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PIERRE LOTI (1850-1923). Le dîner de Madame Chrysanthème

Publié le 21/06/2011

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loti

Pierre Loti (pseudonyme de Julien Viaud) est le plus illustre représentant du roman exotique. Marin, il a beaucoup voyagé; il a été vivement impressionné par les paysages et par les moeurs des pays merveilleux qu'il, a traversés. Ses intrigues sont peu de chose; mais il saisit avec sûreté les traits caractéristiques de la psychologie japonaise ou turque. Il excelle surtout à décrire, en un style qu'il a créé tout exprès, et dont les couleurs ont autant de variété que de fraîcheur et d'éclat. C'est peut-être le plus original de nos écrivains Ses principaux romans sont : le Mariage de Loti, Mon frère Yves, Pêcheur d'Islande, Japoneries d'automne, Ramuntcho, Vers Ispahan, etc.

Le dîner de Madame Chrysanthème (1887).

Loti, qui décrit avec tant de mouvement et d'impétuosité la fantasia marocaine dans le Roman d'un Spahi, n'est pas moins heureux dans la notation des plus petits détails d'un repas japonais. On dirait une miniature succédant à un tableau largement brossé. Les repas de Chrysanthème sont une invraisemblable chose. Cela commence le matin, au réveil, par deux petits pruneaux verts des haies, confits dans du vinaigre et roulés dans de la poudre de sucre. Une tasse de thé complète ce déjeuner presque traditionnel au Japon, le même que l'on mange en bas chez madame Prune, le même que l'on sert aux voyageurs dans les hôtelleries. Cela se continue, dans le courant du jour, par deux dînettes très drôlement ordonnées. De chez madame Prune où ces choses se cuisinent, on les lui monte sur un plateau de laque rouge, dans de microscopiques tasses à couvercle : un hachis de moineau, une crevette farcie, une algue en sauce, un bonbon salé, un piment sucré.... A tout cela, Chrysanthème goûte du bord des lèvres, à l'aide de ses petites baguettes, en relevant le bout de ses doigts avec une grâce affectée. A chaque mets elle fait une grimace, — en laisse les trois quarts et s'essuie les ongles après avec horreur. Ces menus varient beaucoup, suivant l'inspiration de ma dame Prune. Mais ce qui ne change jamais, ni chez nous ni ailleurs, ni au sud de l'empire, ni au nord, c'est le dessert et la façon de le manger : après tant de petits plats pour rire, on apporte une cuve en bois cerclée de cuivre, une cuve énorme, comme pour Gargantua, et contenant jusqu'au bord du riz cuit à l'eau pure; Chrysanthème en remplit un très grand bol (quelquefois deux, quelquefois trois), en salit la blancheur neigeuse avec une sauce noire, au poisson, qui est contenue dans une fine burette bleue; — brasse ces choses ensemble; — porte le bol à ses lèvres et enfourne tout ce riz, en le poussant avec ses deux baguettes jusqu'au fond de son gosier. Ensuite on ramasse les petites tasses et les petits couvercles, les dernières miettes tombées sur ces nattes si blanches dont rien ne doit ternir jamais l'irréprochable netteté. La dînette est terminée.

(Madame Chyrsanthème, Calmann-Lévy, éditeur.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Nature du morceau : une description, dans laquelle on peut distinguer trois petits tableaux. Quels sont les personnages dont il est parlé dans la lecture? Figurent-ils l'un et l'autre dans les tableaux? Quel vous paraît être le rôle de Mme Prune? Quel intérêt prenez-vous à voir manger Mme Chrysanthème? (particularités des menus, — gestes de la Japonaise).

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez nettement les trois tableaux (le repas du matin de Mme Chrysanthème, — l'un de ses autres repas de la journée; — le dessert); Quels sont les traits communs aux deux premiers tableaux ? (montrez que tout y est petit et invraisemblable); Justifiez le mot invraisemblable (des pruneaux confits dans du vinaigre et roulés dans de la poudre de sucre; — un bonbon salé, un piment sucré...) ; Par quoi est caractérisé le troisième tableau? (marquez le contraste entre les petits plats pour rire et la cuve énorme contenant le riz cuit à l'eau servant de dessert; — le dessert est plus copieux que l'ensemble des mets précédents : cela encore est une chose invraisemblable).

III. — Le style; — les expressions. — Dans ces petits tableaux, tout l'intérêt est dans les détails : montrez avec quelle précision ils sont marqués par l'auteur ; Le morceau contient un certain nombre d'expressions imagées : indiquez-en quelques-unes (A chaque mets, elle fait une grimace..., s'essuie les ongles avec horreur..., elle brasse ces choses ensemble...); Quel est le sens de chacune des expressions suivantes : un déjeuner presque traditionnel, — des dînettes très drôlement ordonnées, —une grâce affectée,— une blancheur neigeuse? Quelle expression l'auteur oppose-t-il à blancheur neigeuse? Indiquez la signification du mot menus.

IV. — La grammaire. — Indiquez quatre mots de la même famille que miettes, Quelle est la composition des mots :invraisemblable, irréprochable, enfourne? (... et enfourne tout ce riz) ; Distinguez les propositions contenues dans le dernier alinéa de la lecture; — nature de chacune d'elles ; Nature et fonction de chacun des mots suivants : dont rien ne doit ternir jamais.

Rédaction. — Décrivez l'un de vos repas de midi.

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