Devoir de Philosophie

Robur-le-Conquerant En tout cas, à mesure qu'il descendait plus au sud, la durée du jour diminuait.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

Robur-le-Conquerant En tout cas, à mesure qu'il descendait plus au sud, la durée du jour diminuait. Avant peu, il serait plongé dans cette nuit permanente qui ne s'illumine qu'à la clarté de la lune ou aux pâles lueurs des aurores australes. Mais la lune était nouvelle alors, et les compagnons de Robur risquaient de ne rien voir de ces régions dont le secret échappe encore à la curiosité humaine. Très probablement, l'Albatros passa au-dessus de quelques points déjà reconnus, un peu en avant du cercle polaire, dans l'ouest de la terre de Graham, découverte par Biscoe en 1832, et de la terre Louis-Philippe, découverte en 1838 par Durnont d'Urville, dernières limites atteintes sur ce continent inconnu. Cependant, à bord, on ne souffrait pas trop de la température, beaucoup moins basse alors qu'on ne devait le craindre. Il semblait que cet ouragan fût une sorte de gulf-stream aérien qui emportait une certaine chaleur avec lui. Combien il y eut lieu de regretter que toute cette région fût plongée dans une obscurité profonde! Il faut remarquer, toutefois, que, même si la lune eût éclairé l'espace, la part des observations aurait été très réduite. A cette époque de l'année, un immense rideau de neige, une carapace glacée, recouvre toute la surface polaire. On n'aperçoit même pas ce blink des glaces, teinte blanchâtre dont la réverbération manque aux horizons obscurs. Dans ces conditions, comment distinguer la forme des terres, l'étendue des mers, la disposition des îles? Le réseau hydrographique du pays, comment le reconnaître? Sa configuration orographique elle-même, comment la relever, puisque les collines ou les montagnes s'y confondent avec les icebergs, avec les banquises? Un peu avant minuit, une aurore australe illumina ces ténèbres. Avec ses franges argentées, ses lamelles qui rayonnaient à travers l'espace, ce météore présentait la forme d'un immense éventail, ouvert sur une moitié du ciel. Ses extrêmes effluences électriques venaient se perdre dans la Croix du Sud, dont les quatre étoiles brillaient au zénith. Le phénomène fut d'une magnificence incomparable, et sa clarté suffit à montrer l'aspect de cette région confondue dans une immense blancheur. Il va sans dire que, sur ces contrées si rapprochées du pôle magnétique austral, l'aiguille de la boussole, incessamment affolée, ne pouvait plus donner aucune indication précise relativement à la direction suivie. Mais son inclinaison fut telle, à un certain moment, que Robur put tenir pour certain qu'il passait au-dessus de ce pôle magnétique, situé à peu près sur le soixante-dix-huitième parallèle. Et plus tard, vers une heure du matin, en calculant l'angle que cette aiguille faisait avec la verticale, il s'écria: « Le pôle austral est sous nos pieds! » Une calotte blanche apparut, mais sans rien laisser voir de ce qui se cachait sous ses glaces. L'aurore australe s'éteignit peu après, et ce point idéal, où viennent se croiser tous les méridiens du globe, est encore à connaître. Certes, si Uncle Prudent et Phil Evans voulaient ensevelir dans la plus mystérieuse des solitudes l'aéronef et ceux qu'il emportait à travers l'espace, l'occasion était propice. S'ils ne le firent pas, sans doute, c'est que l'engin dont ils avaient besoin leur manquait encore. Cependant l'ouragan continuait à se déchaîner avec une vitesse telle que, si l'Albatros eût rencontré quelque montagne sur sa route, il s'y fût brisé comme un navire qui se met à la côte. En effet, non seulement il ne pouvait plus se diriger horizontalement, mais il n'était même plus maître de son déplacement en hauteur. XIV. Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire. 85 Robur-le-Conquerant Et pourtant, quelques sommets se dressent sur les terres antarctiques. A chaque instant un choc eût été possible et aurait amené la destruction de l'appareil. Cette catastrophe fut d'autant plus à craindre que le vent inclina vers l'est, en dépassant le méridien zéro. Deux points lumineux se montrèrent alors à une centaine de kilomètres en avant de l' Albatros. C'étaient les deux volcans qui font partie du vaste système des monts Ross, l'Erebus et le Terror. L'Albatros allait-il donc se brûler à leurs flammes comme un papillon gigantesque? Il y eut là une heure palpitante. L'un des volcans, l'Erebus, semblait se précipiter sur l'aéronef qui ne pouvait dévier du lit de l'ouragan. Les panaches de flamme grandissaient à vue d'il. Un réseau de feu barrait la route. D'intenses clartés emplissaient maintenant l'espace. Les figures, vivement éclairées à bord, prenaient un aspect infernal. Tous, immobiles, sans un cri, sans un geste, attendaient l'effroyable minute, pendant laquelle cette fournaise les envelopperait de ses feux. Mais l'ouragan qui entraînait l'Albatros, le sauva de cette épouvantable catastrophe. Les flammes de l'Erebus, couchées par la tempête, lui livrèrent passage. Ce fut au milieu d'une grêle de substances laviques, repoussées heureusement par l'action centrifuge des hélices suspensives, qu'il franchit ce cratère en pleine éruption. Une heure après, l'horizon dérobait aux regards les deux torches colossales qui éclairent les confins du monde pendant la longue nuit du pôle. A deux heures du matin, l'île Ballery fut dépassée à l'extrémité de la côte de la Découverte, sans qu'on pût la reconnaître, puisqu'elle était soudée aux terres arctiques par un ciment de glace. Et alors, à partir du cercle polaire que l'Albatros recoupa sur le cent soixante-quinzième méridien, l'ouragan l'emporta au-dessus des banquises, au-dessus des icebergs, contre lesquels il risqua cent fois d'être brise. Il n'était plus dans la main de son timonier, mais dans la main de Dieu... Dieu est un bon pilote. L'aéronef remontait alors le méridien de Paris, qui fait un angle de cent cinq degrés avec celui qu'il avait suivi pour franchir le cercle du monde antarctique. Enfin, au-delà du soixantième parallèle, l'ouragan indiqua une tendance à se casser. Sa violence diminua très sensiblement. L' Albatros commença à redevenir maître de lui-même. Puis ce qui fut un soulagement véritable - il rentra dans les régions éclairées du globe, et le jour reparut vers les huit heures du matin. Robur et les siens, après avoir échappé au cyclone du Cap Horn, étaient délivrés de l'ouragan. Ils avaient été ramenés vers le Pacifique par-dessus toute la région polaire, après avoir franchi sept mille kilomètres en dix-neuf heures - soit plus d'une lieue à la minute -vitesse presque double de celle que pouvait obtenir l' Albatros sous l'action de ses propulseurs dans les circonstances ordinaires. Mais Robur ne savait plus où il se trouvait alors, par suite de cet affolement de l'aiguille aimantée dans le voisinage du pôle magnétique. Il fallait attendre que le soleil se montrât dans des conditions convenables pour faire une observation. Malheureusement de gros nuages chargeaient le ciel, ce jour-là, et le soleil ne parut pas. Ce fut un désappointement d'autant plus sensible que les deux hélices propulsives avaient subi certaines avaries pendant la tourmente. Robur, très contrarié de cet accident, ne put marcher, pendant toute cette journée, qu'à une vitesse XIV. Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire. 86

« Et pourtant, quelques sommets se dressent sur les terres antarctiques.

A chaque instant un choc eût été possible et aurait amené la destruction de l'appareil. Cette catastrophe fut d'autant plus à craindre que le vent inclina vers l'est, en dépassant le méridien zéro. Deux points lumineux se montrèrent alors à une centaine de kilomètres en avant de l' Albatros. C'étaient les deux volcans qui font partie du vaste système des monts Ross, l'Erebus et le Terror. L'Albatros allait-il donc se brûler à leurs flammes comme un papillon gigantesque? Il y eut là une heure palpitante.

L'un des volcans, l'Erebus, semblait se précipiter sur l'aéronef qui ne pouvait dévier du lit de l'ouragan.

Les panaches de flamme grandissaient à vue d'il.

Un réseau de feu barrait la route. D'intenses clartés emplissaient maintenant l'espace.

Les figures, vivement éclairées à bord, prenaient un aspect infernal.

Tous, immobiles, sans un cri, sans un geste, attendaient l'effroyable minute, pendant laquelle cette fournaise les envelopperait de ses feux. Mais l'ouragan qui entraînait l'Albatros, le sauva de cette épouvantable catastrophe.

Les flammes de l'Erebus, couchées par la tempête, lui livrèrent passage.

Ce fut au milieu d'une grêle de substances laviques, repoussées heureusement par l'action centrifuge des hélices suspensives, qu'il franchit ce cratère en pleine éruption. Une heure après, l'horizon dérobait aux regards les deux torches colossales qui éclairent les confins du monde pendant la longue nuit du pôle. A deux heures du matin, l'île Ballery fut dépassée à l'extrémité de la côte de la Découverte, sans qu'on pût la reconnaître, puisqu'elle était soudée aux terres arctiques par un ciment de glace. Et alors, à partir du cercle polaire que l'Albatros recoupa sur le cent soixante-quinzième méridien, l'ouragan l'emporta au-dessus des banquises, au-dessus des icebergs, contre lesquels il risqua cent fois d'être brise.

Il n'était plus dans la main de son timonier, mais dans la main de Dieu...

Dieu est un bon pilote. L'aéronef remontait alors le méridien de Paris, qui fait un angle de cent cinq degrés avec celui qu'il avait suivi pour franchir le cercle du monde antarctique. Enfin, au-delà du soixantième parallèle, l'ouragan indiqua une tendance à se casser.

Sa violence diminua très sensiblement.

L' Albatros commença à redevenir maître de lui-même.

Puis ce qui fut un soulagement véritable - il rentra dans les régions éclairées du globe, et le jour reparut vers les huit heures du matin. Robur et les siens, après avoir échappé au cyclone du Cap Horn, étaient délivrés de l'ouragan.

Ils avaient été ramenés vers le Pacifique par-dessus toute la région polaire, après avoir franchi sept mille kilomètres en dix-neuf heures - soit plus d'une lieue à la minute -vitesse presque double de celle que pouvait obtenir l' Albatros sous l'action de ses propulseurs dans les circonstances ordinaires. Mais Robur ne savait plus où il se trouvait alors, par suite de cet affolement de l'aiguille aimantée dans le voisinage du pôle magnétique.

Il fallait attendre que le soleil se montrât dans des conditions convenables pour faire une observation.

Malheureusement de gros nuages chargeaient le ciel, ce jour-là, et le soleil ne parut pas. Ce fut un désappointement d'autant plus sensible que les deux hélices propulsives avaient subi certaines avaries pendant la tourmente. Robur, très contrarié de cet accident, ne put marcher, pendant toute cette journée, qu'à une vitesse Robur-le-Conquerant XIV.

Dans lequel l'Albatros fait ce qu on ne pourra peut-être jamais faire.

86. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles