Devoir de Philosophie

Quatre-vingt-treize Les Minquiers, écueil tragique, étaient plus âpres encore en ce temps-là qu'aujourd'hui.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

temps
Quatre-vingt-treize Les Minquiers, écueil tragique, étaient plus âpres encore en ce temps-là qu'aujourd'hui. Plusieurs tours de cette citadelle de l'abîme ont été rasées par l'incessant dépècement que fait la mer ; la configuration des écueils change ; ce n'est pas en vain que les flots s'appellent les lames ; chaque marée est un trait de scie. A cette époque, toucher les Minquiers, c'était périr. Quant à la croisière, c'était cette escadre de Cancale, devenue depuis célèbre sous le commandement de ce capitaine Duchesne que Léquinio appelait " le père Duchêne ". La situation était critique. La corvette avait, sans le savoir, pendant le déchaînement de la caronade, dévié et marché plutôt vers Granville que vers Saint-Malo. Quand même elle eût pu naviguer et faire voile, les Minquiers lui barraient le retour vers Jersey et la croisière lui barrait l'arrivée en France. Du reste, de tempête point. Mais, comme l'avait dit le pilote, il y avait du flot. La mer, roulant sous un vent rude et sur un fond déchirant, était sauvage. La mer ne dit jamais tout de suite ce qu'elle veut. Il y a de tout dans le gouffre, même de la chicane. On pourrait presque dire que la mer a une procédure ; elle avance et recule, elle propose et se dédit, elle ébauche une bourrasque et elle y renonce, elle promet l'abîme et ne le tient pas, elle menace le nord et frappe le sud. Toute la nuit, la corvette la Claymore avait eu le brouillard et craint la tourmente ; la mer venait de se démentir, mais d'une façon farouche ; elle avait esquissé la tempête et réalisé l'écueil. C'était toujours, sous une autre forme, le naufrage. Et à la perte sur les brisants s'ajoutait l'extermination par le combat. Un ennemi complétant l'autre. La Vieuville s'écria à travers son vaillant rire: Naufrage ici, bataille là. Des deux côtés nous avons le quine. VIII. 9 = 380 La corvette n'était presque plus qu'une épave. Dans la blême clarté éparse, dans la noirceur des nuées, dans les mobilités confuses de l'horizon, dans les mystérieux froncements des vagues, il y avait une solennité sépulcrale. Excepté le vent soufflant d'un souffle hostile, tout se taisait. La catastrophe sortait du gouffre avec majesté. Elle ressemblait plutôt à une apparition qu'à une attaque. Rien ne bougeait dans les rochers, rien ne remuait dans les navires. C'était on ne sait quel colossal silence. Avait-on affaire à quelque chose de réel? On eût dit un rêve passant sur la mer. Les légendes ont de ces visions ; la corvette était en quelque sorte entre l'écueil démon et la flotte fantôme. Le comte du Boisberthelot donna à demi-voix des ordres à La Vieuville qui descendit dans la batterie, puis le capitaine saisit sa longue-vue et vint se placer à l'arrière à côté du pilote. Tout l'effort de Gacquoil était de maintenir la corvette debout au flot ; car, prise de côté par le vent et par la mer, elle eût inévitablement chaviré. Pilote, dit le capitaine, où sommes-nous? Sur les Minquiers. De quel côté? VIII. 9 = 380 32 Quatre-vingt-treize Du mauvais. Quel fond? Roche criarde. Peut-on s'embosser? On peut toujours mourir, dit le pilote. Le capitaine dirigea sa lunette d'approche vers l'ouest et examina les Minquiers ; puis il la tourna vers l'est et considéra les voiles en vue. Le pilote continua, comme se parlant à lui-même: C'est les Minquiers. Cela sert de reposoir à la mouette rieuse quand elle s'en va de Hollande et au grand goëland à manteau noir. Cependant le capitaine avait compté les voiles. Il y avait bien en effet huit navires correctement disposés et dressant sur l'eau leur profil de guerre. On apercevait au centre la haute stature d'un vaisseau à trois ponts. Le capitaine questionna le pilote: Connaissez-vous ces voiles? Certes! répondit Gacquoil. Qu'est-ce? C'est l'escadre. De France? Du diable. Il y eut un silence. Le capitaine reprit: Toute la croisière est-elle là? Pas toute. En effet, le 2 avril, Valazé avait annoncé à la Convention que dix frégates et six vaisseaux de ligne croisaient dans la Manche. Ce souvenir revint à l'esprit du capitaine. Au fait, dit-il, l'escadre est de seize bâtiments. Il n'y en a ici que huit. Le reste, dit Gacquoil, traîne par là-bas sur toute la côte, et espionne. Le capitaine, tout en regardant à travers sa longue-vue, murmura: VIII. 9 = 380 33
temps

« \24 Du mauvais.

\24 Quel fond? \24 Roche criarde.

\24 Peut-on s'embosser? \24 On peut toujours mourir, dit le pilote.

Le capitaine dirigea sa lunette d'approche vers l'ouest et examina les Minquiers ; puis il la tourna vers l'est et considéra les voiles en vue.

Le pilote continua, comme se parlant à lui-même: \24 C'est les Minquiers.

Cela sert de reposoir à la mouette rieuse quand elle s'en va de Hollande et au grand goëland à manteau noir.

Cependant le capitaine avait compté les voiles.

Il y avait bien en effet huit navires correctement disposés et dressant sur l'eau leur profil de guerre.

On apercevait au centre la haute stature d'un vaisseau à trois ponts.

Le capitaine questionna le pilote: \24 Connaissez-vous ces voiles? \24 Certes! répondit Gacquoil.

\24 Qu'est-ce? \24 C'est l'escadre.

\24 De France? \24 Du diable.

Il y eut un silence.

Le capitaine reprit: \24 Toute la croisière est-elle là? \24 Pas toute.

En effet, le 2 avril, Valazé avait annoncé à la Convention que dix frégates et six vaisseaux de ligne croisaient dans la Manche.

Ce souvenir revint à l'esprit du capitaine.

\24 Au fait, dit-il, l'escadre est de seize bâtiments.

Il n'y en a ici que huit.

\24 Le reste, dit Gacquoil, traîne par là-bas sur toute la côte, et espionne.

Le capitaine, tout en regardant à travers sa longue-vue, murmura: Quatre-vingt-treize VIII.

9 = 380 33. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles