SULLY PRUDHOMME (1839-1908). Le vase brisé
Publié le 20/06/2011
Extrait du document
Sully Prudhomme fit d'abord de fortes études scientifiques, et il y gagna ce souci de la précision et de la clarté qui s'unit chez lui à la rêverie et à la sensibilité. Il a seulement traversé l'École parnassienne, où il apprit « à faire difficilement des vers faciles «. Ses principaux recueils sont : les Stances 'et Poèmes (1866), les Épreuves et les Solitudes (1872), les Vaines Tendresses (1872), — et des poèmes : le Zénith, la Justice, le Bonheur.
Le vase brisé (1865).
Si connue que soit cette pièce, on ne peut se dispenser de la citer, ne fût-ce que pour protester contre certains dédains dont sa célébrité même l'a rendue victime. Le symbole en est simple et juste; l'idée en est exquise et profonde à la fois; la forme échappe à l'analyse par sa précision sans raideur et par sa discrète harmonie.
Le vase où meurt cette verveine D'un coup d'éventail fut fêlé; Le coup dut l'effleurer à peine, Aucun bruit ne l'a révélé. Mais la légère meurtrissure, Mordant le cristal chaque jour, D'une marche invisible et sûre En a fait lentement le tour. Son eau fraîche a fui goutte à goutte, Le suc des fleurs s'est épuisé; Personne encore ne s'en doute, N'y touchez pas, il est brisé. Souvent aussi la main qu'on aime Effleurant le coeur, le meurtrit ; Puis, le coeur se fend de lui-même, La fleur de son amour périt; Toujours intact aux yeux du monde, Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde : Il est brisé, n'y touchez pas.
(La Vie intérieure, A. Lemerre, éditeur.)
QUESTIONS D'EXAMEN
I. — L'ensemble. — Délicat poème symbolique, exprimant une idée à la fois exquise et profonde. — Quelle est l'idée développée par le poète? (Souvent la main qu'on aime, et fleurant le coeur, le meurtrit...); L'expression de cette idée n'implique-t-elle pas, chez Sully Prudhomme, une vive sensibilité? (Oui, et toutes ses oeuvres témoignent d'ailleurs d'une grande impressionnabilité; il est le poète de la vie intérieure, difficile à saisir, et souvent bien douloureuse...); Ne fait-il pas allusion, ici, à un chagrin personnel ? (Son coeur fut brisé par l'indifférence ou la coquetterie d'une jeune fille qu'il aimait, — qui se maria, — et à laquelle il pensa toute sa vie...) ; Quel sentiment se dégage de cette poésie? (Sentiment de tristesse douce et discrète...).
II. — L'analyse du poème. — r° Bien que ce petit poème offre une' parfaite unité, on peut cependant y considérer deux parties : distinguez-les : a) Le symbole (image concrète : un vase brisé, qui sert au poète à rendre plus claire et plus saisissante l'idée qu'il exprime ensuite; — b) L'idée, une idée puisée dans le domaine de la vie morale : un coeur que brise une main aimée..., idée qui se dégage nettement du symbole; Montrez la justesse du symbole (Établir ici la correspondance de traits de même nature, dans les deux parties : le coup initial, si léger, la fêlure, — la meurtrissure, — le suc des fleurs qui s'épuise, — la fleur de son amour périt; — faire remarquer que le vers final, dans chacune des deux parties, est le même, avec interversion des hémistiches; Marquez également l'heureux choix du symbole. (La comparaison d'un coeur brisé avec un vase brisé est aussi gracieuse, aussi poétique que juste. Quoi de plus délicat que l'évocation du fragile vase dans lequel meurt une verveine !...)
III. - Le style; — les expressions. — Quels vous paraissent être les caractères distinctifs du style, dans cette poésie? (La délicatesse une forme légère et souple convenait tout particulièrement pour exprimer les fines nuances de cette subtile poésie...; indiquez quelques-unes de ces fines nuances (dut l'effleurer à peine, — mais la légère meurtrissure, - d'une marche invisible et sûre..., — la précision aisée..., — la discrète harmonie); Pourquoi le poète dit-il : où meurt cette verveine, et non : est morte?... (La verveine ne meurt pas tout de suite; elle meurt un peu chaque jour, son eau fraîche ayant fui goutte à goutte...); Indiquez le sens du mot : effleurer, employé deux fois (toucher légèrement la surface d'un objet...) ; Faites ressortir l'heureuse alliance des épithètes, dans l'expression : sa blessure fine et profonde.
IV. — La grammaire. — Indiquez la composition du mot éventail; — trouvez deux dérivés du mot suc; Analysez les pronoms contenus dans la première strophe; Distinguez les propositions qui se trouvent dans cette même strophe; indiquez la nature, et, s'il y a lieu, la fonction de chacune d'elles. Rédaction. — Le Vase brisé fut, dès sa publication, trouvé tellement beau que Sully Prudhomme, dès lors, fut considéré comme le poète du Vase brisé. Une telle appellation ne laissait pas de le contrarier. La préférence trop exclusive de ses admirateurs portait préjudice à un grand nombre de ses autres poèmes. Montrez, par une étude de l'oeuvre poétique de Sully Prudhomme, qu'il est d'autres poésies aussi parfaites que le Vase brisé, quant à la forme, et d'une bien autre portée.
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