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Pendant des siècles, Rome et Sparte demeurèrent armées et libres.

Publié le 01/10/2013

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Pendant des siècles, Rome et Sparte demeurèrent armées et libres. Les Suisses sont très armés et très libres. Des armes mercenaires antiques on a pour exemple les Carthaginois : lesquels faillirent être opprimés par leurs soldats mercenaires, après la première guerre contre les Romains, encore que les Carthaginois eussent pour capitaines leurs propres citoyens., Philippe de Macédoine fut fait par les Thébains, après la mort d'Epaminondas, capitaine de leurs troupes ; et après la victoire, il leur ôta la liberté. Le duc Philippe mort, les Milanais prirent à leur solde François Sforza contre les Vénitiens ; lequel, ayant vaincu les ennemis à Caravage, se joignit à eux pour opprimer les Milanais ses patrons. Sforza, son père, étant à la solde de la reine Jeanne de Naples, la laissa soudain désarmée ; ce qui la contraignit, pour ne pas perdre son royaume, à se jeter dans le giron du roi d'Aragon. Et si les Vénitiens et Florentins ont dans le passé accru leur territoire par cette sorte d'armes, et si leurs capitaines ne s'en sont pas pour autant faits princes mais les ont défendus, je réponds que les Florentins, en cette affaire, ont été favorisés par le sort ; car des capitaines de talent qu'ils pouvaient craindre, les uns n'ont pas vaincu, d'autres ont rencontré des empêchements, d'autres ont tourné leur ambition ailleurs. Celui qui ne vainquit pas fut Jean Aucut, de qui, faute d'être victorieux, on ne pouvait connaître la loyauté ; mais chacun confessera que, s'il eût vaincu, les Florentins se trouvaient à sa discrétion. Sforza eut toujours le parti de Braccio contre lui, et ils se tinrent l'un l'autre en respect : François tourna son ambition vers la Lombardie, Braccio contre l'Église et le royaume de Naples. Mais venons-en à ce qui s'est passé naguère. Les Florentins firent de Paulo Vitelli leur capitaine, homme des plus avisés et qui, de condition privée, s'était acquis la plus grande réputation. Si celui-là s'emparait de Pise, il n'est personne pour nier que les Florentins étaient obligés de rester avec lui ; car s'il était passé à la solde de leurs ennemis, leur situation était sans remède. Et s'ils le gardaient, il leur fallait lui obéir. Les Vénitiens, si l'on considère la marche de leurs affaires, on verra qu'ils les ont menées sûrement et glorieusement tant qu'ils firent la guerre eux-mêmes (ce qui fut avant qu'ils eussent tourné leurs entreprises vers la terre) : temps où, avec les gentilshommes et avec le peuple en armes, ils se comportèrent de la façon la plus valeureuse ; mais lorsqu'ils commencèrent à combattre sur terre, ils dépouillèrent cette valeur et suivirent les coutumes des guerres d'Italie. Et au commencement de leurs accroissements sur terre, comme ils n'y avaient pas grand territoire et que leur prestige était grand, ils n'avaient pas grandchose à craindre de leurs capitaines ; mais lorsqu'ils s'agrandirent, ce qui fut sous Carmagnola, l'expérience leur montra leur erreur ; car lui ayant vu le plus grand mérite, pour avoir battu sous son commandement le duc de Milan, et constatant d'autre part que son humeur guerrière s'était refroidie, ils jugèrent qu'ils ne pouvaient plus vaincre avec lui parce qu'il ne le voulait pas, ni ne pouvaient le licencier pour ne point reperdre ce qu'ils avaient acquis ; aussi furent-ils contraints, pour s'assurer de lui, de le mettre à mort. Ils ont eu ensuite pour capitaines Bartolomeo de Bergame, Roberto San Severino, le comte de Pitigliano et autres de même sorte ; avec ceux-là, ils avaient à craindre de perdre, non de gagner : comme il arriva ensuite à Vailà où en une bataille ils perdirent ce qu'en huit cents ans, avec tant de peine, ils avaient acquis. Car de cette sorte d'armées naissent seulement les lentes, tardives et faibles conquêtes, et les pertes subites et prodigieuses. Et puisque avec ces exemples je suis venu en Italie, laquelle a été très longtemps livrée aux armes mercenaires, je veux parler d'elles en remontant plus haut, afin qu'en en voyant l'origine et les développements on y puisse mieux remédier. Vous devez donc entendre qu'aussitôt qu'en ces derniers temps l'Empire commença à être rejeté d'Italie et que le pape, dans le, temporel, y prit plus de crédit, l'Italie se divisa en plusieurs Etats ; car bon nombre de grosses villes prirent les armes contre leurs nobles, lesquels auparavant, protégés par l'empereur, les tenaient opprimées ; et l'Église les protégeait pour se donner du crédit dans le temporel ; dans beaucoup d'autres villes, les citoyens devinrent les maîtres. D'où vient que, l'Italie étant quasi passée dans les mains de l'Église et de quelques républiques, et ces prêtres et ces autres citoyens étant accoutumés à ne rien connaître aux armes, ils commencèrent à soudoyer des étrangers. Le premier qui mit en crédit cette sorte de troupes fut le Romagnol Albéric de Conio. De l'école de celuici descendirent, entre autres, Braccio et Sforza, qui en leur temps furent les arbitres de l'Italie. Après eux vinrent tous les autres qui jusqu'à notre temps ont commandé ces troupes. Et le produit de leur génie a été que l'Italie a été courue par Charles, pillée par Louis, violée par Ferdinand et déshonorée par les Suisses. La conduite qu'ils ont tenue a été d'abord, pour se mettre eux-mêmes en crédit, d'avoir discrédité l'infanterie. Ils firent cela parce que, n'ayant point d'État et vivant de leur industrie, un peu d'infanterie ne leur donnait pas de prestige, et beaucoup, ils ne la pouvaient entretenir ; c'est pourquoi ils se limitèrent aux cavaliers, par où, avec un nombre supportable, ils étaient entretenus et honorés. Et les choses étaient venues à ce point que dans une armée de vingt mille soldats il ne se trouvait pas deux mille fantassins. Ils avaient, outre cela, mis toute leur industrie à s'épargner, à eux et à leurs soldats, la fatigue et la peur, ne se tuant pas dans les combats, mais se faisant prisonniers, et sans rançon. Ils ne donnaient pas l'assaut aux villes la nuit, ni ceux des villes n'attaquaient les tentes 17 ; ils ne faisaient à l'entour du camp ni rempart ni fossé ; ils ne faisaient pas campagne en hiver. Et toutes ces choses étaient permises dans leurs institutions militaires, et trouvées par eux pour fuir, comme on a dit, et la fatigue et les dangers : tant y a qu'ils ont conduit l'Italie à la servitude et à la honte.

« qu'ils les ont menées sûrement et glorieusement tant qu'ils firent la guerre eux-mêmes (ce qui fut avant qu'ils eussent tourné leurs entreprises vers la terre) : temps où, avec les gentils- hommes et avec le peuple en armes, ils se comportèrent de la façon la plus valeureuse ; mais lorsqu'ils commencèrent à combattre sur terre, ils dépouillèrent cette valeur et suivirent les coutumes des guerres d'Italie.

Et au commencement de leurs accroissements sur terre, comme ils n'y avaient pas grand terri- toire et que leur prestige était grand, ils n'avaient pas grand- chose à craindre de leurs capitaines ; mais lorsqu'ils s'agrandi- rent, ce qui fut sous Carmagnola, l'expérience leur montra leur erreur ; car lui ayant vu le plus grand mérite, pour avoir battu sous son commandement le duc de Milan, et constatant d'autre part que son humeur guerrière s'était refroidie, ils jugèrent qu'ils ne pouvaient plus vaincre avec lui parce qu'il ne le voulait pas, ni ne pouvaient le licencier pour ne point reperdre ce qu'ils avaient acquis ; aussi furent-ils contraints, pour s'assurer de lui, de le mettre à mort.

Ils ont eu ensuite pour capitaines Bartolo- meo de Bergame, Roberto San Severino, le comte de Pitigliano et autres de même sorte ; avec ceux-là, ils avaient à craindre de perdre, non de gagner : comme il arriva ensuite à Vailà où en une bataille ils perdirent ce qu'en huit cents ans, avec tant de peine, ils avaient acquis.

Car de cette sorte d'armées naissent seulement les lentes, tardives et faibles conquêtes, et les pertes subites et prodigieuses.

Et puisque avec ces exemples je suis venu en Italie, laquelle a été très longtemps livrée aux armes mercenaires, je veux parler d'elles en remontant plus haut, afin qu'en en voyant l'origine et les développements on y puisse mieux remédier.

Vous devez donc entendre qu'aussitôt qu'en ces derniers temps l'Empire commença à être rejeté d'Italie et que le pape, dans le, temporel, y prit plus de crédit, l'Italie se divisa en plu- sieurs Etats ; car bon nombre de grosses villes prirent les armes contre leurs nobles, lesquels auparavant, protégés par l'empe- reur, les tenaient opprimées ; et l'Église les protégeait pour se donner du crédit dans le temporel ; dans beaucoup d'autres. »

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