puissance des mots !
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
XLIII
Puis,
latempête éclata.Levent forcissant depuislematin l’avait annoncée.
Quoiquen’excédant paslescaprices dela
météorologie méditerranéenne, saviolence futàla fois extrême etlimitée dansletemps etl’espace.
Elledura unepetite
heure etne souleva lamer quesurunpérimètre restreint,àla façon d’uncyclone.
Ledernier immigrant, dansl’eau jusqu’à
la taille, quittait ledernier navireetparvenait jusqu’àlaplage quand unepluie diluvienne s’abattitsurlaflotte, etaussi sur
la côte proche, jusqu’àenviron unkilomètre deprofondeur.
Lafoule, danslesrues, n’avait paseuletemps demarcher
beaucoup plusloin.
Cestrombes d’eaujouèrent leurrôle.
Jusqu’à cetteminute, lafoule duGange nereprésentait qu’une
impulsion, unemasse informe sansobjectifs précis.Lacuriosité restaitencore sonseul moteur.
Entrelepays fabuleux qui
s’ouvrait devantelle,avec sesrues ombragées etpropres bordant desrangées devillas etd’immeubles inconcevables pour
elle, etsa propre misère, ilexistait untelécart qu’on peutpresque direqu’elle enétait intimidée, oupeut-être mêmesaisie
de respect.
Durantlalongue traversée, lesfaméliques n’avaientcesséderêver, imaginant unpays àla mesure dumythe qui
les emportait.
Etmaintenant qu’ilspouvaient letoucher, beaucoup neparvenaient pasày croire.
Ilspalpaient lesarbres, les
trottoirs cimentés, lesportes desimmeubles etles murs desjardins, maisprécautionneusement, commesitout allait
s’évanouir enmirage.
Lapluie mitfinaudoute etmatérialisa lemirage.
Cefut laruée verslesmaisons, leséglises, les
entrepôts, lesimmeubles résidentiels, toutcequi pouvait offrirunabri.
Pasune porte nerésista àla poussée delafoule.
Dans cesactions decaractère disparate, onpeut cependant noterundébut d’organisation, etaussi dehiérarchisation.
Tels
qui eurent l’idéedeseservir debarres defer trouvées dansunchantier, oudemadriers utiliséscomme béliers,devinrent
aussitôt chefsdebande.
Devant lesportes fracassées, onleur fitovation.
Enmoins d’uneheure, chacun futabrité.
Entassé,
mais abrité.
Cefutunacte décisif, uneprise depossession immédiate.
Sanslapluie, leprocessus auraittraîné.
Lorsqu’elle
cessa etque levent faiblit, chassant lesderniers nuagesnoirs,toussortirent surlepas desportes, auxbalcons, auxfenêtres,
sur lesparvis, lesterrasses.
Jusqu’aux plushauts étages, lesfaçades desimmeubles auxlongues baiesvitrées secouvrirent
de noirs essaims.
Ons’interpellait par-dessuslesrues etles arbres, d’uneloggia-barbecue àl’autre.
Onsedonnait spectacle,
sur unseul thème joyeux : « Cettefois,çayest ! Onestarrivés ! »
Il n’entre pasdans notre propos dedécrire l’installation despeuples duGange enFrance, nide ceux quilessuivirent.
Contée defaçon édifiante, commeunmodèle d’initiative etd’organisation collectives,cettehistoire traînedanstousles
manuels aupremier chapitre dumonde nouveau.
Maissurlatempête etlapluie, surleur rôle décisif, pasunmot.
Ilfaut
encore ajouter quelque chose.Quand lajoie sefut apaisée, ildevint évident àtous quemême pourdesmisérables
accoutumés àl’entassement, lelittoral occupé étaitloindesuffire.
Maisceuxquiavaient grimpéjusqu’au sommetdes
immeubles découvrirent autourd’euxl’étendue deleur conquête.
Aperte devue s’offrait unpays quileur parut leplus
beau, leplus riche, leplus accueillant dumonde.
Ladensité deshabitations nenuisait pasàla nature, elleenétait même
enveloppée etlamultiplicité destoits donnait confiance : autrechose qu’un désert ! Plusloin, aupied descollines boisées,
les guetteurs émerveillés découvraient d’immenseschampsplantésd’arbres fleuris,d’autres quiverdissaient sous
d’épaisses moissons.Ilslefirent savoir, chantant labonne nouvelle commedesmuezzins oudes crieurs publics.
Debouche
en bouche, elleparcourut lafoule.
Danslesrues, lesjardins, surlesplaces publiques, s’établirent desconciliabules, des
assemblées populaires.Ilfaut insister unedernière foissurlanotion d’appropriation triomphantequidécoula delapluie et
de laruée quis’ensuivit.
Cettefouleépuisée avaitretrouvé toutbonnement lemoral.
Unmoral defer.
Deconquérant.
Si
bien queplus destrois quarts, lesplus valides, lesplus entreprenants, décidèrentdepoursuivre leurroute.
Plustard, les
historiens firentdecette migration spontanée uneépopée qu’ilsbaptisèrent : « Laconquête dunord. » Etlà, nous leur
donnons raison,maisseulement parcomparaison.
Onn’a pas oublié lepremier voletdudiptyque : lafuite verslenord,
l’exode lamentable desvrais propriétaires dupays, leurdéchéance avouée,leurrépugnant renoncement, l’anti-épopée ! À
mettre lesdeux foules enbalance, toutdevient clair....
»
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