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Robur-le-Conquerant le sud, dont la pointe est rongée d'un éternel ressac, le terrible cap Horn.

Publié le 12/04/2014

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Robur-le-Conquerant le sud, dont la pointe est rongée d'un éternel ressac, le terrible cap Horn. XIV. Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire. On était, le lendemain, au 24 juillet. Or, le 24 juillet de l'hémisphère austral, c'est le 24 janvier de l'hémisphère boréal. De plus, le cinquante-sixième degré de latitude venait d'être laissé en arrière, et ce degré correspond au parallèle qui, dans le nord de l'Europe, traverse l'Ecosse à la hauteur d'Edimbourg. Aussi le thermomètre se tenait-il constamment dans une moyenne inférieure à zéro. Il avait donc fallu demander un peu de chaleur artificielle aux appareils destinés à chauffer les roufles de l'aéronef. Il va sans dire également que, si la durée des jours tendait à s'accroître depuis le solstice du 21 juin de l'hiver austral, cette durée diminuait dans une proportion bien plus considérable, par ce fait que l'Albatros descendait vers les régions polaires. En conséquence, peu de clarté, au-dessus de cette partie du Pacifique méridional qui confine au cercle antarctique. Donc, peu de vue, et, avec la nuit, un froid parfois très vif. Pour y résister, il fallait se vêtir à la mode des Esquimaux ou des Fuégiens. Aussi, comme ces accoutrements ne manquaient point à bord, les deux collègues, bien empaquetés, purent-ils rester sur la plate-forme, ne songeant qu'à leur projet, ne cherchant que l'occasion de l'exécuter. Du reste, ils voyaient peu Robur, et, depuis les menaces échangées de part et d'autre dans le pays de Tombouctou, l'ingénieur et eux ne se parlaient plus. Quant à Frycollin, il ne sortait guère de la cuisine où François Tapage lui accordait une très généreuse hospitalité, - à la condition qu'il fit l'office d'aide-coq. Cela n'allant pas sans quelques avantages, le Nègre avait très volontiers accepté, avec la permission de son maître. D'ailleurs, ainsi enfermé, il ne voyait rien de ce qui se passait au-dehors et pouvait se croire à l'abri du danger. Ne tenait-il pas de l'autruche, non seulement au physique par son prodigieux estomac, mais au moral par sa rare sottise? Maintenant, vers quel point du globe allait se diriger l' Albatros? Etait-il admissible qu'en plein hiver il osât s'aventurer au-dessus des mers australes ou des continents du pôle? Dans cette glaciale atmosphère, en admettant que les agents chimiques des piles pussent résister à une pareille congélation, n'était-ce pas la mort pour tout son personnel, l'horrible mort par le froid? Que Robur tentât de franchir le pôle pendant la saison chaude, passe encore! Mais au milieu de cette nuit permanente de l'hiver antarctique, c'eût été l'acte d'un fou! Ainsi raisonnaient le président et le secrétaire du Weldon-Institute, maintenant entraînés à l'extrémité de ce continent du Nouveau Monde, qui est toujours l'Amérique, mais non celle des Etats-Unis! Oui! qu'allait faire cet intraitable Robur? Et n'était-ce pas le moment de terminer le voyage en détruisant l'appareil voyageur? Ce qui est certain, c'est que, pendant cette journée du 24 juillet, l'ingénieur eut de fréquents entretiens avec son contremaître. A plusieurs reprises, Tom Turner et lui consultèrent le baromètre, - non plus, cette fois, pour évaluer la hauteur atteinte, mais pour relever les indications relatives au temps. Sans doute, quelques symptômes se produisaient dont il convenait de tenir compte. Uncle Prudent crut aussi remarquer que Robur cherchait à inventorier ce qui lui restait d'approvisionnements en tous genres, aussi bien pour l'entretien des machines propulsives et suspensives de l'aéronef que pour celui des machines humaines, dont le fonctionnement ne devait pas être moins assuré à bord. Tout cela semblait annoncer des projets de retour. XIV. Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire. 79 Robur-le-Conquerant « De retour!... disait Phil Evans. En quel endroit? - Là où ce Robur peut se ravitailler, répondait Uncle Prudent. - Ce doit être quelque île perdue de l'océan Pacifique, avec une colonie de scélérats, dignes de leur chef. - C'est mon avis, Phil Evans. Je crois, en effet, qu'il songe à laisser porter dans l'ouest, et, avec la vitesse dont il dispose, il aura rapidement atteint son but. - Mais nous ne pourrons plus mettre nos projets à exécution.., s'il y arrive... Il n'y arrivera pas, Phil Evans! » Evidemment, les deux collègues avaient en partie deviné les plans de l'ingénieur. Pendant cette journée, il ne fut plus douteux que l' Albatros, après s'être avancé vers les limites de la mer Antarctique, allait définitivement rétrograder. Lorsque les glaces auraient envahi ces parages jusqu'au cap Horn, toutes les basses régions du Pacifique seraient couvertes d'icefields et d'icebergs. La banquise formerait alors une barrière impénétrable aux plus solides navires comme aux plus intrépides jsavigateurs. Certes, en battant plus rapidement de l'aile, l'Albatros pouvait franchir les montagnes de glace, accumulées sur l'Océan, puis les montagnes de terre, dressées sur le continent du pôle - si c'est un continent qui forme la calotte australe. Mais, affronter, au milieu de la nuit polaire, une atmosphère qui peut se refroidir jusqu'à soixante degrés au-dessous de zéro, l'eût-il donc osé? Non, sans doute! Aussi, après s'être avancé une centaine de kilomètres dans le sud, l'Albatros obliqua-t-il vers l'ouest, de manière à prendre direction sur quelque île inconnue des groupes du Pacifique. Au-dessous de lui s'étendait la plaine liquide, jetée entre la terre américaine et la terre asiatique. En ce moment, les eaux avaient pris cette couleur singulière qui leur fait donner le nom de mer de lait ». Dans la demi-ombre que ne parvenaient plus à dissiper les rayons affaiblis du soleil, toute la surface du Pacifique était d'un blanc laiteux. On eût dit d'un vaste champ de neige dont les ondulations n'étaient pas sensibles, vues de cette hauteur. Cette portion de mer eût été solidifiée par le froid, convertie en un immense icefield, que son aspect n'eût pas été différent. On le sait maintenant, ce sont des myriades de particulés lumineuses, de corpuscules phosphorescents, qui produisent ce phénomène. Ce qui pouvait surprendre, c'était de rencontrer cet amas opalescent ailleurs que dans les eaux de l'océan Indien. Soudain, le baromètre, après s'être tenu assez haut pendant les premières heures de la journée, tomba brusquement. Il y avait évidemment des symptômes dont un navire aurait dû se préoccuper, mais que pouvait dédaigner l'aéronef. Toutefois, on devait le supposer, quelque formidable tempête avait récemment troublé les eaux du Pacifique. Il était une heure après midi, lorsque Tom Turner, s'approchant de l'ingénieur, lui dit «Master Robur, regardez donc ce point noir àl'horizon!... Là... tout à fait dans le nord de nous!... Ce ne peut être un rocher? - Non, Tom, il n'y a pas de terres de ce côté. - Alors ce doit être un navire ou tout au moins une embarcation. XIV. Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire. 80

« « De retour!...

disait Phil Evans.

En quel endroit? - Là où ce Robur peut se ravitailler, répondait Uncle Prudent. - Ce doit être quelque île perdue de l'océan Pacifique, avec une colonie de scélérats, dignes de leur chef. - C'est mon avis, Phil Evans.

Je crois, en effet, qu'il songe à laisser porter dans l'ouest, et, avec la vitesse dont il dispose, il aura rapidement atteint son but. - Mais nous ne pourrons plus mettre nos projets à exécution.., s'il y arrive... Il n'y arrivera pas, Phil Evans! » Evidemment, les deux collègues avaient en partie deviné les plans de l'ingénieur.

Pendant cette journée, il ne fut plus douteux que l' Albatros, après s'être avancé vers les limites de la mer Antarctique, allait définitivement rétrograder.

Lorsque les glaces auraient envahi ces parages jusqu'au cap Horn, toutes les basses régions du Pacifique seraient couvertes d'icefields et d'icebergs.

La banquise formerait alors une barrière impénétrable aux plus solides navires comme aux plus intrépides jsavigateurs. Certes, en battant plus rapidement de l'aile, l'Albatros pouvait franchir les montagnes de glace, accumulées sur l'Océan, puis les montagnes de terre, dressées sur le continent du pôle - si c'est un continent qui forme la calotte australe.

Mais, affronter, au milieu de la nuit polaire, une atmosphère qui peut se refroidir jusqu'à soixante degrés au-dessous de zéro, l'eût-il donc osé? Non, sans doute! Aussi, après s'être avancé une centaine de kilomètres dans le sud, l'Albatros obliqua-t-il vers l'ouest, de manière à prendre direction sur quelque île inconnue des groupes du Pacifique. Au-dessous de lui s'étendait la plaine liquide, jetée entre la terre américaine et la terre asiatique.

En ce moment, les eaux avaient pris cette couleur singulière qui leur fait donner le nom de mer de lait ».

Dans la demi-ombre que ne parvenaient plus à dissiper les rayons affaiblis du soleil, toute la surface du Pacifique était d'un blanc laiteux.

On eût dit d'un vaste champ de neige dont les ondulations n'étaient pas sensibles, vues de cette hauteur.

Cette portion de mer eût été solidifiée par le froid, convertie en un immense icefield, que son aspect n'eût pas été différent. On le sait maintenant, ce sont des myriades de particulés lumineuses, de corpuscules phosphorescents, qui produisent ce phénomène.

Ce qui pouvait surprendre, c'était de rencontrer cet amas opalescent ailleurs que dans les eaux de l'océan Indien. Soudain, le baromètre, après s'être tenu assez haut pendant les premières heures de la journée, tomba brusquement.

Il y avait évidemment des symptômes dont un navire aurait dû se préoccuper, mais que pouvait dédaigner l'aéronef.

Toutefois, on devait le supposer, quelque formidable tempête avait récemment troublé les eaux du Pacifique. Il était une heure après midi, lorsque Tom Turner, s'approchant de l'ingénieur, lui dit «Master Robur, regardez donc ce point noir àl'horizon!...

Là...

tout à fait dans le nord de nous!...

Ce ne peut être un rocher? - Non, Tom, il n'y a pas de terres de ce côté. - Alors ce doit être un navire ou tout au moins une embarcation.

Robur-le-Conquerant XIV.

Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire.

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