TACITE (55-120) De l'avantage qu'il y a pour les Gaulois à

TACITE (55-120) De l'avantage qu'il y a pour les Gaulois à appartenir à l'Empire romain Puis Cerialis convoque les Trévires et les Lingons et, dans l'assemblée, il les harangue en ces termes : « Je ne me suis jamais exercé à l'éloquence et c'est par les armes que j'ai affirmé la valeur du peuple romain. Mais, puisqu'à vos yeux, ce sont les paroles qui ont le plus d'action, et que vous jugez du bien et du mal non pas en soi mais selon les cris des rebelles, j'ai décidé de vous exposer en peu de mots des idées qu'il y a plus de profit pour vous à entendre que pour nous à les exprimer. [...] Les officiers et les généraux de Rome ont envahi votre territoire et le reste de la Gaule, non par intérêt personnel, mais à la prière de vos ancêtres, que leurs discordes mettaient à deux doigts de leur perte, et aussi parce que les Germains, appelés à l'aide, avaient asservi aussi bien leurs amis que leurs ennemis. [...] Des royautés et des guerres, voilà ce qu'on a toujours eu dans les Gaules avant que vous ne vous rangiez sous nos lois. Provoqués tant de fois par vous, nous n'avons usé du droit de la victoire que pour vous demander le moyen d'assurer la paix ; car il n'est pas possible de maintenir la tranquillité des nations sans armée, il n'y a pas d'armée sans solde, de solde sans impôts : tout le reste nous est commun avec vous. Vous-mêmes très souvent vous commandez nos légions, vous-mêmes gouvernez ces provinces et d'autres ; il n'y a ni privilège ni exclusion. De plus, la vertu des bons princes vous profite comme à nous, si loin que vous soyez. La cruauté des autres ne s'attaque qu'à nous, qui sommes tout près. [...] Il y aura des vices tant qu'il y aura des hommes, mais ce mal n'est pas continuel et, entre-temps, il est compensé par l'avènement du bien. Mais peut-être le règne de Tutor et de Classicus promet-il à vos espoirs un gouvernement plus modéré ! Peut-être croyez-vous qu'en réduisant les impôts actuels on peut avoir des armées capables de repousser les Germains et les Bretons ! En effet, si les Romains sont chassés (ce qu'aux dieux ne plaise !), que se produira-t-il, sinon une guerre universelle ? Huit cents ans de bonheur et de sage politique ont cimenté notre édifice, il ne peut être jeté à bas sans entraîner dans sa ruine ceux qui veulent le renverser. Le plus grand péril sera pour vous, qui possédez l'or et les richesses, causes premières des guerres. Par conséquent, songez à la paix et à la citoyenneté qui nous assurent les mêmes droits, vaincus comme vainqueurs. Aimez-la, rendez-lui un culte. Écoutez les leçons de la fortune, bonne ou mauvaise, et ne préférez pas, à la soumission qui donne la sécurité, l'esprit de résistance qui perd. » Ce discours, adressé à des gens qui redoutaient un traitement plus rigoureux, les calma et leur rendit confiance. Histoires, IV, 73-74, trad. H. Goelzer, Paris, G. Budé, 1963.