« Que chacun seconde ce pouvoir par sa clémence... »
Publié le 02/03/2011
Extrait du document
Nathan : Il y a des siècles, en Orient, vivait un homme qui possédait un anneau d'une valeur inestimable [...] dont la pierre [...] avait la vertu secrète de rendre agréable à Dieu et aux hommes celui qui la portait animé de cette conviction. Quoi d'étonnant si l'Oriental [...] prit la décision de le conserver éternellement dans sa famille. Voici ce qu'il en fit. Il le légua à son fils préféré et statua que celui-ci, à son tour, le léguerait à son fils le plus cher, et ainsi de suite [...]. Ainsi donc l'anneau vint finalement entre les mains d'un père de trois fils qui lui obéissaient tous trois également, et qu'il ne pouvait s'empêcher d'aimer d'un même amour. [...] Il envoie alors secrètement chez un artisan à qui il commande deux autres anneaux sur le modèle du sien, avec l'ordre de ne ménager ni peine ni argent pour les faire en tous points semblables à l'original. L'artiste y parvient parfaitement. Quand l'orfèvre lui apporte les anneaux, le père lui-même n'est plus capable de distinguer l'anneau qui a servi de modèle. Joyeux et allègre, il convoque ses fils, chacun à part, donne à chacun sa bénédiction et son anneau, puis meurt. [...] À peine le père mort, chacun arrive avec son anneau et veut se faire le maître deslieux. On enquête, on se querelle [...]. Peine perdue : impossible de prouver quel anneau est le vrai - (Après une pause, pendant laquelle il attend la réponse de Saladin) Presque aussi impossible à prouver qu'aujourd'hui pour nous la vraie croyance. [... ] Les fils se citèrent en justice et chacun jura qu'il tenait directement l'anneau de son père, ce qui du reste était vrai, après avoir obtenu de lui depuis longtemps déjà la promesse de jouir un jour du privilège de l'anneau, ce qui n'était pas moins vrai ! Le père, affirmait chacun, ne pouvait lui avoir menti [...]. Nathan : En conséquence, continua le juge, si vous ne voulez pas suivre le conseil que je vous donne en place de verdict, allez-vous-en ! mon conseil est le suivant : prenez la situation absolument comme elle est. Si chacun de vous tient son anneau de son père, que chacun alors considère en toute certitude son anneau comme le vrai. Il se peut que votre père n'ait pas voulu tolérer plus longtemps en sa maison la tyrannie d'un seul anneau ! Et il est sûr qu'il vous a tous trois aimés, d'un amour égal, puisqu'il s'est refusé à en opprimer deux pour n'en favoriser qu'un seul. Allons, que chacun, de tout son zèle, imite son amour pur et libre de tout préjugé! Que chacun s'efforce à l'envi de faire apparaître le pouvoir de son anneau ! Que chacun seconde ce pouvoir par sa clémence, sa sincère tolérance, ses bienfaits, et s'en remette à Dieu de toute son âme! [...] Ainsi parla le juge modeste. NATHAN LE5AGE(1779), ACTE III, SCÈNE 7, TRAD. R. PITROU (MODIFIÉE), GARNIER-FLAMMARION, 1997.
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