portefeuille de cordouan; il avait extrait du portefeuille un parchemin
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
La
brise venait desedéclarer pleinnord.
Elleétait tellement favorabledanssaviolence, etsiutile àl'éloignement de
l'Angleterre, quelepatron dela Matutina s'était
décidcouvrir labarque detoile.
L'ourque s'évadait dansl'écume,
comme augalop, toutes voileshors,ventarrière, bondissant devague envague, avecrageetgaîté.
Lesfugitifs, ravis,
riaient.
Ilsbattaient desmains, applaudissant lahoule, leflot, lessouffles, lesvoiles, lavitesse, lafuite, l'avenir ignoré.Le
docteur semblait nepas lesvoir, etsongeait.
Tout vestige dejour s'était éclipsé.
Cette minute−là étaitcelle oùl'enfant attentifsurlesfalaises lointaines perditl'ourque devue.
Jusqu'à cemomoment son
regard étaitresté fixéetcomme appuyésurlenavire.
Quellepartceregard eut−ildanslaVI.
ILS SECROIENT AIDÉS
56
L'homme QuiRit
destinée? Danscetinstant oùladistance effaçal'ourque etoù l'enfant nevitplus rien, l'enfant s'enallaaunord pendant
que lenavire s'enallait ausud.
Tous s'enfonçant danslanuit.
VII.
HORREUR SACRÉE
De
leur côté, maisavecépanouissement etallégresse, ceuxquel'ourque emportait regardaient derrièreeuxreculer et
décroître laterre hostile.
Peuàpeu larondeur obscuredel'océan montait amincissant danslecrépuscule Portland,
Purbeck, Tineham, Kimmeridge, lesdeux Matravers, leslongues bandesdelafalaise brumeuse, etlacôte ponctuée de
phares.
L'Angleterre s'effaça.Lesfuyards n'eurent plusautour d'euxquelamer.
Toul àcoup lanuit futterrible.
Il n'y eut plus d'étendue nid'espace; leciel s'était faitnoirceur, etilse referma surlenavire.
Lalente descente delaneige
commença.
Quelquesfloconsapparurent.
Oneût ditdes âmes.
Riennefut plus visible danslechamp decourse duvent.
On sesentit livré.Toutlepossible étaitlà,piégé.
C'est parcette obscurité decaverne quedébute dansnosclimats latrombe polaire.
Un grand nuage trouble, pareilaudessous d'unehydre, pesaitsurl'océan, etpar endroits ceventre livideadhérait aux
vagues.
Quelques−unes deces adhérences ressemblaient àdes poches crevées, pompant lamer, sevidant devapeur et
s'emplissant d'eau.Cessuccions soulevaient çaetlàsur leflot des cônes d'écume.
La tourmente boréaleseprécipita surl'ourque, l'ourqueserua dedans.
Larafale etlenavire vinrent au−devant l'unde
l'autre comme pouruneinsulte.
Dans cepremier abordage forcené,pasune voile nefut carguée, pasunfoc nefut amené, pasunrisne fut pris, tant
l'évasion estundélire.
Lemât craquait etse ployait enarrière, comme effrayé.
Les cyclones, dansnotre hémisphère nord,tournent degauche droite,danslemême sensquelesaiguilles d'unemontre,
avec unmouvement detranslation quiatteint quelquefois soixantemillesparheure.
Quoiqu'elle fûtenplein àla merci de
celte violente poussée giratoire, l'ourquesecomportait commesielle eûtétdans ledemi−cercle maniable,sansautre
précaution quedesetenir debout àla lame, etde présenter lecap auvent antérieur enrecevant levent actuel àtribord
afin d'éviter lescoups d'arrière etde travers.
Cettedemi−prudence n'eûtserviderien encas d'une sautedevent debout
en bout.
Une profonde rumeursoufflait danslarégion inaccessible.
Le rugissement del'abîme, rienn'est comparable acela.
C'est l'immense voixbestiale dumonde.
Ceque nous appelons la
matière, cetorganisme insondable, cetamalgame d'énergiesincommensurables oùparfois ondistingue unequantit
imperceptible d'intentionquifait frissonner, cecosmos aveugle etnocturne, cePan incompréhensible, aun cri, cri
étrange, prolongé, obstiné,continu, quiestmoins quelaparole etplus queletonnerre.
Cecri, c'est l'ouragan.
Lesautres
voix, chants, mélodies, clameurs,verbes,sortentdesnids, descouvées, desaccouplements, deshyménées, des
demeures; celle−ci,trombe, sortdeceRien quiestTout.
Lesautres voixexpriment l'âmedel'univers; celle−cienexprime
le monstre.
C'estl'informe, hurlant.C'estl'inarticulé parléparl'indéfini.
Chosepathétique etterrifiante.
Cesrumeurs
dialoguent au−dessusetau delà del'homme.
Elless'élèvent, s'abaissent, ondulent,déterminent desflots debruit, font
toutes sortesdesurprises farouches àl'esprit, tantôtéclatent toutprès denotre oreille avecuneimportunité defanfare,
tantôt VII.HORREUR SACRÉE
57
L'homme QuiRit
ont l'enrouement rauquedulointain; brouhaha vertigineux quiressemble àun langage, etqui estunlangage eneffet;
c'est l'effort quefaitlemonde pourparler, c'estlebégaiement duprodige.
Danscevagissement semanifeste
confusément toutcequ'endure, subit,souffre, accepte etrejette l'énorme palpitation ténébreuse.
Leplus souvent, cela
déraisonne, celasemble unaccès demaladie chronique, etc'est plutôt del'épilepsie répanduequedelaforce employée;
on croit assister àune chute duhaut maldans l'infini.
Parmoments, onentrevoit unerevendication del'élément, onne
sait quelle velléité dereprise duchaos surlacréation.
Parmoments, c'estuneplainte, l'espace selamente etse justifie,
c'est quelque chosecomme lacause dumonde plaidée; oncroit deviner quel'univers estunprocès; onécoute, ontâche.
»
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