Quatre-vingt-treize L'Imânus éclata.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
IX.
TITANS CONTRE GEANTS
Cela fut en effet épouvantable.
Ce corps à corps dépassa tout ce qu'on avait pu rêver.
Pour trouver quelque chose de pareil, il faudrait remonter aux grands duels d'Eschyle ou aux antiques tueries
féodales ; à ces " attaques à armes courtes " qui ont duré jusqu'au dix-septième siècle, quand on pénétrait
dans les places fortes par les fausses brayes, assauts tragiques, où, dit le vieux sergent de la province
d'Alentejo, " les fourneaux ayant fait leur effet, les assiégeants s'avanceront portant des planches couvertes de
lames de fer-blanc, armés de rondaches et de mantelets, et fournis de quantité de grenades, faisant
abandonner les retranchements ou retirades à ceux de la place, et s'en rendront maîtres, poussant
vigoureusement les assiégés ".
Le lieu d'attaque était horrible ; c'était une de ces brèches qu'on appelle en langue du métier brèches sans
voûte, c'est-à-dire, on se le rappelle, une crevasse traversant le mur de part en part et non une fracture évasée
à ciel ouvert.
La poudre avait agi comme une vrille.
L'effet de la mine avait été si violent que la tour avait été
fendue par l'explosion à plus de quarante pieds au-dessus du fourneau, mais ce n'était qu'une lézarde, et la
déchirure praticable qui servait de brèche et donnait entrée dans la salle basse ressemblait plutôt au coup de
lance qui perce qu'au coup de hache qui entaille.
C'était une ponction au flanc de la tour, une longue fracture pénétrante, quelque chose comme un puits
couché à terre, un couloir serpentant et montant comme un intestin à travers une muraille de quinze pieds
d'épaisseur, on ne sait quel informe cylindre encombré d'obstacles, de pièges, d'explosions, où l'on se heurtait
le front aux granits, les pieds aux gravats, les yeux aux ténèbres.
Les assaillants avaient devant eux ce porche noir, bouche de gouffre ayant pour mâchoires, en bas et en haut,
toutes les pierres de la muraille déchiquetée ; une gueule de requin n'a pas plus de dents que cet arrachement
effroyable.
Il fallait entrer dans ce trou et en sortir.
Dedans éclatait la mitraille, dehors se dressait la retirade.
Dehors, c'est-à-dire dans la salle basse du
rez-de-chaussée.
Les rencontres de sapeurs dans les galeries couvertes quand la contre-mine vient couper la mine, les
boucheries à la hache sous les entreponts des vaisseaux qui s'abordent dans les batailles navales, ont seules
cette férocité.
Se battre au fond d'une fosse, c'est le dernier degré de l'horreur.
Il est affreux de s'entretuer
avec un plafond sur la tête.
Au moment où le premier flot des assiégeants entra, toute la retirade se couvrit
d'éclairs, et ce fut quelque chose comme la foudre éclatant sous terre.
Le tonnerre assaillant répliqua au
tonnerre embusqué.
Les détonations se ripostèrent ; le cri de Gauvain s'éleva: Fonçons! puis le cri de
Lantenac: Faites ferme contre l'ennemi! puis le cri de l'Imânus: A moi les Mainiaux! puis des cliquetis, sabres
contre sabres, et, coup sur coup, d'effroyables décharges tuant tout.
La torche accrochée au mur éclairait
vaguement toute cette épouvante.
Impossible de rien distinguer ; on était dans une noirceur rougeâtre ; qui
entrait là était subitement sourd et aveugle, sourd du bruit, aveugle de la fumée.
Les hommes mis hors de
combat gisaient parmi les décombres.
On marchait sur des cadavres, on écrasait des plaies, on broyait des
membres cassés d'où sortaient des hurlements, on avait les pieds mordus par des mourants ; par instants, il y
avait des silences plus hideux que le bruit.
On se colletait, on entendait l'effrayant souffle des bouches, puis
des grincements, des râles, des imprécations, et le tonnerre recommençait.
Un ruisseau de sang sortait de la
tour par la brèche, et se répandait dans l'ombre.
Cette flaque sombre fumait dehors dans l'herbe.
On eût dit que c'était la tour elle-même qui saignait et que la géante était blessée.
Quatre-vingt-treize
IX.
TITANS CONTRE GEANTS 199.
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