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Quoi qu'il en soit, blessures vieilles et nouvelles, profondes et légères, se trouvèrent enfin en voie de guérison.

Publié le 04/11/2013

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Quoi qu'il en soit, blessures vieilles et nouvelles, profondes et légères, se trouvèrent enfin en voie de guérison. La Mole, fidèle à sa mission de garde-malade, ne voulut point quitter la chambre que Coconnas ne fût entièrement guéri. Il le souleva dans son lit tant que sa faiblesse l'y enchaîna, l'aida à marcher quand il commença de se soutenir, enfin eut pour lui tous les soins qui ressortaient de sa nature douce et aimante, et qui, secondés par la vigueur du Piémontais, amenèrent une convalescence plus rapide qu'on n'avait le droit de l'espérer. Cependant une seule et même pensée tourmentait les deux jeunes gens : chacun dans le délire de sa fièvre avait bien cru voir s'approcher de lui la femme qui remplissait tout son coeur ; mais depuis que chacun avait repris connaissance, ni Marguerite ni madame de Nevers n'étaient certainement entrées dans la chambre. Au reste, cela se comprenait : l'une, femme du roi de Navarre, l'autre, belle-soeur du duc de Guise pouvaient-elles donner aux yeux de tous une marque si publique d'intérêt à deux simples gentilshommes ? Non. C'était bien certainement la réponse que devaient se faire La Mole et Coconnas. Mais cette absence, qui tenait peut-être à un oubli total, n'en était pas moins douloureuse. Il est vrai que le gentilhomme qui avait assisté au combat était venu de temps en temps, et comme de son propre mouvement, demander des nouvelles des deux blessés. Il est vrai que Gillonne, pour son propre compte, en avait fait autant ; mais La Mole n'avait point osé parler à l'une de Marguerite, et Coconnas n'avait point osé parler à l'autre de madame de Nevers. XVIII - Les revenants   Pendant quelque temps les deux jeunes gens gardèrent chacun de son côté le secret enfermé dans sa poitrine. Enfin, dans un jour d'expansion, la pensée qui les préoccupait seule déborda de leurs lèvres, et tous deux corroborèrent leur amitié par cette dernière preuve, sans laquelle il n'y a pas d'amitié, c'est-à-dire par une confiance entière. Ils étaient éperdument amoureux, l'un d'une princesse, l'autre d'une reine. Il y avait pour les deux pauvres soupirants quelque chose d'effrayant dans cette distance presque infranchissable qui les séparait de l'objet de leurs désirs. Et cependant l'espérance est un sentiment si profondément enraciné au coeur de l'homme, que, malgré la folie de leur espérance, ils espéraient. Tous deux, au reste, à mesure qu'ils revenaient à eux, soignaient fort leur visage. Chaque homme, même le plus indifférent aux avantages physiques, a, dans certaines circonstances, avec son miroir des conversations muettes, des signes d'intelligence, après lesquels il s'éloigne presque toujours de son confident, fort satisfait de l'entretien. Or, nos deux jeunes gens n'étaient point de ceux à qui leurs miroirs devaient donner de trop rudes avis. La Mole, mince, pâle et élégant, avait la beauté de la distinction ; Coconnas, vigoureux, bien découplé, haut en couleur, avait la beauté de la force. Il y avait même plus : pour ce dernier, la maladie avait été un avantage. Il avait maigri, il avait pâli ; enfin, la fameuse balafre qui lui avait jadis donné tant de tracas par ses rapports prismatiques avec l'arc-en-ciel avait disparu, annonçant probablement, comme le phénomène postdiluvien, une longue suite de jours purs et de nuits sereines. Au reste les soins les plus délicats continuaient d'entourer les deux blessés ; le jour où chacun d'eux avait pu se lever, il avait trouvé une robe de chambre sur le fauteuil le plus proche de son lit ; le jour où il avait pu se vêtir, un habillement complet. Il y a plus, dans la poche de chaque pourpoint il y avait une bourse largement fournie, que chacun d'eux ne garda, bien entendu, que pour la rendre en temps et lieu au protecteur inconnu qui veillait sur lui. Ce protecteur inconnu ne pouvait être le prince chez lequel logeaient les deux jeunes gens, car ce prince, non seulement n'était pas monté une seule fois chez eux pour les voir, mais encore n'avait pas fait demander de leurs nouvelles. Un vague espoir disait tout bas à chaque coeur que ce protecteur inconnu était la femme qu'il aimait. Aussi les deux blessés attendaient-ils avec une impatience sans égale le moment de leur sortie. La Mole, plus fort et mieux guéri que Coconnas, aurait pu opérer la sienne depuis longtemps ; mais une espèce de convention tacite le liait au sort de son ami. Il était convenu que leur première sortie serait consacrée à trois visites. La première, au docteur inconnu dont le breuvage velouté avait opéré sur la poitrine enflammée de Coconnas une si notable amélioration. La seconde, à l'hôtel de défunt maître La Hurière, où chacun d'eux avait laissé valise et cheval. La troisième, au Florentin René, lequel, joignant à son titre de parfumeur celui de magicien, vendait non seulement des cosmétiques et des poisons, mais encore composait des philtres et rendait des oracles. Enfin, après deux mois passés de convalescence et de réclusion, ce jour tant attendu arriva. Nous avons dit de réclusion, c'est le mot qui convient, car plusieurs fois, dans leur impatience, ils avaient voulu hâter ce jour ; mais une sentinelle placée à la porte leur avait constamment barré le passage, et ils avaient appris qu'ils ne sortiraient que sur un exeat de maître Ambroise Paré. Or, un jour, l'habile chirurgien ayant reconnu que les deux malades étaient, sinon complètement guéris, du oins en voie de complète guérison, avait donné cet exeat, et vers les deux heures de l'après-midi, par une de ces belles journées d'automne, comme Paris en offre parfois à ses habitants étonnés qui ont déjà fait provision e résignation pour l'hiver, les deux amis, appuyés au bras l'un de l'autre, mirent le pied hors du Louvre. La Mole, qui avait retrouvé avec grand plaisir sur un fauteuil le fameux manteau cerise qu'il avait plié avec tant de soin avant le combat, s'était constitué le guide de Coconnas, et Coconnas se laissait guider sans ésistance et même sans réflexion. Il savait que son ami le conduisait chez le docteur inconnu dont la potion, non patentée, l'avait guéri en une seule nuit, quand toutes les drogues de maître Ambroise Paré le tuaient entement. Il avait fait deux parts de l'argent renfermé dans sa bourse, c'est-à-dire de deux cents nobles à la rose, et il en avait destiné cent à récompenser l'Esculape anonyme auquel il devait sa convalescence : Coconnas ne craignait pas la mort, mais Coconnas n'en était pas moins fort aise de vivre ; aussi, comme on le voit, s'apprêtaitil à récompenser généreusement son sauveur. La Mole prit la rue de l'Astruce, la grande rue Saint Honoré, la rue des Prouvelles, et se trouva bientôt sur la place des Halles. Près de l'ancienne fontaine et à l'endroit que l'on désigne aujourd'hui par le nom de Carreau

« XVIII –Les revenants  Pendant quelquetempslesdeux jeunes gensgardèrent chacundeson côté lesecret enfermé danssapoitrine. Enfin, dansunjour d’expansion, lapensée quilespréoccupait seuledéborda deleurs lèvres, ettous deux corroborèrent leuramitié parcette dernière preuve,sanslaquelle iln’y apas d’amitié, c’est-à-dire parune confiance entière. Ils étaient éperdument amoureux,l’und’une princesse, l’autred’unereine. Il yavait pourlesdeux pauvres soupirants quelquechosed’effrayant danscette distance presque infranchissable quilesséparait del’objet deleurs désirs.

Etcependant l’espérance estunsentiment si profondément enracinéaucœur del’homme, que,malgré lafolie deleur espérance, ilsespéraient. Tous deux, aureste, àmesure qu’ilsrevenaient àeux, soignaient fortleur visage.

Chaque homme, mêmele plus indifférent auxavantages physiques, a,dans certaines circonstances, avecsonmiroir desconversations muettes, dessignes d’intelligence, aprèslesquels ils’éloigne presquetoujours deson confident, fortsatisfait de l’entretien.

Or,nos deux jeunes gensn’étaient pointdeceux àqui leurs miroirs devaient donnerdetrop rudes avis.

LaMole, mince, pâleetélégant, avaitlabeauté deladistinction ; Coconnas,vigoureux, biendécouplé, haut en couleur, avaitlabeauté delaforce.

Ilyavait même plus :pourcedernier, lamaladie avaitétéunavantage.

Il avait maigri, ilavait pâli ; enfin, lafameuse balafrequiluiavait jadisdonné tantdetracas parsesrapports prismatiques avecl’arc-en-ciel avaitdisparu, annonçant probablement, commelephénomène postdiluvien, une longue suitedejours pursetde nuits sereines. Au reste lessoins lesplus délicats continuaient d’entourerlesdeux blessés ; lejour oùchacun d’euxavaitpu se lever, ilavait trouvé unerobe dechambre surlefauteuil leplus proche deson lit ;lejour oùilavait puse vêtir, unhabillement complet.Ilya plus, danslapoche dechaque pourpoint ilyavait unebourse largement fournie, quechacun d’euxnegarda, bienentendu, quepour larendre entemps etlieu auprotecteur inconnuqui veillait surlui. Ce protecteur inconnunepouvait êtreleprince chezlequel logeaient lesdeux jeunes gens,carceprince, non seulement n’étaitpasmonté uneseule foischez euxpour lesvoir, mais encore n’avaitpasfaitdemander deleurs nouvelles. Un vague espoir disaittoutbasàchaque cœurqueceprotecteur inconnuétaitlafemme qu’ilaimait. Aussi lesdeux blessés attendaient-ils avecuneimpatience sanségale lemoment deleur sortie.

LaMole, plus fort etmieux guériqueCoconnas, auraitpuopérer lasienne depuis longtemps ; maisuneespèce deconvention tacite leliait ausort deson ami.

Ilétait convenu queleur première sortieseraitconsacrée àtrois visites. La première, audocteur inconnu dontlebreuvage veloutéavaitopéré surlapoitrine enflammée deCoconnas une sinotable amélioration. La seconde, àl’hôtel dedéfunt maître LaHurière, oùchacun d’euxavaitlaissé valise etcheval. La troisième, auFlorentin René,lequel, joignant àson titre deparfumeur celuidemagicien, vendaitnon seulement descosmétiques etdes poisons, maisencore composait desphiltres etrendait desoracles. Enfin, aprèsdeuxmois passés deconvalescence etde réclusion, cejour tantattendu arriva. Nous avons ditderéclusion, c’estlemot quiconvient, carplusieurs fois,dans leurimpatience, ilsavaient voulu hâtercejour ; maisunesentinelle placéeàla porte leuravait constamment barrélepassage, etils avaient appris qu’ilsnesortiraient quesurun exeat de maître Ambroise Paré. Or, unjour, l’habile chirurgien ayantreconnu quelesdeux malades étaient,sinoncomplètement guéris,du moins envoie decomplète guérison, avaitdonné cet exeat , et vers lesdeux heures del’après-midi, parune de ces belles journées d’automne, commeParisenoffre parfois àses habitants étonnésquiont déjà faitprovision de résignation pourl’hiver, lesdeux amis, appuyés aubras l’undel’autre, mirentlepied hors duLouvre. La Mole, quiavait retrouvé avecgrand plaisir surunfauteuil lefameux manteau cerisequ’ilavait pliéavec tant desoin avant lecombat, s’étaitconstitué leguide deCoconnas, etCoconnas selaissait guidersans résistance etmême sansréflexion.

Ilsavait quesonami leconduisait chezledocteur inconnu dontlapotion, non patentée, l’avaitguérienune seule nuit,quand touteslesdrogues demaître Ambroise Paréletuaient lentement.

Ilavait faitdeux parts del’argent renfermé danssabourse, c’est-à-dire dedeux cents nobles àla rose, et ilen avait destiné centàrécompenser l’Esculapeanonymeauquelildevait saconvalescence : Coconnasne craignait paslamort, maisCoconnas n’enétait pasmoins fortaise devivre ; aussi,comme onlevoit, s’apprêtait- il àrécompenser généreusement sonsauveur. La Mole pritlarue del’Astruce, lagrande rueSaint Honoré, larue des Prouvelles, etse trouva bientôt surla place desHalles.

Prèsdel’ancienne fontaineetàl’endroit quel’on désigne aujourd’hui parlenom de Carreau. »

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