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RENÉ BAZIN (1853-1932). Le Labour. La Terre qui meurt

Publié le 21/06/2011

Extrait du document

René Bazin s'est fait une réputation prompte et méritée, en traitant, dans ses romans, des questions d'actualité patriotique et sociale. Signalons en particulier : les Oberlé, la Terre qui meurt, le Blé qui lève, etc. — Bazin est aussi un peintre très délicat et très pittoresque de la nature.

Le Labour.

Dans la Terre qui meurt, René Bazin a traite magistralement un des problèmes les plus inquiétants de notre vie sociale. — Il nous montre que, grâce aux progrès de la civilisation urbaine et industrielle, les jeunes paysans ne veulent plus vivre à la campagne et continuer l'oeuvre de leurs pères. Un à un, ils sont séduits par le mirage des villes, l'attrait des gros salaires dans les usines.... Ils quittent la ferme; — et voilà peu à peu la terre qui meurt. Le passage suivant nous fait assister à l'un de ces départs, et dans une admirable scène rustique. Le père Lumineau, vieux fermier courageux, a trois fils et une fille. L'aîné des fils, Mathurin, qui aime la terre, est infirme. Le second, François, quitte la ferme pour entrer dans les chemins de fer et entraîne avec lui sa soeur aînée. Le troisième, André, va revenir du service militaire, mais il partira pour les colonies. — Reste là au chaud, dit-il à Mathurin. Toi, François, conduis bien droit tes boeufs. C'est un beau jour de labour. Ohé! Noblet, Cavalier, Paladin, Matelot ! Un coup de fouet fit plier les reins à la jument de flèche ; les quatre bœufs baissèrent les cornes et tendirent les jarrets; le soc, avec un bruit de faux qu'on aiguise, s'enfonça; la terre s'ouvrit, brune, formant un haut remblai qui se brisait en montant et croulait sur lui-même, comme les eaux divisées par l'étrave d'un navire. Les bonnes bêtes allaient droit et sagement. Sous leur peau plissée d'un frémissement régulier, les muscles se -mouvaient sans plus de travail apparent que si elles eussent tiré une charrette vide sur une route unie. Les herbes se couchaient, déracinées : trèfles, folles avoines, plantains, phléoles, pimprenelles, lotiers à fleurs jaunes déjà mêlées de gousses brunes, fougères qui s'appuyaient sur leurs palmes pliées, comme de jeunes chênes abattus. Une vapeur sortait du sol frais surpris par la chaleur du jour. En avant, sous le pied des animaux, une poussière s'élevait. L'attelage s'avançait dans une auréole rousse que traversaient les mouches. Et Mathurin, à l'ombre du cormier, regardait descendre avec envie le père, le frère, la jument grise, et les quatre boeufs de chez lui dont la croupe diminuait sur la. pente. — François, disait le métayer, réjoui de sentir battre dans ses mains les bras de la charrue, François, prends garde à Noblet qui mollit ! Touche Matelot !... La jument gagne à gauche !... Veille, mon gars, tu as l'air endormi ! Le cadet, en effet, ne prenait aucun goût à conduire le harnais. Il songeait qu'il fallait parler, et la peur de commencer lui tenait le front baissé. Ils tournèrent au bas du champ, et remontèrent, traçant un second sillon près du premier. Les cornes des boeufs, l'aiguillon de François, commencèrent à reparaître au ras des herbes qu'observait Mathurin. Celui-ci, pour saluer le retour du harnais, se mit à « noter «, à chanter, de toute sa voix, la lente mélopée que chacun varie et termine comme il veut. Les notes s'envolaient, puissantes, avec des fioritures d'un art ancien comme le labour même. Elles soutenaient le pas des bêtes qui en connaissaient le rythme ; elles accompagnaient la plainte des roues sur les moyeux ; elles s'en allaient au loin, par-dessus les haies, apprendre à ceux de la paroisse qui travaillaient dehors que la charrue soulevait enfin la jachère, dans la Cailleterie des Lumineau. Elles réjouissaient aussi le coeur du métayer. Mais François demeurait sombre. Quand l'attelage atteignit l'ombre du cormier : — Père, dit Mathurin, vous ferez bien de replanter notre vigne qui s'en va. Dès que Driot sera là, faudra nous y mettre. Qu'en dites-vous? Car il avait toujours l'esprit en songerie vers l'avenir de la Fromentière. Le métayer arrêta les boeufs, leva son chapeau, et ses cheveux apparurent tout fumants. Il sourit de contentement. — Tu as de jolies idées, Mathurin ; si le grain pousse bien dans la Cailleterie, foi de Lumineau, j'achète du plant pour la vigne... J'ai espoir dans notre labour d'aujourd'hui... ...Comme l'infirme ne chantait plus, le métayer dit, vers la moitié du champ : — A ton tour de noter, François! Chante, mon garçon, ça t'éjouira le coeur! Le jeune homme continua une dizaine de pas, puis il essaya de noter : « Oh! oh! les valets, oh! oh! oh! « Sa voix, qu'il avait plus haute que Mathurin, fit dresser l'oreille des boeufs, et s'en alla tremblante. Mais, tout à coup, elle s'arrêta, brisée par la peur dont il n'était pas maître. Il se raidit, leva le menton vers le Marais, s'efforça encore de chanter, et trois notes jaillirent. Puis un sanglot termina la chanson, et rouge de honte le gars se remit à marcher en silence, le visage tourné vers la jachère, devant le vieux métayer qui, par-dessus la croupe des boeufs, le regardait. Pas un mot ne fut dit, de part ni d'autre, tant que le père n'eut pas achevé le sillon. Alors, au bas du champ, Toussaint Lumineau demanda, troublé jusqu'au fond de l'âme : — Tu as du nouveau, François, qu'y a-t-il donc? Ils étaient à trois pas de distance, le père au ras de la haie, le fils de l'autre côté de l'attelage, à la tête des premiers boeufs. — Il y a, père, que je m'en vais! — Que dis-tu, François?... Le chaud du jour t'a touché l'esprit... Tu es malade?...

(La Terre qui meurt, Calman-Lévy, édit.) QUESTIONS D'EXAMEN

I. L'ensemble. — Une scène de labour, qui sert de cadre à un épisode dramatique.... Le lecteur, prévenu par les chapitres précédents, sait que François, le fils cadet, est déjà engagé dans une compagnie de chemin de fer, qu'il est à la veille de son départ, et qu'il se propose, aujourd'hui même, d'avertir son père. Nous attendons avec une sorte d'angoisse le moment où François se décidera à parler.

II. — L'analyse du morceau. — Description du labourage, en termes à la rois techniques et pittoresques. Ce n'est pas un hors-d'oeuvre. les sentiments des personnages reçoivent. de cette description leur vérité et leur couleur locale. — Mathurin, l'infirme, est assis à l'ombre et suit avec un intérêt douloureux ce travail qu'il est maintenant incapable d'exécuter. — François accompagne son père à la charrue, pour guider les bêtes; son attitude sombre et découragée. « Il songeait qu'il fallait parler.... « — Le manège des bêtes. On continue à suivre leurs mouvements; le décor se maintient; il s'anime par le chant de Mathurin. — François, sur l'ordre de son père, chante à son tour. Mais le chagrin l'étouffe, et il sanglote.... Alors, brusquement, il avoue.... — C'est tout un petit drame avec son dénouement.

III. — Le style. — Le style de René Bazin est remarquable par sa propriété. Nous n'avons pas ici une description poétique à la manière de George Sand. L'auteur connaît la campagne, les travaux des champs, la nature et les allures des animaux et des terriens. Un paysan ne, relèverait pas une faute dans ce passage. Et cependant, c'est aussi un style de poète. Les mots sont si bien choisis qu'ils évoquent les couleurs, les ormes, les sons, — et tout est d'accord avec les sentiments des personnages.

IV. — Les expressions à analyser : la jument de flèche, — un haut remblai, — l'étrave d'un navire, — trèfles, folles avoines, plantains, phléoles, etc., etc., — mollit, — gagne à gauche, —,le harnais, — noter, —fioritures, — moyeux, — jachère.

Rédaction. — Un jeune paysan annonce à sa mère qu'il va s'engager comme ouvrier dans une usine de la ville voisine. Dialogue de la mère et du fils.

« QUESTIONS D'EXAMEN I.

L'ensemble.

— Une scène de labour, qui sert de cadre à un épisode dramatique....

Le lecteur, prévenu par leschapitres précédents, sait que François, le fils cadet, est déjà engagé dans une compagnie de chemin de fer, qu'ilest à la veille de son départ, et qu'il se propose, aujourd'hui même, d'avertir son père.

Nous attendons avec unesorte d'angoisse le moment où François se décidera à parler. II.

— L'analyse du morceau.

— Description du labourage, en termes à la rois techniques et pittoresques.

Ce n'estpas un hors-d'oeuvre.

les sentiments des personnages reçoivent.

de cette description leur vérité et leur couleurlocale.

— Mathurin, l'infirme, est assis à l'ombre et suit avec un intérêt douloureux ce travail qu'il est maintenantincapable d'exécuter.

— François accompagne son père à la charrue, pour guider les bêtes; son attitude sombre etdécouragée.

« Il songeait qu'il fallait parler....

» — Le manège des bêtes.

On continue à suivre leurs mouvements; ledécor se maintient; il s'anime par le chant de Mathurin.

— François, sur l'ordre de son père, chante à son tour.

Maisle chagrin l'étouffe, et il sanglote....

Alors, brusquement, il avoue....

— C'est tout un petit drame avec sondénouement. III.

— Le style.

— Le style de René Bazin est remarquable par sa propriété.

Nous n'avons pas ici une descriptionpoétique à la manière de George Sand.

L'auteur connaît la campagne, les travaux des champs, la nature et lesallures des animaux et des terriens.

Un paysan ne, relèverait pas une faute dans ce passage.

Et cependant, c'estaussi un style de poète.

Les mots sont si bien choisis qu'ils évoquent les couleurs, les ormes, les sons, — et toutest d'accord avec les sentiments des personnages. IV.

— Les expressions à analyser : la jument de flèche, — un haut remblai, — l'étrave d'un navire, — trèfles, follesavoines, plantains, phléoles, etc., etc., — mollit, — gagne à gauche, —,le harnais, — noter, —fioritures, — moyeux,— jachère. Rédaction.

— Un jeune paysan annonce à sa mère qu'il va s'engager comme ouvrier dans une usine de la villevoisine.

Dialogue de la mère et du fils.. »

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