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Quatre-vingt-treize Halmalo enfla ses joues, se tourna du côté de la mer, et l'on entendit le hou-hou de la chouette.

Publié le 12/04/2014

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Quatre-vingt-treize Halmalo enfla ses joues, se tourna du côté de la mer, et l'on entendit le hou-hou de la chouette. On eût dit que cela venait des profondeurs nocturnes ; c'était ressemblant et sinistre. Bien, dit le vieillard. Tu en es. Il tendit à Halmalo le noeud de soie verte. Voici mon noeud de commandement. Prends-le. Il importe que personne encore ne sache mon nom. Mais ce noeud suffit. La fleur de lys a été brodée par Madame Royale dans la prison du Temple. Halmalo mit un genou en terre. Il reçut avec un tremblement le noeud fleurdelysé, et en approcha ses lèvres ; puis s'arrêtant comme effrayé de ce baiser: Le puis-je? demanda-t-il. Oui, puisque tu baises le crucifix. Halmalo baisa la fleur de lys. Relève-toi, dit le vieillard. Halmalo se releva et mit le noeud dans sa poitrine. Le vieillard poursuivit: Ecoute bien ceci. Voici l'ordre: Insurgez-vous. Pas de quartier. Donc, sur la lisière du bois de Saint-Aubin tu feras l'appel. Tu le feras trois fois. A la troisième fois tu verras un homme sortir de terre. D'un trou sous les arbres. Je sais. Cet homme, c'est Planchenault, qu'on appelle aussi Coeur-de-Roi. Tu lui montreras ce noeud. Il comprendra. Tu iras ensuite, par les chemins que tu inventeras, au bois d'Astillé ; tu y trouveras un homme cagneux qui est surnommé Mousqueton, et qui ne fait miséricorde à personne. Tu lui diras que je l'aime, et qu'il mette en branle ses paroisses. Tu iras ensuite au bois de Couesbon qui est à une lieue de Ploërmel. Tu feras l'appel de la chouette ; un homme sortira d'un trou ; c'est M. Thuault, sénéchal de Ploërmel, qui a été de ce qu'on appelle l'Assemblée constituante, mais du bon côté. Tu lui diras d'armer le château de Couesbon qui est au marquis de Guer, émigré. Ravins, petits bois, terrain inégal, bon endroit. M. Thuault est un homme droit et d'esprit. Tu iras ensuite à Saint-Ouen-les-Toits, et tu parleras à Jean Chouan, qui est à mes yeux le vrai chef. Tu iras ensuite au bois de Ville-Anglose, tu y verras Guitter, qu'on appelle Saint-Martin, tu lui diras d'avoir l'oeil sur un certain Courmesnil, qui est gendre du vieux Goupil de Préfeln et qui mène la jacobinière d'Argentan. Retiens bien tout. Je n'écris rien parce qu'il ne faut rien écrire. La Rouarie a écrit une liste ; cela a tout perdu. Tu iras ensuite au bois de Rougefeu où est Miélette qui saute par-dessus les ravins en s'arc-boutant sur une longue perche. Cela s'appelle une ferte. Sais-tu t'en servir? Je ne serais donc pas Breton et je ne serais donc pas paysan? La ferte, c'est notre amie. Elle agrandit nos bras et allonge nos jambes. II. MEMOIRE DE PAYSAN VAUT SCIENCE DE CAPITAINE 46 Quatre-vingt-treize C'est-à-dire qu'elle rapetisse l'ennemi et raccourcit le chemin. Bon engin. Une fois, avec ma ferte, j'ai tenu tête à trois gabeloux qui avaient des sabres. Quand ça? Il y a dix ans. Sous le roi? Mais oui. Tu t'es donc battu sous le roi? Mais oui. Contre qui? Ma foi, je ne sais pas. J'étais faux-saulnier. C'est bien. On appelait cela se battre contre les gabelles. Les gabelles, est-ce que c'est la même chose que le roi? Oui. Non. Mais il n'est pas nécessaire que tu comprennes cela. Je demande pardon à monseigneur d'avoir fait une question à monseigneur. Continuons. Connais-tu la Tourgue? Si je connais la Tourgue! j'en suis. Comment? Oui, puisque je suis de Parigné. En effet, la Tourgue est voisine de Parigné. Si je connais la Tourgue! Le gros château rond qui est le château de famille de mes seigneurs! Il y a une grosse porte de fer qui sépare le bâtiment neuf du bâtiment vieux et qu'on n'enfoncerait pas avec du canon. C'est dans le bâtiment neuf qu'est le fameux livre sur saint Barthélemy qu'on venait voir par curiosité. Il y a des grenouilles dans l'herbe. J'ai joué tout petit avec ces grenouilles-là. Et la passe souterraine! je la connais. Il n'y a peut-être plus que moi qui la connaisse. Quelle passe souterraine? Je ne sais pas ce que tu veux dire. C'était pour autrefois, dans les temps, quand la Tourgue était assiégée. Les gens du dedans pouvaient se sauver dehors en passant par un passage sous terre qui va aboutir à la forêt. En effet, il y a un passage souterrain de ce genre au château de la Jupellière, et au château de la Hunaudaye, et à la tour de Champéon ; mais il n'y a rien de pareil à la Tourgue. II. MEMOIRE DE PAYSAN VAUT SCIENCE DE CAPITAINE 47

« \24 C'est-à-dire qu'elle rapetisse l'ennemi et raccourcit le chemin.

Bon engin.

\24 Une fois, avec ma ferte, j'ai tenu tête à trois gabeloux qui avaient des sabres.

\24 Quand ça? \24 Il y a dix ans.

\24 Sous le roi? \24 Mais oui.

\24 Tu t'es donc battu sous le roi? \24 Mais oui.

\24 Contre qui? \24 Ma foi, je ne sais pas.

J'étais faux-saulnier.

\24 C'est bien.

\24 On appelait cela se battre contre les gabelles.

Les gabelles, est-ce que c'est la même chose que le roi? \24 Oui.

Non.

Mais il n'est pas nécessaire que tu comprennes cela.

\24 Je demande pardon à monseigneur d'avoir fait une question à monseigneur.

\24 Continuons.

Connais-tu la Tourgue? \24 Si je connais la Tourgue! j'en suis.

\24 Comment? \24 Oui, puisque je suis de Parigné.

\24 En effet, la Tourgue est voisine de Parigné.

\24 Si je connais la Tourgue! Le gros château rond qui est le château de famille de mes seigneurs! Il y a une grosse porte de fer qui sépare le bâtiment neuf du bâtiment vieux et qu'on n'enfoncerait pas avec du canon. C'est dans le bâtiment neuf qu'est le fameux livre sur saint Barthélemy qu'on venait voir par curiosité.

Il y a des grenouilles dans l'herbe.

J'ai joué tout petit avec ces grenouilles-là.

Et la passe souterraine! je la connais. Il n'y a peut-être plus que moi qui la connaisse.

\24 Quelle passe souterraine? Je ne sais pas ce que tu veux dire.

\24 C'était pour autrefois, dans les temps, quand la Tourgue était assiégée.

Les gens du dedans pouvaient se sauver dehors en passant par un passage sous terre qui va aboutir à la forêt.

\24 En effet, il y a un passage souterrain de ce genre au château de la Jupellière, et au château de la Hunaudaye, et à la tour de Champéon ; mais il n'y a rien de pareil à la Tourgue.

Quatre-vingt-treize II.

MEMOIRE DE PAYSAN VAUT SCIENCE DE CAPITAINE 47. »

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