Robinson dans son île
Publié le 20/06/2012
Extrait du document
La vie de Daniel Defoe (né vers 1660, mort en 1731 ), imparfaitement
connue, fut assurément très mouvementée et bien remplie :
grand voyageur, négociant qui connut la banqueroute, agent politique
passant des Whigs aux Tories pour revenir à ses premières
convictions, mis au pilori, plusieurs fois emprisonné, Defoe écrivit
intarissablement sur toutes sortes de sujets. C'est le romancier de
The Life and Strange Surprising Adventures of Robinson Crusoe
( 1719) et de Moll Flanders (1722) que la postérité a surtout retenu.
Mais la figure légendaire de Robinson, type même du solitaire, s'est
schématisée et figée; le jeune lecteur, en tout cas, ignore que son
héros vit les aventures - en partie réelles, en partie imaginaires -
d'un bourgeois anglais au début du XVIIIe siècle, et en exprime
l'idéologie. La solitude de Robinson est en effet une solitude édifiante
: elle illustre non seulement l'idée que, sans le secours de la
Providence, la créature humaine succomberait à bien des périls,
mais aussi « le drame symbolique du rude et patient effort par
lequel la civilisation est née «.
«
32
misérable.
J'adressai à Dieu d'humbles et sincères actions de
grâces de ce qu'il lui avait plu de
me découvrir que, même dans
cette
solitude, je pouvais être plus heureux que je ne l'eusse été au
sein de la société et de tous les plaisirs du monde; je le bénis
encore de ce qu'il remplissait les vides
de mon isolement et la
privation de toute compagnie
humaine par sa présence et par la
communication de sa
grâce, assistant, réconfortant et encoura·
geant mon âme à se reposer ici-bas sur sa providence, et à espé
rer jouir de sa présence éternelle dans l'autre vie.
Ce fut alors que je cOmmençai à sentir profondément combien
la vie
que je menais, même avec toutes ses circonstances
pénibles, était plus heureuse que la maudite et détestable vie
que j'avais faite durant toute la portion écoulée de mes jours.
Mes chagrins et mes joies étaient
changés, mes désirs étaient
autres, mes affections n'avaient plus le même penchant, et mes
jouissances étaient totalement différentes de ce qu'elles étaient
dans les premiers temps de mon séjour, ou de fait pendant les
deux années passées.
Autrefois, lorsque
je sortais, soit pour chasser, soit pour visi
ter la campagne, l'angoisse que mon âme ressentait de ma
condition se réveillait tout à coup, et mon cœur défaillait en
ma poitrine, à la seule pensée que j'étais en ces bois, ces mon
tagnes,
ces solitudes, et que j'étais un prisonnier sans rançon,
enfermé dans un morne désert par l'éternelle barrière de l'Océan.
Au milieu
de mes plus grands calmes d'esprit, cette pensée
fondait
sur moi comme un orage et me faisait tordre mes mains
et pleurer comme un enfant.
Quelquefois, elle me surprenait
au fort de mon travail, je m'asseyais aussitôt.
je soupirais, et
pendant une heure ou deux, les yeux fichés en terre, je restais là.
Mon mal n'en devenait que plus cuisant.
Si j'avais pu débonder
en larmes, éclater en paroles, il se serait dissipé, et la douleur,
épuisée,
se serait elle-même abattue.
Mais alors je commençais
à me repaître de nouvelles pensées.
Je lisais chaque jour la parole de Dieu, et j'en appliquais toutes
les consolations
à mon état présent.
Un matin que j'étais fort
triste, j'ouvris la Bible à ce passage : damais, jamais, je ne te
délaisserai;
je ne t'abandonnerai jamais!>> Immédiatement il me
sembla que ces mots s'adressaient à moi; pourquoi autrement
m'auraient-ils été envoyés juste au moment où je me désolais
sur
ma situation, comme un être abandonné de Dieu et des.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'île de Robinson - Hegel
- L'île de Robinson: Hegel, Discours du 29 septembre 1809, Textes pédagogiques, réunis et traduits par B. Bourgeois.
- Isolé sur son île, Robinson risque de perdre tout repère. Son Journal lui est essentiel pour garder les notions primordiales de temps, de langage et d'identité — En voici un extrait.
- Commentaire écrit sur l'île des esclaves
- Sujet : l’île des esclaves, une œuvre utopique ?