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RENCONTRE

Publié le 11/08/2011

Extrait du document

Tandis que les enfants couraient avec des cris de joie, que des groupes se formaient et s'éparpillaient à travers bois, Meaulnes s'avança dans une allée où, dix pas devant lui, marchait la jeune fille. Il se trouva près d'elle sans avoir eu le temps de réfléchir : - Vous êtes belle, dit-il simplement. Mais elle hâta le pas et, sans répondre, prit une allée transversale. D'autres promeneurs couraient, jouaient à travers les avenues, chacun errant à sa guise, conduit seulement par sa libre fantaisie. Le jeune homme se reprocha vivement ce qu'il appelait sa balourdise, sa grossièreté, sa sottise. Il errait au hasard, persuadé qu'il ne reverrait plus cette gracieuse créature, lorsqu'il l'aperçut soudain venant à sa rencontre et forcée de passer près de lui dans l'étroit sentier. Elle écartait de ses deux mains nues les plis de son grand manteau. Elle avait des souliers noirs très découverts. Ses chevilles étaient si fines qu'elles pliaient par instants et qu'on craignait de les voir se briser. Cette fois, le jeune homme salua, en disant très bas : - Voulez-vous me pardonner? - Je vous pardonne, dit-elle gravement. Mais il faut que je rejoigne les enfants, puisqu'ils sont les maîtres aujourd'hui. Adieu. Augustin la supplia de rester un instant encore. Il lui parlait avec gaucherie, mais d'un ton si troublé, si plein de désarroi, qu'elle marcha plus lentement et l'écouta. - Je ne sais même pas qui vous êtes, dit-elle enfin. Elle prononçait chaque mot d'un ton uniforme, en appuyant de la même façon sur chacun, mais en disant plus doucement le dernier... Ensuite, elle reprenait son visage immobile, sa bouche un peu mordue, et ses yeux bleus regardaient fixement au loin. - Je ne sais pas non plus votre nom, répondit Meaulnes. Ils suivaient maintenant un chemin découvert et l'on voyait à quelque distance les invités se presser autour d'une maison isolée dans la pleine campagne. - Voici la « maison de Frantz «, dit la jeune fille, il faut que je vous quitte... Elle hésita, le regarda un instant en souriant et dit : - Mon nom? Je suis Mademoiselle Yvonne de Galais... Et elle s'échappa. La « maison de Frantz « était alors inhabitée. Mais Meaulnes la trouva envahie jusqu'aux greniers par la foule des invités. Il n'eut guère le loisir d'ailleurs d'examiner le lieu où il se trouvait; on déjeuna en hâte d'un repas froid, emporté dans les bateaux, ce qui était fort peu de saison, mais les enfants en avaient décidé ainsi, sans doute, et l'on repartit. Meaulnes s'approcha de Mlle de Galais, dès qu'il la vit sortir, et, répondant à ce qu'elle avait dit tout à l'heure : - Le nom que je vous donnais était plus beau, dit-il. - Comment? quel était ce nom? fit-elle toujours avec la même gravité. Mais il eut peur d'avoir dit une sottise et ne répondit rien. - Mon nom à moi est Augustin Meaulnes, continua-t-il, et je suis étudiant. - Oh! vous étudiez? dit-elle. Et ils parlèrent un instant encore. Ils parlèrent lentement, avec bonheur, avec amitié. Puis l'attitude de la jeune fille changea. Moins hautaine, et moins grave maintenant, elle parut aussi plus inquiète. On eût dit qu'elle redoutait ce que Meaulnes allait dire et s'en effarouchait à l'avance. Elle était auprès de lui toute frémissante, comme une hirondelle un instant posée à terre et qui déjà tremble du désir de reprendre son vol. - A quoi bon? à quoi bon? répondit-elle doucement aux projets que faisait Meaulnes. Mais lorsque enfin il osa lui demander la permission de revenir un jour vers ce beau domaine : - Je vous attendrai, répondit-elle simplement. Ils arrivaient en vue de l'embarcadère. Elle s'arrêta soudain et dit pensivement :...

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