Quatre-vingt-treize Le sergent s'approcha de la femme et fixa ses yeux sur l'enfant qui tétait.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Cette corvette, immatriculée à la Trinity-House sous le nom de the Claymore, était en apparence une corvette
de charge, mais en réalité une corvette de guerre.
Elle avait la lourde et pacifique allure marchande ; il ne
fallait pas s'y fier pourtant.
Elle avait été construite à deux fins, ruse et force ; tromper, s'il est possible,
combattre, s'il est nécessaire.
Pour le service qu'elle avait à faire cette nuit-là, le chargement avait été
remplacé dans l'entre-pont par trente caronades de fort calibre.
Ces trente caronades, soit qu'on prévît une
tempête, soit plutôt qu'on voulût donner une figure débonnaire au navire, étaient à la serre, c'est-à-dire
fortement amarrées en dedans par de triples chaînes et la volée appuyée aux écoutilles tamponnées ; rien ne
se voyait au dehors ; les sabords étaient aveuglés ; les panneaux étaient fermés ; c'était comme un masque mis
à la corvette.
Les corvettes d'ordonnance n'ont de canons que sur le pont ; celle-ci, faite pour la surprise et
l'embûche, était à pont désarmé, et avait été construite de façon à pouvoir porter, comme on vient de le voir,
une batterie d'entre-pont.
La Claymore était d'un gabarit massif et trapu, et pourtant bonne marcheuse ; c'était
la coque la plus solide de toute la marine anglaise, et au combat elle valait presque une frégate, quoiqu'elle
n'eût pour mât d'artimon qu'un mâtereau avec une simple brigantine.
Son gouvernail, de forme rare et
savante, avait une membrure courbe presque unique qui avait coûté cinquante livres sterling dans les
chantiers de Southampton.
L'équipage, tout français, était composé d'officiers émigrés et de matelots déserteurs.
Ces hommes étaient
triés ; pas un qui ne fût bon marin, bon soldat et bon royaliste.
Ils avaient le triple fanatisme du navire, de
l'épée et du roi.
Un demi-bataillon d'infanterie de marine, pouvant au besoin être débarqué, était amalgamé à l'équipage.
La corvette Claymore avait pour capitaine un chevalier de Saint-Louis, le comte du Boisberthelot, un des
meilleurs officiers de l'ancienne marine royale, pour second le chevalier de La Vieuville qui avait commandé
aux gardes-françaises la compagnie où Hoche avait été sergent, et pour pilote le plus sagace patron de Jersey,
Philip Gacquoil.
On devinait que ce navire avait à faire quelque chose d'extraordinaire.
Un homme, en effet, venait de s'y
embarquer, qui avait tout l'air d'entrer dans une aventure.
C'était un haut vieillard, droit et robuste, à figure
sévère, dont il eût été difficile de préciser l'âge, parce qu'il semblait à la fois vieux et jeune ; un de ces
hommes qui sont pleins d'années et de force, qui ont des cheveux blancs sur le front et un éclair dans le
regard ; quarante ans pour la vigueur et quatre-vingts ans pour l'autorité.
Au moment où il était monté sur la
corvette, son manteau de mer s'était entr'ouvert, et l'on avait pu le voir vêtu, sous ce manteau, de larges braies
dites bragou-bras, de bottes-jambières, et d'une veste en peau de chèvre montrant en dessus le cuir
passementé de soie, et en dessous le poil hérissé et sauvage, costume complet du paysan breton.
Ces
anciennes vestes bretonnes étaient à deux fins, servaient aux jours de fête comme aux jours de travail, et se
retournaient, offrant à volonté le côté velu ou le côté brodé ; peaux de bête toute la semaine, habits de gala le
dimanche.
Le vêtement de paysan que portait ce vieillard était, comme pour ajouter à une vraisemblance
cherchée et voulue, usé aux genoux et aux coudes, et paraissait avoir été longtemps porté, et le manteau de
mer, de grosse étoffe, ressemblait à un haillon de pêcheur.
Ce vieillard avait sur la tête le chapeau rond du
temps, à haute forme et à large bord, qui, rabattu, a l'aspect campagnard, et, relevé d'un côté par une ganse à
cocarde, a l'aspect militaire.
Il portait ce chapeau ras baissé à la paysanne, sans ganse ni cocarde.
Lord Balcarras, gouverneur de l'île, et le prince de la Tour-d'Auvergne, l'avaient en personne conduit et
installé à bord.
L'agent secret des princes, Gélambre, ancien garde du corps de M.
le comte d'Artois, avait
lui-même veillé à l'aménagement de sa cabine, poussant le soin et le respect, quoique fort bon gentilhomme,
jusqu'à porter derrière ce vieillard ta valise.
En le quittant pour retourner à terre, M.
de Gélambre avait fait à
ce paysan un profond salut ; lord Balcarras lui avait dit: Bonne chance, général, et le prince de la
Tour-d'Auvergne lui avait dit: Au revoir, mon cousin.
Quatre-vingt-treize
LIVRE DEUXIEME.
LA CORVETTE CLAYMORE 15.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Chapitre 1 page 7 à 13 En octobre, une femme « la VITALIE » accouche de son 2eme enfant.
- Édouard VUILLARD : FEMME ET ENFANT DANS UN JARDIN
- Adolphe-Félix CALS: FEMME ET ENFANT DANS UN VERGER.
- KERMADEC Eugène Victor de : Femme et enfant (analyse du tableau).
- LA PARENTALITE La parentalité est l'expérience pour une femme d'être enceinte, d'accoucher, d'avoir un enfant et pour l'homme d'être père