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Splendeurs et misères des critiques.

Publié le 26/04/2011

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   Les écrivains, en règle générale, n'aiment pas les critiques; du moins les critiques qui officient dans les journaux et les revues et se prononcent sur les livres d'aujourd'hui. Un critique qui ne parle pas de vous est impardonnable, car il vous refuse l'existence. Celui qui vous éreinte manifeste par là son incompétence et ne mérite que le mépris. Celui qui vous loue ne fait que son devoir ; encore le fait-il mal, car il ne vous loue jamais autant que vous le méritez ou de la manière qu'il faudrait.    D'ailleurs, qu'est-ce qu'un critique? Un créateur raté et plein d'aigreur. S'il possédait un vrai talent, il composerait une œuvre personnelle et s'y consacrerait entièrement au lieu de commenter les livres des autres. Les critiques vivent en parasites de la littérature.    On peut penser différemment. Chardonne affirmait que la littérature n'existe que par les critiques, lesquels donnent une chance de vie aux livres qu'ils distinguent. Ils les présentent d'une certaine façon, et leur interprétation est souvent une création. Paulhan assure de son côté : « un écrivain est chose fragile ; les meilleurs d'entre eux, plus fragiles encore. Il en est cinq, chaque année, de prêts à s'abîmer dans l'oubli, si quelque bonne poigne critique ne les retient sur le bord. Et l'on en serait vite réduit, faute de cette poigne, à ceux qui s'admirent eux-mêmes suffisamment pour s'imposer. Mais une littérature ne saurait se réduire sans dommage à d'Annunzio ou Montherlant «.    Aimer les livres, ce n'est pas seulement aimer les lire. C'est aimer en parler. Probablement devient-on critique parce qu'on a envie de faire partager ses admirations et mieux encore ses découvertes. On devient critique par enthousiasme. Ainsi personne n'est mieux intentionné, au départ. Comment en arrive-t-on à écrire des articles méchants sur des ouvrages qu'il serait préférable d'ignorer? On devrait les passer sous silence parce qu'on les juge mauvais, mais voilà qu'ils obtiennent du succès et que restent dans l'ombre les livres que soi l'on aime. Les mauvais livres nous paraissent alors dangereux parce qu'ils compromettent la belle idée qu'on s'est formée de la littérature. Chaque critique défend sa conception de la littérature et doit parfois, pour la défendre, attaquer une conception contraire ou la médiocrité triomphante.    Nous parlons là d'un critique honnête. En quoi consiste l'honnêteté pour un critique ? A dire clairement ce qu'il pense d'un livre. Cela paraît tout simple et cela demande pourtant une indépendance, un courage et surtout un désintéressement qui n'ont jamais été très répandus.    Les critiques se sont toujours vus accusés de plusieurs faiblesses, dont les principales sont la complaisance pour les puissants, les riches ou les camarades, et l'asservissement à une coterie, une religion ou un parti.    Bernard Pivot, dans son livre sur Les Critiques littéraires (1968), montre comment beaucoup de critiques se servent de leur tribune pour améliorer leur situation sociale. On couvrira d'éloges un livre dont l'auteur est en mesure de vous faire obtenir tel ou tel avantage. Par exemple, un jeune critique qui est en même temps romancier entonnera des dithyrambes (*) pour tout livre publié par un membre d'un jury important (et le juré ne soupçonnera pas la flagornerie, car son oeuvre lui paraîtra mériter tous les éloges, même ceux qui nous semblent si outrés qu'ils en deviennent ridicules) (...).    Il est bien vrai que, très souvent, l'on peut découvrir, en lisant les articles d'un critique dans leur ordre chronologique, quelles furent ses ambitions successives : d'abord obtenir tel prix, ensuite appartenir à tel jury, enfin siéger dans telle Académie.    La bienveillance pour les puissants a parfois comme conséquence la férocité envers les faibles. Le jeune critique qui flatte les puissants peut éprouver quelque honte de ses articles trop louangeurs. Pour se défouler et regagner sa propre estime, après une séance de lèche-botte, il se livrera à l'éreintement sans pitié d'un écrivain indépendant dont il n'y a aucun service à attendre. Brave jeune homme !    Jacques Brenner, Tableau de la vie littéraire en France d'avant-guerre à nos jours.    Vous ferez de ce texte soit un résumé, soit une analyse.    Vous choisirez ensuite dans le texte un thème qui offre une réelle consistance et auquel vous attachez un intérêt particulier. Vous en préciserez soigneusement les données, et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

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