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Robur-le-Conquerant fut par terre, et les affaires n'en allèrent pas plus mal.

Publié le 12/04/2014

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Robur-le-Conquerant fut par terre, et les affaires n'en allèrent pas plus mal. Mais qu'y avait-il? On consulta les observatoires du monde entier. S'ils ne répondaient pas, à quoi bon des observatoires? Si les astronomes, qui dédoublent ou détriplent des étoiles à cent mille milliards de lieues, n'étaient pas capables de reconnaître l'origine d'un phénomène cosmique, dans le rayon de quelques kilomètres seulement, à quoi bon des astronomes? Aussi, ce qu'il y eut de télescopes, de lunettes, de longues-vues, de lorgnettes, de binocles, de monocles, braqués vers le ciel, pendant ces belles nuits de l'été, ce qu'il y eut d'yeux à l'oculaire des instruments de toutes portées et de toutes grosseurs, on ne saurait l'évaluer. Peut-être des centaines de mille, à tout le moins. Dix fois, vingt fois plus qu'on ne compte d'étoiles à l'il nu sur la sphère céleste. Non! Jamais éclipse, observée simultanément sur tous les points du globe, n'avait été à pareille fête. Les observatoires répondirent, mais insuffisamment. Chacun donna une opinion, mais différente. De là, guerre intestine dans le monde savant pendant les dernières semaines d'avril et les premières de mai. L'observatoire de Paris se montra très réservé. Aucune des sections ne se prononça. Dans le service d'astronomie mathématique, on avait dédaigné de regarder; dans celui des opérations méridiennes, on n'avait rien découvert; dans celui des observations physiques, on n'avait rien aperçu; dans celui de la géodésie, on n'avait rien remarqué; dans celui de la météorologie, on n'avait rien entrevu; enfin, dans celui des calculateurs, on n'avait rien vu. Du moins l'aveu était franc. Même franchise à l'observatoire de Montsouris, à la station magnétique du parc Saint-Maur. Même respect de la vérité au Bureau des Longitudes. Décidément, Français veut dire franc La province fut un peu plus affirmative. Peut-être dans la nuit du 6 au 7 mai avait-il paru une lueur d'origine électrique, dont la durée n'avait pas dépassé vingt secondes. Au pic du Midi, cette lueur s'était montrée entre neuf et dix heures du soir. A l'observatoire météorologique du Puy-de-Dôme, on l'avait saisie entre une heure et deux heures du matin; au mont Ventoux, en Provence, entre deux et trois heures; à Nice, entre trois et quatre heures; enfin, au Semnoz-Alpes, entre Annecy, le Bourget et le Léman, au moment où l'aube blanchissait le zénith. Evidemment, il n'y avait pas à rejeter ces observations en bloc. Nul doute que la lueur eût été observée en divers postes - successivement - dans le laps de quelques heures. Donc, ou elle était produite par plusieurs foyers, courant à travers l'atmosphère terrestre, ou, si elle n'était due qu'à un foyer unique, c'est que ce foyer pouvait se mouvoir avec une vitesse qui devait atteindre bien près de deux cents kilomètres à l'heure. Mais, pendant le jour, avait-on jamais vu quelque chose d'anormal dans l'air? Jamais. La trompette, du moins, s'était-elle fait entendre à travers les couches aériennes? Pas le moindre appel de trompette n'avait retenti entre le lever et le coucher du soleil. Dans le Royaume-Uni, on fut très perplexe. Les observatoires ne purent se mettre d'accord. Greenwich ne parvint pas à s'entendre avec Oxford, bien que tous deux soutinssent qu'il n'y avait rien. « Illusion d'optique! disait l'un. - Illusion d'acoustique! » répondait l'autre. Robur-le-Conquerant 3 Robur-le-Conquerant Et là-dessus, ils disputèrent. En tout cas, illusion. A l'observatoire de Berlin, à celui de Vienne, la discussion menaça d'amener des complications internationales. Mais la Russie, en la personne du directeur de son observatoire de Poulkowa, leur prouva qu'ils avaient raison tous deux; cela dépendait du point de vue auquel ils se mettaient pour déterminer la nature du phénomène, en théorie impossible, possible en pratique. En Suisse, à l'observatoire de Saütis, dans le canton d'Appenzel, au Righi, au Gäbris, dans les postes du Saint-Gothard, du Saint-Bernard, du Julier, du Simplon, de Zurich, du Somblick dans les Alpes tyroliennes, on fit preuve d'une extrême réserve à propos d'un fait que personne n'avait jamais pu constater - ce qui est fort raisonnable. Mais, en Italie, aux stations météorologiques du Vésuve, au poste de l'Etna, installé dans l'ancienne Casa Inglese, au Monte Cavo, les observateurs n'hésitèrent pas à admettre la matérialité du phénomène, attendu qu'ils l'avaient pu voir, un jour, sous l'aspect d'une petite volute de vapeur, une nuit, sous l'apparence d'une étoile filante. Ce que c'était, d'ailleurs, ils n'en savaient absolument rien. En vérité, ce mystère commençait à fatiguer les gens de science, tandis qu'il continuait à passionner, à effrayer même les humbles et les ignorants, qui ont formé, forment et formeront l'immense majorité en ce monde, grâce à l'une des plus sages lois de la nature. Les astronomes et les météorologistes auraient donc renoncé à s'en occuper, si, dans la nuit du 26 au 27, à l'observatoire de Kantokeino, au Finmark, en Norvège, et dans la nuit du 28 au 29, à celui de l'Isfjord, au Spitzberg, les Norvégiens d'une part, les Suédois de l'autre, ne se fussent trouvés d'accord sur ceci : au milieu d'une aurore boréale avait apparu une sorte de gros oiseau, de monstre aérien. S'il n'avait pas été possible d'en déterminer la Structure, du moins n'était-il pas douteux qu'il eût projeté hors de lui des corpuscules qui détonaient comme des bombes. En Europe, on voulut bien ne pas mettre en doute cette observation des stations du Finmark et du Spitzberg. Mais, ce qui parut le plus phénoménal en tout cela, c'était que des Suédois et des Norvégiens eussent pu se mettre d'accord sur un point quelconque. On rit de la prétendue découverte dans tous les observatoires de l'Amériqué du Sud, au Brésil, au Pérou comme à La Plata, dans ceux de l'Australie, à Sidney, à Adélaïde comme à Melbourne. Et le rire australien est des plus communicatifs. Bref, un seul chef de station météorologique se montra affirmatif sur cette question, malgré tous les sarcasmes que sa solution pouvait faire naître. Ce fut un Chinois, le directeur de l'observatoire de Zi-Ka-Wey, élevé au milieu d'une vaste plaine, à moins de dix lieues de la mer, avec un horizon immense, baigné d'air pur. « Il se pourrait, dit-il, que l'objet dont il s'agit fût tout simplement un appareil aviateur, une machine volante! » Quelle plaisanterie! Cependant, si les controverses furent vives dans l'Ancien Monde, on imagine ce qu'elles durent être en cette portion du Nouveau, dont les Etats-Unis Occupent le plus vaste territoire. Un Yankee, on le sait, n'y va pas par quatre chemins. Il n'en prend qu'un, et généralement celui qui conduit droit au but. Aussi les observatoires de la Fédération américaine n'hésitèrent-ils pas à se dire leur fait. S'ils ne se jetèrent pas leurs objectifs à la tête, c'est qu'il aurait fallu les remplacer au moment où l'on avait le plus besoin de s'en servir. Robur-le-Conquerant 4

« Et là-dessus, ils disputèrent.

En tout cas, illusion. A l'observatoire de Berlin, à celui de Vienne, la discussion menaça d'amener des complications internationales.

Mais la Russie, en la personne du directeur de son observatoire de Poulkowa, leur prouva qu'ils avaient raison tous deux; cela dépendait du point de vue auquel ils se mettaient pour déterminer la nature du phénomène, en théorie impossible, possible en pratique. En Suisse, à l'observatoire de Saütis, dans le canton d'Appenzel, au Righi, au Gäbris, dans les postes du Saint-Gothard, du Saint-Bernard, du Julier, du Simplon, de Zurich, du Somblick dans les Alpes tyroliennes, on fit preuve d'une extrême réserve à propos d'un fait que personne n'avait jamais pu constater - ce qui est fort raisonnable. Mais, en Italie, aux stations météorologiques du Vésuve, au poste de l'Etna, installé dans l'ancienne Casa Inglese, au Monte Cavo, les observateurs n'hésitèrent pas à admettre la matérialité du phénomène, attendu qu'ils l'avaient pu voir, un jour, sous l'aspect d'une petite volute de vapeur, une nuit, sous l'apparence d'une étoile filante.

Ce que c'était, d'ailleurs, ils n'en savaient absolument rien. En vérité, ce mystère commençait à fatiguer les gens de science, tandis qu'il continuait à passionner, à effrayer même les humbles et les ignorants, qui ont formé, forment et formeront l'immense majorité en ce monde, grâce à l'une des plus sages lois de la nature.

Les astronomes et les météorologistes auraient donc renoncé à s'en occuper, si, dans la nuit du 26 au 27, à l'observatoire de Kantokeino, au Finmark, en Norvège, et dans la nuit du 28 au 29, à celui de l'Isfjord, au Spitzberg, les Norvégiens d'une part, les Suédois de l'autre, ne se fussent trouvés d'accord sur ceci : au milieu d'une aurore boréale avait apparu une sorte de gros oiseau, de monstre aérien.

S'il n'avait pas été possible d'en déterminer la Structure, du moins n'était-il pas douteux qu'il eût projeté hors de lui des corpuscules qui détonaient comme des bombes. En Europe, on voulut bien ne pas mettre en doute cette observation des stations du Finmark et du Spitzberg. Mais, ce qui parut le plus phénoménal en tout cela, c'était que des Suédois et des Norvégiens eussent pu se mettre d'accord sur un point quelconque. On rit de la prétendue découverte dans tous les observatoires de l'Amériqué du Sud, au Brésil, au Pérou comme à La Plata, dans ceux de l'Australie, à Sidney, à Adélaïde comme à Melbourne.

Et le rire australien est des plus communicatifs. Bref, un seul chef de station météorologique se montra affirmatif sur cette question, malgré tous les sarcasmes que sa solution pouvait faire naître.

Ce fut un Chinois, le directeur de l'observatoire de Zi-Ka-Wey, élevé au milieu d'une vaste plaine, à moins de dix lieues de la mer, avec un horizon immense, baigné d'air pur. « Il se pourrait, dit-il, que l'objet dont il s'agit fût tout simplement un appareil aviateur, une machine volante! » Quelle plaisanterie! Cependant, si les controverses furent vives dans l'Ancien Monde, on imagine ce qu'elles durent être en cette portion du Nouveau, dont les Etats-Unis Occupent le plus vaste territoire. Un Yankee, on le sait, n'y va pas par quatre chemins.

Il n'en prend qu'un, et généralement celui qui conduit droit au but.

Aussi les observatoires de la Fédération américaine n'hésitèrent-ils pas à se dire leur fait.

S'ils ne se jetèrent pas leurs objectifs à la tête, c'est qu'il aurait fallu les remplacer au moment où l'on avait le plus besoin de s'en servir.

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