint à raconter une longue histoire avant que la cloche se mît à sonner ; mais Steerforth tenait bon ; et comme, en revanche, il m'expliquait mes problèmes et mes versions, et qu'il m'aidait à faire ce qui me donnait trop de peine, je ne perdais pas sur ce marché. Qu'il me soit permis cependant de me rendre justice. Ce n'était ni l'intérêt personnel, ni l'égoïsme, ni la crainte qui me faisaient agir ainsi ; je l'aimais et je l'admirais, son approbation me payait de tout. J'y attachais un tel prix que j'ai le coeur serré aujourd'hui en me rappelant ces enfantillages. Steerforth ne manquait pas non plus de prudence et, une fois entre autres, il la déploya avec une persistance qui dut, je crois, faire venir un peu l'eau à la bouche au pauvre Traddles et à mes autres camarades. La lettre que m'avait annoncée Peggotty, et quelle lettre ! m'arriva au bout de quelques semaines, et elle était accompagnée d'un gâteau enfoui au milieu d'une provision d'oranges, et de deux bouteilles de vin de primevère. Je m'empressai, comme de raison, d'aller mettre ces trésors aux pieds de Steerforth, en le priant de se charger de la distribution. « Écoutez-moi bien, Copperfield, dit-il, nous garderons le vin pour vous humecter le gosier quand vous me raconterez des histoires. » Je rougis à cette idée, et dans ma modestie, je le conjurai de n'y pas songer. Mais il me dit qu'il avait remarqué que j'étais souvent un peu enroué, ou, comme il disait, que j'avais des chats dans la gorge et que ma liqueur serait employée jusqu'à la dernière goutte à me rafraîchir le gosier. En conséquence, il l'enferma dans une caisse qui lui appartenait ; il en mit une portion dans une fiole, et de temps à autre, lorsqu'il jugeait que j'avais besoin de me restaurer, il m'en administrait quelques gouttes au moyen d'un chalumeau de plume. Parfois, dans le but de rendre le remède encore plus efficace, il avait la bonté d'y ajouter un peu de jus d'orange ou de gingembre, ou d'y faire fondre de la muscade ; je ne puis pas dire que la saveur en devint plus agréable, ni que cette boisson fût précisément stomachique à prendre le soir en se couchant ou le matin en se réveillant, mais ce que je puis dire c'est que je l'avalais avec la plus vive reconnaissance pour les soins dont me comblait Steerforth. Peregrine nous prit, à ce qu'il me semble, des mois à raconter ; les autres contes plus longtemps encore. Si l'institution s'ennuyait, ce n'était toujours pas faute d'histoires, et la liqueur dura presque aussi longtemps que mes récits. Le pauvre Traddles (je ne puis jamais songer à lui sans avoir à la fois une étrange envie de rire et de pleurer), remplissait le rôle des choeurs dans les tragédies antiques ; tantôt il affectait de se tordre de rire dans les endroits comiques ; tantôt, lorsqu'il arrivait quelque événement effrayant, il semblait saisi d'une mortelle épouvante. Cela me troublait même très souvent au milieu de mes narrations. Je me souviens qu'une de ses plaisanteries favorites, c'était de faire semblant de ne pouvoir s'empêcher de claquer des dents lorsque je parlais d'un alguazil en racontant les aventures de Gil Blas ; et le jour où Gil Blas rencontra dans les rues de Madrid le capitaine des voleurs, ce malheureux Traddles poussa de tels cris de terreur que M. Creakle l'entendit, en rôdant dans notre corridor, et le fouetta d'importance pour lui apprendre à se mieux conduire au dortoir. Rien n'était plus propre à développer en moi une imagination naturellement rêveuse et romanesque, que ces histoires racontées dans une profonde obscurité, et sous ce rapport je doute que cette habitude m'ait été fort salutaire. Mais, en me voyant choyé dans notre dortoir comme un joujou récréatif, et en songeant au renom que m'avait fait et au relief que me donnait mon talent de narrateur parmi mes camarades, bien que je fusse le plus jeune, le sentiment de mon importance me stimulait infiniment. Dans une pension où règne une cruauté barbare, quelque soit le mérite de son directeur, il n'y a pas de danger qu'on apprenne grand-chose. En masse, les élèves de Salem-House ne savaient absolument rien ; ils étaient trop tourmentés et trop battus pour pouvoir apprendre quelque chose ; peut-on jamais rien faire au milieu d'une vie perpétuellement agitée et malheureuse ? Mais ma petite vanité, aidée des conseils de Steerforth, me poussait à m'instruire, et si elle ne m'épargnait pas grand-chose en fait de punition, du moins elle me faisait un peu sortir de la paresse universelle, et je finissais par attraper au vol par-ci par-là quelques bribes d'instruction. En cela j'étais soutenu par M. Mell, qui avait pour moi une affection dont je me souviens avec reconnaissance. J'étais fâché de voir que Steerforth le traitait avec un dédain systématique, et ne perdait jamais une occasion de blesser ses sentiments, ou de pousser les autres à le faire. Cela m'était d'autant plus pénible que j'avais confié à Steerforth que M. Mell m'avait mené voir deux vieilles femmes ; il m'aurait été aussi impossible de lui cacher un pareil secret que de ne pas partager avec lui un gâteau ou toute autre douceur ; mais j'avais toujours peur que Steerforth ne se servit de cette révélation pour tourmenter M. Mell. Pauvre M. Mell ! Nous ne nous doutions guère, ni l'un ni l'autre, le jour ou j'allai déjeuner dans cette maison, et faire un somme à l'ombre des plumes de paon, au son de la flûte, du mal que causerait plus tard cette visite insignifiante à l'hospice de sa mère. Mais on en verra plus tard les résultats imprévus ; et, dans leur genre, ils ne manquèrent pas de gravité. Un jour, M. Creakle garda la chambre pour indisposition : la joie fut grande parmi nous, et l'étude du matin singulièrement agitée. Dans notre satisfaction, nous étions difficiles à mener, et le terrible Tungby eut beau paraître deux ou trois fois, il eut beau noter les noms des principaux coupables, personne n'y prit garde ; on était bien sûr d'être puni le lendemain, quoi qu'on pût faire, et mieux valait se divertir en attendant. C'était un jour de demi-congé, un samedi. Mais comme nous aurions dérangé M. Creakle en jouant dans la cour, et qu'il ne faisait pas assez beau pour qu'on pût aller en promenade, on nous fit rester à l'étude pendant l'après-midi ; on nous donna seulement des devoirs plus courts que de coutume. C'était le samedi que M. Sharp allait faire friser sa perruque. M. Mell avait alors le privilège d'être chargé des corvées, c'est lui qui nous faisait travailler ce jour-là. S'il m'était possible de comparer un être aussi paisible que M. Mell à un ours ou à un taureau, je dirais que ce jourlà, au milieu du tapage inexprimable de la classe, il ressemblait à un de ces quadrupèdes assailli par un millier de chiens. Je le vois encore, appuyant sur ses mains osseuses sa tête à moitié brisée ; s'efforçant en vain de poursuivre son aride labeur, au milieu d'un vacarme qui aurait rendu fou jusqu'au président de la chambre des Communes. Une partie des élèves jouaient à colin-maillard dans un coin ; il y en avait qui chantaient, qui parlaient, qui dansaient, qui hurlaient : les uns faisaient des glissades, les autres sautaient en rond autour de lui ; on faisait cinquante grimaces ; on se moquait de lui devant ses yeux et derrière son dos ; on parodiait sa pauvreté, ses bottes, son habit, sa mère, toute sa personne enfin, même ce qu'on aurait dû le plus respecter. « Silence ! cria M. Mell en se levant tout à coup, et en frappant sur son pupitre avec le livre qu'il tenait à la main. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ça n'est pas tolérable. Il y a de quoi devenir fou. Pourquoi vous conduisez-vous ainsi envers moi, messieurs ? » C'était mon livre qu'il tenait en ce moment ; j'étais debout à côté de lui ; lorsqu'il promena ses yeux autour de la chambre, je vis tous les élèves s'arrêter subitement, les uns un peu effrayés, les autres peut-être repentants. La place de Steerforth était au bout de la longue salle. Il était appuyé contre le mur, l'air indifférent, les mains dans les poches ; toutes les fois que M. Mell jetait les yeux sur lui, il faisait mine de siffler. « Silence, monsieur Steerforth ! dit M. Mell. - Silence vous-même, dit Steerforth en devenant très rouge, à qui parlez-vous ? - Asseyez-vous, dit M. Mell. - Asseyez-vous vous-même, dit Steerforth, et mêlez-vous de vos affaires ! » Il y eut quelques chuchotements, même quelques applaudissements ; mais M. Mell était d'une telle pâleur que le silence se rétablit immédiatement, et, un élève qui s'était précipité derrière la chaise de notre maître d'études dans le but de contrefaire encore sa mère, changea d'idée et fit semblant d'être venu lui demander de tailler sa plume. « Si vous croyez, Steerforth, dit M. Mell, que j'ignore l'influence que vous exercez sur tous vos camarades, et ici il posa la main sur ma tête (sans savoir probablement ce qu'il faisait), ou que je ne vous ai pas vu, depuis un moment, exciter les enfants à m'insulter de toutes les façons imaginables, vous vous trompez. - Je ne me donne seulement pas la peine de penser à vous, dit froidement Steerforth ; ainsi vous voyez que je ne cours pas le risque de me tromper sur votre compte. - Et quand vous abusez de votre position de favori, monsieur, continua M. Mell, les lèvres tremblantes d'émotion, pour insulter un gentleman. - Un quoi ? Qu'est-ce qu'il a dit ? » cria Steerforth. Ici quelqu'un, c'était Traddles, s'écria : « Fi donc ! Steerforth ! C'est mal ! »

« – Écoutez-moi, Copperfield,ditSteerforth, vousmelesraconterez.

Jene peux pasm’endormir debonne heurele soir, etjeme réveille généralement degrand matin.

Nouslesprendrons lesuns après lesautres.

Cesera juste comme dans les Mille etune Nuits . » Cet arrangement flattasingulièrement mavanité, etlesoir même, nouscommençâmes àle mettre àexécution.

Je ne saurais dire,etjen’ai nulle envie delesavoir, comment j’interprétai lesœuvres demes auteurs favoris ; maisj’avais en eux une foiprofonde, etjeracontais, autantquejepuis croire, avecsimplicité etavec gravité ceque j’avais à raconter : cesqualités-là faisaientpasserpar-dessus biendeschoses. Il yavait pourtant unrevers àla médaille ; biensouvent lesoir jetombais desommeil, oubien j’étais ennuyé etpeu disposé àreprendre monrécit, etalors c’était bienpénible ; maisilfallait pourtant lefaire, cardedésappointer Steerforth aurisque deluidéplaire, iln’en pouvait pasêtre question.

Lematin aussi,quand j’étaisfatigué etque j’avais grande enviededormir encore uneheure, jetrouvais trèspeudivertissant d’êtreréveillé ensursaut comme lasultane Schéhérazade, etcontraint àraconter unelongue histoire avantquelacloche semît àsonner ; maisSteerforth tenait bon ; etcomme, enrevanche, ilm’expliquait mesproblèmes etmes versions, etqu’il m’aidait àfaire cequi me donnait trop depeine, jene perdais passurcemarché.

Qu’ilmesoit permis cependant deme rendre justice.

Cen’était ni l’intérêt personnel, nil’égoïsme, nilacrainte quime faisaient agirainsi ; jel’aimais etjel’admirais, sonapprobation me payait detout.

J’yattachais untel prix que j’ailecœur serréaujourd’hui enme rappelant cesenfantillages. Steerforth nemanquait pasnon plus deprudence et,une foisentre autres, illa déploya avecunepersistance qui dut, jecrois, fairevenir unpeu l’eau àla bouche aupauvre Traddles etàmes autres camarades.

Lalettre quem’avait annoncée Peggotty,etquelle lettre ! m’arriva aubout dequelques semaines, etelle était accompagnée d’ungâteau enfoui aumilieu d’uneprovision d’oranges, etde deux bouteilles devin deprimevère.

Jem’empressai, commede raison, d’allermettre cestrésors auxpieds deSteerforth, enlepriant desecharger deladistribution. « Écoutez-moi bien,Copperfield, dit-il,nousgarderons levin pour voushumecter legosier quand vousme raconterez deshistoires. » Je rougis àcette idée,etdans mamodestie, jeleconjurai den’y pas songer.

Maisilme ditqu’il avait remarqué que j’étais souvent unpeu enroué, ou,comme ildisait, quej’avais deschats danslagorge etque maliqueur serait employée jusqu’àladernière goutteàme rafraîchir legosier.

Enconséquence, ill’enferma dansunecaisse quilui appartenait ; ilen mit une portion dansunefiole, etde temps àautre, lorsqu’il jugeaitquej’avais besoin deme restaurer, ilm’en administrait quelquesgouttesaumoyen d’unchalumeau deplume.

Parfois, danslebut derendre le remède encoreplusefficace, ilavait labonté d’yajouter unpeu dejus d’orange oudegingembre, oud’y faire fondre de la muscade ; jene puis pasdire quelasaveur endevint plusagréable, nique cette boisson fûtprécisément stomachique àprendre lesoir ensecouchant oulematin enseréveillant, maisceque jepuis direc’est quejel’avalais avec laplus vivereconnaissance pourlessoins dontmecomblait Steerforth. Peregrine nousprit,àce qu’il mesemble, desmois àraconter ; lesautres contes pluslongtemps encore.Si l’institution s’ennuyait,cen’était toujours pasfaute d’histoires, etlaliqueur durapresque aussilongtemps quemes récits.

Lepauvre Traddles (jenepuis jamais songer àlui sans avoir àla fois une étrange enviederire etde pleurer), remplissait lerôle deschœurs danslestragédies antiques ; tantôtilaffectait desetordre derire dans lesendroits comiques ; tantôt,lorsqu’il arrivaitquelque événement effrayant,ilsemblait saisid’une mortelle épouvante.

Celame troublait mêmetrèssouvent aumilieu demes narrations.

Jeme souviens qu’unedeses plaisanteries favorites,c’était de faire semblant dene pouvoir s’empêcher declaquer desdents lorsque jeparlais d’unalguazil enracontant les aventures deGil Blas ; etlejour oùGil Blas rencontra danslesrues deMadrid lecapitaine desvoleurs, cemalheureux Traddles poussadetels crisdeterreur queM. Creakle l’entendit,enrôdant dansnotre corridor, etlefouetta d’importance pourluiapprendre àse mieux conduire audortoir. Rien n’était pluspropre àdévelopper enmoi uneimagination naturellement rêveuseetromanesque, queces histoires racontées dansuneprofonde obscurité, etsous cerapport jedoute quecette habitude m’aitétéfort salutaire. Mais, enme voyant choyédansnotre dortoir comme unjoujou récréatif, eten songeant aurenom quem’avait faitet au relief quemedonnait montalent denarrateur parmimescamarades, bienquejefusse leplus jeune, lesentiment de mon importance mestimulait infiniment. Dans unepension oùrègne unecruauté barbare, quelquesoitlemérite deson directeur, iln’y apas dedanger qu’on apprenne grand-chose.

Enmasse, lesélèves deSalem-House nesavaient absolument rien ;ilsétaient trop tourmentés ettrop battus pourpouvoir apprendre quelquechose ;peut-on jamaisrienfaire aumilieu d’unevie perpétuellement agitéeetmalheureuse ? Maismapetite vanité, aidéedesconseils deSteerforth, mepoussait à m’instruire, etsielle nem’épargnait pasgrand-chose enfait depunition, dumoins ellemefaisait unpeu sortir dela paresse universelle, etjefinissais parattraper auvol par-ci par-là quelques bribesd’instruction.. »

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