S'assurer la maîtrise d'une idée : l'homme ne comprend que ce qu'il retrouve.

L'originale présence de l'oeuvre spirituelle dans l'actualité de la première création, bref l'évidence originaire ne donnent pas le moins du monde une durable acquisition susceptible d'existence objective. La vivante évidence passe, non sans que l'activité du mouvement créateur tombe aussitôt à la passivité de la conscience consécutive, souvenir évanouissant du passé immédiat. Enfin cette . « rétention « disparaît. Mais, disparu et enseveli, l'événement de production spirituelle vécu par le sujet n'est pas devenu pur néant, pour le sujet considéré, du seul fait de sa disparition. Il peut être ressuscité. La passivité de la chose évoquée d'abord sans lumière (comme l'idée en était venue) et peut-être émergeant dans toujours plus de clarté, comporte la possibilité de devenir l'activité d'une réminiscence, dans laquelle l'événement passé est pour ainsi dire revécu dans l'action et la nouveauté.

Or, dans le cas où l'évocation et l'événement à revivre sont un acte spontané, créateur d'oeuvre spirituelle dans l'évidence originaire, la réminiscence active du passé s'accompagne nécessairement d'une activité de création effective parallèle. Et voilà où prend naissance l'évidence d'identité : l'objet de l'actuelle réalisation originaire est le même qui fut évident. Voilà encore sur quoi se fonde la faculté de reproduire à volonté l'objet créé, en le sachant évidemment identique dans la suite de ces répétitions. Mais cela ne nous fait pas sortir du sujet et de ses ressources et ne nous donne pas une « objectivité «. Or celle-ci, à son plus bas degré, apparaît clairement sitôt que nous observons la fonction de sympathie et, dans l'existence d'autres hommes, une communauté de sympathie. C'est dans le réseau de la compréhension réciproque que la création originaire et l'oeuvre créée par un sujet pourront être après coup comprises activement par les autres. Comme dans la réminiscence, il y aura dans cette totale compréhension après coup de l'évident, un coaccomplissement propre de l'activité créatrice, mais aussi en même temps, la conscience évidente que, créé soit par l'un, soit par l'autre, le produit de l'esprit est identique. De personnes à d'autres personnes, les créations peuvent se transmettre, le sens restant le même. En recommençant, la conscience d'autrui reçoit l'évident et son identité. Mais l'objectivité de la création idéale n'est toujours pas entièrement constituée par ces échanges actuels, qui communiquent l'oeuvre originaire de l'un à la recréation originaire de l'autre. Il manque encore aux « objets idéaux « l'existence durable pendant les moments mêmes ou l'inventeur et ses disciples cessent de veiller ou d'être en vie : il manque l'être permanent de « l'objectivation «, adéquat à l'être permanent des créations spirituelles et susceptible de les incarner. L'importante fonction de l'écriture est de permettre, sous la forme particulière de la virtualité, l'état objectif permanent des créations idéales. Une fois établi par écrit, l'objet idéal est virtuellement e au monde «, créable à chaque instant dans l'actualité. HUSSERL.