Pot-bouille --Tu entends, reprit madame Josserand en revenant sur sa fille.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Vous m'agacez, ne pleurez donc plus....
Monsieur Josserand, ordonnez donc a votre fille de ne pas s'abimer
le visage a pleurer ainsi.
Ce sera le comble, si elle devient laide!
Mon enfant, dit le pere, sois raisonnable, ecoute ta mere qui est de bon conseil.
Il ne faut pas t'enlaidir, ma
cherie.
Et ce qui m'irrite, c'est qu'elle n'est pas trop mal, quand elle veut, reprit madame Josserand.
Voyons, essuie
tes yeux, regarde-moi comme si j'etais un monsieur en train de te faire la cour....
Tu souris, tu laisses tomber
ton eventail, pour que le monsieur, en le ramassant, effleure tes doigts....
Ce n'est pas ca.
Tu te rengorges, tu as
l'air d'une poule malade....
Renverse donc la tete, degage ton cou: il est assez jeune pour que tu le montres.
Alors, comme ca, maman?
Oui, c'est mieux....
Et ne sois pas raide, aie la taille souple.
Les hommes n'aiment pas les planches....
Surtout, s'ils vont trop loin, ne fais pas la niaise.
Un homme qui va trop loin, est flambe, ma chere.
Deux heures sonnaient a la pendule du salon; et, dans l'excitation de cette veille prolongee, dans son desir
devenu furieux d'un mariage immediat, la mere s'oubliait a penser tout haut, tournant et retournant sa fille
comme une poupee de carton.
Celle-ci, molle, sans volonte, s'abandonnait; mais elle avait le coeur tres gros,
une peur et une honte la serraient a la gorge.
Brusquement, au milieu d'un rire perle que sa mere la forcait a
essayer, elle eclata en sanglots, le visage bouleverse, balbutiant:
Non! non! ca me fait de la peine!
Madame Josserand demeura une seconde outree et stupefaite.
Depuis sa sortie de chez les Dambreville, sa
main etait chaude, il y avait des claques dans l'air.
Alors, a toute volee, elle gifla Berthe.
Tiens! tu m'embetes a la fin!...
Quel pot! Ma parole, les hommes ont raison!
Dans la secousse, son Lamartine, qu'elle ne lachait pas, etait tombe.
Elle le ramassa, l'essuya, et sans ajouter
une parole, trainant royalement sa robe de bal, elle passa dans la chambre a coucher.
Ca devait finir par la, murmura M.
Josserand, qui n'osa pas retenir sa fille, partie, elle aussi, en se tenant la
joue et en pleurant plus fort.
Mais, comme Berthe traversait l'antichambre a tatons, elle trouva leve son frere Saturnin, qui ecoutait, pieds
nus.
Saturnin etait un grand garcon de vingt-cinq ans, degingande, aux yeux etranges, reste enfant a la suite
d'une fievre cerebrale.
Sans etre fou, il terrifiait la maison par des crises de violence aveugle, lorsqu'on le
contrariait.
Seule, Berthe le domptait d'un regard.
Il l'avait soignee, gamine encore, pendant une longue
maladie, obeissant comme un chien a ses caprices de petite fille souffrante; et, depuis qu'il l'avait sauvee, il
s'etait pris pour elle d'une adoration ou il entrait de tous les amours.
Elle t'a encore battue? demanda-t-il d'une voix basse et ardente.
Berthe, inquiete de le rencontrer la, essaya de le renvoyer.
Va te coucher, ca ne te regarde pas.
Si, ca me regarde.
Je ne veux pas qu'elle te batte, moi!...
Elle m'a reveille, tant elle criait....
Qu'elle ne
recommence pas, ou je cogne! Pot-bouille
II 24.
»
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