Quoi qu'il en soit, blessures vieilles et nouvelles, profondes et légères, se trouvèrent enfin en voie de guérison.
Publié le 04/11/2013
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XVIII
–Les revenants
Pendant quelquetempslesdeux jeunes gensgardèrent chacundeson côté lesecret enfermé danssapoitrine.
Enfin, dansunjour d’expansion, lapensée quilespréoccupait seuledéborda deleurs lèvres, ettous deux
corroborèrent leuramitié parcette dernière preuve,sanslaquelle iln’y apas d’amitié, c’est-à-dire parune
confiance entière.
Ils étaient éperdument amoureux,l’und’une princesse, l’autred’unereine.
Il yavait pourlesdeux pauvres soupirants quelquechosed’effrayant danscette distance presque
infranchissable quilesséparait del’objet deleurs désirs.
Etcependant l’espérance estunsentiment si
profondément enracinéaucœur del’homme, que,malgré lafolie deleur espérance, ilsespéraient.
Tous deux, aureste, àmesure qu’ilsrevenaient àeux, soignaient fortleur visage.
Chaque homme, mêmele
plus indifférent auxavantages physiques, a,dans certaines circonstances, avecsonmiroir desconversations
muettes, dessignes d’intelligence, aprèslesquels ils’éloigne presquetoujours deson confident, fortsatisfait de
l’entretien.
Or,nos deux jeunes gensn’étaient pointdeceux àqui leurs miroirs devaient donnerdetrop rudes
avis.
LaMole, mince, pâleetélégant, avaitlabeauté deladistinction ; Coconnas,vigoureux, biendécouplé, haut
en couleur, avaitlabeauté delaforce.
Ilyavait même plus :pourcedernier, lamaladie avaitétéunavantage.
Il
avait maigri, ilavait pâli ; enfin, lafameuse balafrequiluiavait jadisdonné tantdetracas parsesrapports
prismatiques avecl’arc-en-ciel avaitdisparu, annonçant probablement, commelephénomène postdiluvien, une
longue suitedejours pursetde nuits sereines.
Au reste lessoins lesplus délicats continuaient d’entourerlesdeux blessés ; lejour oùchacun d’euxavaitpu
se lever, ilavait trouvé unerobe dechambre surlefauteuil leplus proche deson lit ;lejour oùilavait puse
vêtir, unhabillement complet.Ilya plus, danslapoche dechaque pourpoint ilyavait unebourse largement
fournie, quechacun d’euxnegarda, bienentendu, quepour larendre entemps etlieu auprotecteur inconnuqui
veillait surlui.
Ce protecteur inconnunepouvait êtreleprince chezlequel logeaient lesdeux jeunes gens,carceprince, non
seulement n’étaitpasmonté uneseule foischez euxpour lesvoir, mais encore n’avaitpasfaitdemander deleurs
nouvelles.
Un vague espoir disaittoutbasàchaque cœurqueceprotecteur inconnuétaitlafemme qu’ilaimait.
Aussi lesdeux blessés attendaient-ils avecuneimpatience sanségale lemoment deleur sortie.
LaMole, plus
fort etmieux guériqueCoconnas, auraitpuopérer lasienne depuis longtemps ; maisuneespèce deconvention
tacite leliait ausort deson ami.
Ilétait convenu queleur première sortieseraitconsacrée àtrois visites.
La première, audocteur inconnu dontlebreuvage veloutéavaitopéré surlapoitrine enflammée deCoconnas
une sinotable amélioration.
La seconde, àl’hôtel dedéfunt maître LaHurière, oùchacun d’euxavaitlaissé valise etcheval.
La troisième, auFlorentin René,lequel, joignant àson titre deparfumeur celuidemagicien, vendaitnon
seulement descosmétiques etdes poisons, maisencore composait desphiltres etrendait desoracles.
Enfin, aprèsdeuxmois passés deconvalescence etde réclusion, cejour tantattendu arriva.
Nous avons ditderéclusion, c’estlemot quiconvient, carplusieurs fois,dans leurimpatience, ilsavaient
voulu hâtercejour ; maisunesentinelle placéeàla porte leuravait constamment barrélepassage, etils avaient
appris qu’ilsnesortiraient quesurun exeat de
maître Ambroise Paré.
Or, unjour, l’habile chirurgien ayantreconnu quelesdeux malades étaient,sinoncomplètement guéris,du
moins envoie decomplète guérison, avaitdonné cet exeat ,
et vers lesdeux heures del’après-midi, parune de
ces belles journées d’automne, commeParisenoffre parfois àses habitants étonnésquiont déjà faitprovision
de résignation pourl’hiver, lesdeux amis, appuyés aubras l’undel’autre, mirentlepied hors duLouvre.
La Mole, quiavait retrouvé avecgrand plaisir surunfauteuil lefameux manteau cerisequ’ilavait pliéavec
tant desoin avant lecombat, s’étaitconstitué leguide deCoconnas, etCoconnas selaissait guidersans
résistance etmême sansréflexion.
Ilsavait quesonami leconduisait chezledocteur inconnu dontlapotion,
non patentée, l’avaitguérienune seule nuit,quand touteslesdrogues demaître Ambroise Paréletuaient
lentement.
Ilavait faitdeux parts del’argent renfermé danssabourse, c’est-à-dire dedeux cents nobles àla rose,
et ilen avait destiné centàrécompenser l’Esculapeanonymeauquelildevait saconvalescence : Coconnasne
craignait paslamort, maisCoconnas n’enétait pasmoins fortaise devivre ; aussi,comme onlevoit, s’apprêtait-
il àrécompenser généreusement sonsauveur.
La Mole pritlarue del’Astruce, lagrande rueSaint Honoré, larue des Prouvelles, etse trouva bientôt surla
place desHalles.
Prèsdel’ancienne fontaineetàl’endroit quel’on désigne aujourd’hui parlenom de Carreau.
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