Devoir de Philosophie

Pot-bouille --Pas possible!

Publié le 11/04/2014

Extrait du document

Pot-bouille --Pas possible! cria-t-il. --On ne vous a donc rien dit, en bas? demanda Gueulin. --Mais non, le concierge m'a tranquillement regarde monter.... Tiens! elle a file! Ca ne m'etonne pas. Elle avait des yeux et des cheveux si droles! Il demanda des details, causa un instant, oubliant la triste nouvelle qu'il apportait. Puis, brusquement, il se tourna vers Duveyrier. --A propos, c'est votre femme qui m'envoie vous prendre.... Votre beau-pere se meurt. --Ah! dit simplement le conseiller. --Le pere Vabre! murmura Bachelard. Je m'y attendais. --Bah! quand on est au bout de son rouleau! fit remarquer philosophiquement Gueulin. --Oui, il vaut mieux s'en aller, ajouta Trublot, en train de coller une seconde feuille de papier a cigarette autour de son cigare. Ces messieurs, pourtant, se deciderent a quitter l'appartement vide. Octave repetait qu'il s'etait engage sur l'honneur a ramener Duveyrier tout de suite, dans n'importe quel etat. Ce dernier ferma la porte soigneusement, comme s'il avait laisse la ses tendresses mortes; mais, en bas, il fut pris d'une honte, Trublot dut rendre la clef au concierge. Puis, sur le trottoir, il se fit un echange silencieux de fortes poignees de main; et, des que le fiacre eut emporte Octave et Duveyrier, l'oncle Bachelard dit a Gueulin et a Trublot, restes dans la rue deserte: --Tonnerre de Dieu! il faut que je vous la montre. Il pietinait depuis un instant, tres excite par le desespoir de ce grand serin de conseiller, crevant de son bonheur a lui, de ce bonheur qu'il croyait du a sa profonde malice, et qu'il ne pouvait plus contenir. --Vous savez, l'oncle, dit Gueulin, si c'est encore pour nous mener a la porte et nous lacher.... --Non, tonnerre de Dieu! vous allez la voir. Ca me fera plaisir.... Il a beau etre pres de minuit: elle se levera, si elle est couchee.... Vous savez, elle est fille d'un capitaine, le capitaine Menu, et elle a une tante tres bien, nee a Villeneuve, pres de Lille, parole d'honneur! On peut aller demander des renseignements chez messieurs Mardienne freres, rue Saint-Sulpice.... Ah! tonnerre de Dieu! nous avons besoin de ca, vous allez voir ce que c'est que la vertu! Et il prit leur bras, Gueulin a sa droite, Trublot a sa gauche, allongeant le pas, en quete d'une voiture pour arriver plus vite. Cependant, dans le fiacre, Octave avait brievement raconte l'attaque de M. Vabre, sans cacher que madame Duveyrier connaissait l'adresse de la rue de la Cerisaie. Au bout d'un silence, le conseiller demanda d'une voix dolente: --Croyez-vous qu'elle me pardonne? X 125 Pot-bouille Octave resta muet. Le fiacre roulait toujours, empli d'obscurite, traverse par moments d'un rayon de gaz. Comme ils arrivaient, Duveyrier, torture d'angoisses, posa une nouvelle question. --N'est-ce pas? ce que j'ai de mieux a faire est encore de me remettre avec ma femme, en attendant? --Ce serait peut-etre raisonnable, dit le jeune homme, force de repondre. Alors, Duveyrier sentit la necessite de regretter son beau-pere. C'etait un homme bien intelligent, une puissance de travail incroyable. D'ailleurs, on allait sans doute pouvoir encore le tirer de la. Rue de Choiseul, ils trouverent la porte de la maison ouverte et ils tomberent sur un groupe, plante devant la loge de M. Gourd. Julie, descendue pour courir chez le pharmacien, s'emportait contre les bourgeois qui se laissent crever entre eux, quand ils sont malades; c'etait bon aux ouvriers, de se porter du bouillon et de se faire chauffer des serviettes; depuis deux heures qu'il ralait la-haut, le vieux aurait pu avaler vingt fois sa langue, sans que ses enfants eussent pris seulement la peine de lui mettre un morceau de sucre dans le gosier. Des coeurs secs, disait M. Gourd, des gens qui ne savaient pas se servir de leurs dix doigts, qui se seraient crus deshonores s'ils avaient donne un lavement a un pere; tandis qu'Hippolyte, rencherissant encore, racontait la tete de madame, la-haut, son air bete, ses bras ballants en face de ce pauvre monsieur, autour duquel les domestiques se bousculaient. Mais tous se turent, lorsqu'ils apercurent Duveyrier. --Eh bien? demanda celui-ci. --Le medecin pose des sinapismes a monsieur, repondit Hippolyte. Oh! j'ai eu une peine pour le trouver! En haut, dans le salon, madame Duveyrier vint a leur rencontre. Elle avait beaucoup pleure, ses regards brillaient sous ses paupieres rougies. Le conseiller ouvrit les bras, plein de gene; et il l'embrassa, en murmurant: --Ma pauvre Clotilde! Surprise de cette effusion inaccoutumee, elle recula. Octave etait demeure en arriere; mais il entendit le mari ajouter a voix basse: --Pardonne-moi, oublions nos torts, dans cette triste circonstance.... Tu le vois, je te reviens, et pour toujours.... Ah! je suis bien puni! Elle ne repondit rien, se degagea. Puis, reprenant devant Octave son attitude de femme qui veut ignorer: --Je ne vous aurais pas derange, mon ami, car je sais combien cette enquete sur l'affaire de la rue de Provence est pressee. Mais je me suis vue seule, j'ai senti votre presence necessaire.... Mon pauvre pere est perdu. Entrez le voir, le docteur est aupres de lui. Quand Duveyrier eut passe dans la chambre voisine, elle s'approcha d'Octave qui, pour se donner une contenance, se tenait devant le piano. L'instrument etait reste ouvert, le morceau de Zemire et Azor se trouvait encore sur le pupitre; et il affectait de le dechiffrer. La lampe n'eclairait toujours de sa lumiere douce qu'un angle de la vaste piece. Madame Duveyrier regarda un instant le jeune homme sans parler, tourmentee d'une inquietude qui finit par la jeter hors de sa reserve habituelle. --Il etait la-bas? demanda-t-elle d'une voix breve. --Oui, madame. X 126

« Octave resta muet.

Le fiacre roulait toujours, empli d'obscurite, traverse par moments d'un rayon de gaz. Comme ils arrivaient, Duveyrier, torture d'angoisses, posa une nouvelle question. —N'est-ce pas? ce que j'ai de mieux a faire est encore de me remettre avec ma femme, en attendant? —Ce serait peut-etre raisonnable, dit le jeune homme, force de repondre. Alors, Duveyrier sentit la necessite de regretter son beau-pere.

C'etait un homme bien intelligent, une puissance de travail incroyable.

D'ailleurs, on allait sans doute pouvoir encore le tirer de la.

Rue de Choiseul, ils trouverent la porte de la maison ouverte et ils tomberent sur un groupe, plante devant la loge de M.

Gourd. Julie, descendue pour courir chez le pharmacien, s'emportait contre les bourgeois qui se laissent crever entre eux, quand ils sont malades; c'etait bon aux ouvriers, de se porter du bouillon et de se faire chauffer des serviettes; depuis deux heures qu'il ralait la-haut, le vieux aurait pu avaler vingt fois sa langue, sans que ses enfants eussent pris seulement la peine de lui mettre un morceau de sucre dans le gosier.

Des coeurs secs, disait M.

Gourd, des gens qui ne savaient pas se servir de leurs dix doigts, qui se seraient crus deshonores s'ils avaient donne un lavement a un pere; tandis qu'Hippolyte, rencherissant encore, racontait la tete de madame, la-haut, son air bete, ses bras ballants en face de ce pauvre monsieur, autour duquel les domestiques se bousculaient.

Mais tous se turent, lorsqu'ils apercurent Duveyrier. —Eh bien? demanda celui-ci. —Le medecin pose des sinapismes a monsieur, repondit Hippolyte.

Oh! j'ai eu une peine pour le trouver! En haut, dans le salon, madame Duveyrier vint a leur rencontre.

Elle avait beaucoup pleure, ses regards brillaient sous ses paupieres rougies.

Le conseiller ouvrit les bras, plein de gene; et il l'embrassa, en murmurant: —Ma pauvre Clotilde! Surprise de cette effusion inaccoutumee, elle recula.

Octave etait demeure en arriere; mais il entendit le mari ajouter a voix basse: —Pardonne-moi, oublions nos torts, dans cette triste circonstance....

Tu le vois, je te reviens, et pour toujours....

Ah! je suis bien puni! Elle ne repondit rien, se degagea.

Puis, reprenant devant Octave son attitude de femme qui veut ignorer: —Je ne vous aurais pas derange, mon ami, car je sais combien cette enquete sur l'affaire de la rue de Provence est pressee.

Mais je me suis vue seule, j'ai senti votre presence necessaire....

Mon pauvre pere est perdu. Entrez le voir, le docteur est aupres de lui. Quand Duveyrier eut passe dans la chambre voisine, elle s'approcha d'Octave qui, pour se donner une contenance, se tenait devant le piano.

L'instrument etait reste ouvert, le morceau de Zemire et Azor se trouvait encore sur le pupitre; et il affectait de le dechiffrer.

La lampe n'eclairait toujours de sa lumiere douce qu'un angle de la vaste piece.

Madame Duveyrier regarda un instant le jeune homme sans parler, tourmentee d'une inquietude qui finit par la jeter hors de sa reserve habituelle. —Il etait la-bas? demanda-t-elle d'une voix breve. —Oui, madame.

Pot-bouille X 126. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles