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puissance des mots !

Publié le 30/10/2013

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puissance des mots ! « cette constatation le fouetta. « C'est moi, Dio ! « cria-t-il. « Venez ! Venez ! Effacez-moi tout ela ! « Il faisait de grands gestes, appelait la foule qui débarquait. Mais comme il était de petite taille, la peau bistrée, le heveu également crépu au-dessus d'un regard trop malin dans des yeux pochés et que sa veste de voyage se parait de ouleurs trop voyantes, il ressemblait, très exactement, à un portier louche racolant à la porte d'une boîte de nuit. La mort e présenta sous la forme d'un géant noir, portant un enfant-monstre sur le dos, suivi d'une foule énorme qui chantait. evant Dio, il s'arrêta, puis l'empoigna, le souleva de terre jusqu'aux yeux du nabot à casquette, qui émit alors son roisième cri. Dio, dit Ben Souad, sut qu'il était condamné, mais le temps lui manqua pour comprendre les motifs du erdict. Les doigts du coprophage se refermèrent sur son cou et son corps, jeté comme un pantin de son sur la plage, prit rès vite, entre les pieds de la foule, l'aspect sanguinolent d'une chèvre de boustachi... Si verdict il y eut, on peut, en effet, n chercher les attendus. Voici deux hommes, qui, chacun de leur bord, ont été les instruments du destin. L'un traverse les céans, rejoint l'autre et le tue, subitement inspiré, comme s'il le reconnaissait, si bien que ce fut le seul meurtre délibéré, olontaire, dont la multitude se rendit coupable. Cela n'a pas de sens. Mais si l'on veut nager à hauteur des symboles, uelque chose d'exemplaire se dessine : la volonté du tiers monde de ne rien devoir à personne, de ne pas affaiblir la ignification radicale de sa victoire en la partageant avec des transfuges. Les remercier, ou même les admettre, c'était ncore perpétuer une forme de sujétion. À cet égard, le coprophage a réglé la question. Cela vaut ce que ça vaut. Pour notre art, voici une explication beaucoup plus naturelle et qui a le mérite de la simplicité : la tête de Clément Dio ne revenait pas u nabot. Mais pas du tout ! XLIII Puis, la tempête éclata. Le vent forcissant depuis le matin l'avait annoncée. Quoique n'excédant pas les caprices de la étéorologie méditerranéenne, sa violence fut à la fois extrême et limitée dans le temps et l'espace. Elle dura une petite eure et ne souleva la mer que sur un périmètre restreint, à la façon d'un cyclone. Le dernier immigrant, dans l'eau jusqu'à a taille, quittait le dernier navire et parvenait jusqu'à la plage quand une pluie diluvienne s'abattit sur la flotte, et aussi sur a côte proche, jusqu'à environ un kilomètre de profondeur. La foule, dans les rues, n'avait pas eu le temps de marcher eaucoup plus loin. Ces trombes d'eau jouèrent leur rôle. Jusqu'à cette minute, la foule du Gange ne représentait qu'une mpulsion, une masse informe sans objectifs précis. La curiosité restait encore son seul moteur. Entre le pays fabuleux qui 'ouvrait devant elle, avec ses rues ombragées et propres bordant des rangées de villas et d'immeubles inconcevables pour lle, et sa propre misère, il existait un tel écart qu'on peut presque dire qu'elle en était intimidée, ou peut-être même saisie e respect. Durant la longue traversée, les faméliques n'avaient cessé de rêver, imaginant un pays à la mesure du mythe qui les emportait. Et maintenant qu'ils pouvaient le toucher, beaucoup ne parvenaient pas à y croire. Ils palpaient les arbres, les trottoirs cimentés, les portes des immeubles et les murs des jardins, mais précautionneusement, comme si tout allait s'évanouir en mirage. La pluie mit fin au doute et matérialisa le mirage. Ce fut la ruée vers les maisons, les églises, les entrepôts, les immeubles résidentiels, tout ce qui pouvait offrir un abri. Pas une porte ne résista à la poussée de la foule. ans ces actions de caractère disparate, on peut cependant noter un début d'organisation, et aussi de hiérarchisation. Tels ui eurent l'idée de se servir de barres de fer trouvées dans un chantier, ou de madriers utilisés comme béliers, devinrent ussitôt chefs de bande. Devant les portes fracassées, on leur fit ovation. En moins d'une heure, chacun fut abrité. Entassé, ais abrité. Ce fut un acte décisif, une prise de possession immédiate. Sans la pluie, le processus aurait traîné. Lorsqu'elle essa et que le vent faiblit, chassant les derniers nuages noirs, tous sortirent sur le pas des portes, aux balcons, aux fenêtres, ur les parvis, les terrasses. Jusqu'aux plus hauts étages, les façades des immeubles aux longues baies vitrées se couvrirent e noirs essaims. On s'interpellait par-dessus les rues et les arbres, d'une loggia-barbecue à l'autre. On se donnait spectacle, ur un seul thème joyeux : « Cette fois, ça y est ! On est arrivés ! « l n'entre pas dans notre propos de décrire l'installation des peuples du Gange en France, ni de ceux qui les suivirent. ontée de façon édifiante, comme un modèle d'initiative et d'organisation collectives, cette histoire traîne dans tous les manuels au premier chapitre du monde nouveau. Mais sur la tempête et la pluie, sur leur rôle décisif, pas un mot. Il faut encore ajouter quelque chose. Quand la joie se fut apaisée, il devint évident à tous que même pour des misérables accoutumés à l'entassement, le littoral occupé était loin de suffire. Mais ceux qui avaient grimpé jusqu'au sommet des immeubles découvrirent autour d'eux l'étendue de leur conquête. A perte de vue s'offrait un pays qui leur parut le plus beau, le plus riche, le plus accueillant du monde. La densité des habitations ne nuisait pas à la nature, elle en était même enveloppée et la multiplicité des toits donnait confiance : autre chose qu'un désert ! Plus loin, au pied des collines boisées, les guetteurs émerveillés découvraient d'immenses champs plantés d'arbres fleuris, d'autres qui verdissaient sous d'épaisses moissons. Ils le firent savoir, chantant la bonne nouvelle comme des muezzins ou des crieurs publics. De bouche en bouche, elle parcourut la foule. Dans les rues, les jardins, sur les places publiques, s'établirent des conciliabules, des assemblées populaires. Il faut insister une dernière fois sur la notion d'appropriation triomphante qui découla de la pluie et de la ruée qui s'ensuivit. Cette foule épuisée avait retrouvé tout bonnement le moral. Un moral de fer. De conquérant. Si bien que plus des trois quarts, les plus valides, les plus entreprenants, décidèrent de poursuivre leur route. Plus tard, les historiens firent de cette migration spontanée une épopée qu'ils baptisèrent : « La conquête du nord. « Et là, nous leur donnons raison, mais seulement par comparaison. On n'a pas oublié le premier volet du diptyque : la fuite vers le nord, l'exode lamentable des vrais propriétaires du pays, leur déchéance avouée, leur répugnant renoncement, l'anti-épopée ! À ettre les deux foules en balance, tout devient clair...

« XLIII Puis, latempête éclata.Levent forcissant depuislematin l’avait annoncée.

Quoiquen’excédant paslescaprices dela météorologie méditerranéenne, saviolence futàla fois extrême etlimitée dansletemps etl’espace.

Elledura unepetite heure etne souleva lamer quesurunpérimètre restreint,àla façon d’uncyclone.

Ledernier immigrant, dansl’eau jusqu’à la taille, quittait ledernier navireetparvenait jusqu’àlaplage quand unepluie diluvienne s’abattitsurlaflotte, etaussi sur la côte proche, jusqu’àenviron unkilomètre deprofondeur.

Lafoule, danslesrues, n’avait paseuletemps demarcher beaucoup plusloin.

Cestrombes d’eaujouèrent leurrôle.

Jusqu’à cetteminute, lafoule duGange nereprésentait qu’une impulsion, unemasse informe sansobjectifs précis.Lacuriosité restaitencore sonseul moteur.

Entrelepays fabuleux qui s’ouvrait devantelle,avec sesrues ombragées etpropres bordant desrangées devillas etd’immeubles inconcevables pour elle, etsa propre misère, ilexistait untelécart qu’on peutpresque direqu’elle enétait intimidée, oupeut-être mêmesaisie de respect.

Durantlalongue traversée, lesfaméliques n’avaientcesséderêver, imaginant unpays àla mesure dumythe qui les emportait.

Etmaintenant qu’ilspouvaient letoucher, beaucoup neparvenaient pasày croire.

Ilspalpaient lesarbres, les trottoirs cimentés, lesportes desimmeubles etles murs desjardins, maisprécautionneusement, commesitout allait s’évanouir enmirage.

Lapluie mitfinaudoute etmatérialisa lemirage.

Cefut laruée verslesmaisons, leséglises, les entrepôts, lesimmeubles résidentiels, toutcequi pouvait offrirunabri.

Pasune porte nerésista àla poussée delafoule. Dans cesactions decaractère disparate, onpeut cependant noterundébut d’organisation, etaussi dehiérarchisation.

Tels qui eurent l’idéedeseservir debarres defer trouvées dansunchantier, oudemadriers utiliséscomme béliers,devinrent aussitôt chefsdebande.

Devant lesportes fracassées, onleur fitovation.

Enmoins d’uneheure, chacun futabrité.

Entassé, mais abrité.

Cefutunacte décisif, uneprise depossession immédiate.

Sanslapluie, leprocessus auraittraîné.

Lorsqu’elle cessa etque levent faiblit, chassant lesderniers nuagesnoirs,toussortirent surlepas desportes, auxbalcons, auxfenêtres, sur lesparvis, lesterrasses.

Jusqu’aux plushauts étages, lesfaçades desimmeubles auxlongues baiesvitrées secouvrirent de noirs essaims.

Ons’interpellait par-dessuslesrues etles arbres, d’uneloggia-barbecue àl’autre.

Onsedonnait spectacle, sur unseul thème joyeux : « Cettefois,çayest ! Onestarrivés ! » Il n’entre pasdans notre propos dedécrire l’installation despeuples duGange enFrance, nide ceux quilessuivirent. Contée defaçon édifiante, commeunmodèle d’initiative etd’organisation collectives,cettehistoire traînedanstousles manuels aupremier chapitre dumonde nouveau.

Maissurlatempête etlapluie, surleur rôle décisif, pasunmot.

Ilfaut encore ajouter quelque chose.Quand lajoie sefut apaisée, ildevint évident àtous quemême pourdesmisérables accoutumés àl’entassement, lelittoral occupé étaitloindesuffire.

Maisceuxquiavaient grimpéjusqu’au sommetdes immeubles découvrirent autourd’euxl’étendue deleur conquête.

Aperte devue s’offrait unpays quileur parut leplus beau, leplus riche, leplus accueillant dumonde.

Ladensité deshabitations nenuisait pasàla nature, elleenétait même enveloppée etlamultiplicité destoits donnait confiance : autrechose qu’un désert ! Plusloin, aupied descollines boisées, les guetteurs émerveillés découvraient d’immenseschampsplantésd’arbres fleuris,d’autres quiverdissaient sous d’épaisses moissons.Ilslefirent savoir, chantant labonne nouvelle commedesmuezzins oudes crieurs publics.

Debouche en bouche, elleparcourut lafoule.

Danslesrues, lesjardins, surlesplaces publiques, s’établirent desconciliabules, des assemblées populaires.Ilfaut insister unedernière foissurlanotion d’appropriation triomphantequidécoula delapluie et de laruée quis’ensuivit.

Cettefouleépuisée avaitretrouvé toutbonnement lemoral.

Unmoral defer.

Deconquérant.

Si bien queplus destrois quarts, lesplus valides, lesplus entreprenants, décidèrentdepoursuivre leurroute.

Plustard, les historiens firentdecette migration spontanée uneépopée qu’ilsbaptisèrent : « Laconquête dunord. » Etlà, nous leur donnons raison,maisseulement parcomparaison.

Onn’a pas oublié lepremier voletdudiptyque : lafuite verslenord, l’exode lamentable desvrais propriétaires dupays, leurdéchéance avouée,leurrépugnant renoncement, l’anti-épopée ! À mettre lesdeux foules enbalance, toutdevient clair.... »

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