Pauline Lavallée d'un ton paternel; mais vois à quoi tu t'exposes d'aller ainsi seule la nuit.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Laurence fut fort surprise le soir, au moment de se coucher, de voir entrer dans sa chambre, d'un air calme et
avec des manières affectueuses, Pauline, qui, depuis huit jours, ne lui avait adressé que des paroles sèches et
ironiques.
Elle tenait une lettre qu'elle lui remit, en lui disant que c'était Lavallée qui l'en avait chargée.
En
reconnaissant l'écriture et le cachet de Montgenays, Laurence pensa que Lavallée avait eu quelque bonne
raison pour la charger de ce message, et que le moment était venu de porter aux grands maux le grand remède.
Elle ouvrit la lettre d'une main tremblante, la parcourant des yeux, hésitant encore à la faire connaître à son
amie, tant elle en prévoyait l'effet terrible.
Quelle fut sa stupéfaction en lisant ce qui suit:
«Laurence, je vous ai trompée; ce n'est pas vous que j'aime, c'est Pauline; ne m'accusez pas, je me suis trompé
moi-même.
Tout ce que je vous ai dit, je le pensais en cet instant-là; l'instant d'après, et maintenant, et
toujours, je le désavoue.
C'est votre amie que j'adore et à qui je voudrais consacrer ma vie, si elle pouvait
oublier mes bizarreries et mes incertitudes.
Vous avez voulu m'égarer, m'abuser, me faire croire que vous
pouviez, que vous vouliez me rendre heureux; vous n'y eussiez pas réussi, car vous n'aimez pas, et moi j'ai
besoin d'une affection vraie, profonde, durable.
Pardonnez-moi donc ma faiblesse comme je vous pardonne
votre caprice.
Vous êtes grande, mais vous êtes femme; je suis sincère, mais je suis homme; au moment de
commettre une grande faute, qui eût été de nous tromper mutuellement, nous avons réfléchi et nous nous
sommes ravisés tous deux, n'est-ce pas? Mais je suis prêt à mettre aux pieds de votre amie le dévouement de
toute ma vie, et vous, vous êtes décidée à me permettre de lui faire ma cour assidûment, si elle-même ne me
repousse pas.
Croyez qu'en vous conduisant avec franchise et avec noblesse vous aurez en moi un ami fidèle
et sûr.»
Laurence resta confondue; elle ne pouvait comprendre une telle impudence.
Elle mit la lettre dans son bureau
sans témoigner rien de sa surprise.
Mais Pauline croyait lire au dedans de son âme, et s'indignait des
mauvaises intentions qu'elle lui supposait.
Il y avait une lettre outrageante contre moi, se disait-elle en se
retirant dans sa chambre, et on me l'a remise, en voici une qu'on suppose devoir me consoler, et on ne me la
remet pas.
Elle s'endormit pleine de mépris pour son amie; et, dans la joie dont son âme était inondée, le
plaisir de se savoir enfin si supérieure à Laurence empêchait l'amitié trahie de placer un regret.
L'infortunée
triomphait lorsqu'elle-même venait de coopérer avec une sorte de malice à sa propre ruine.
Le lendemain, Laurence commenta longuement cette lettre avec Lavallée.
Le hasard ou l'habitude avait fait
qu'elle était absolument conforme, pour le pli et le cachet, à celle que Montgenays avait écrite sous les yeux
de Lavallée.
On demanda à Pauline si elle n'avait pas eu deux lettres semblables dans sa poche lorsqu'elle
avait remis celle-ci à Laurence.
Triomphant en elle-même de leur désappointement, elle joua l'étonnement,
prétendit ne rien comprendre à cette question, ne pas savoir de qui était la lettre, ni pourquoi ni comment on
l'avait glissée dans sa poche.
L'autre était déjà retournée entre les mains de Montgenays.
Dans sa joie
insensée, Pauline, voulant lui donner un grand et romanesque témoignage de confiance et de pardon, la lui
avait envoyée sans l'ouvrir.
Laurence voulait encore croire à une sorte de loyauté de la part de Montgenays.
Lavallée ne pouvait s'y
tromper.
Il lui raconta le rendez-vous où il avait conduit Pauline, et se le reprocha.
Il avait compté qu'au sortir
d'une entrevue où Montgenays aurait menti impudemment, l'effet de la lettre sur Pauline serait décisif.
Il ne
pouvait s'expliquer encore comment Pauline avait si merveilleusement aidé sa perversité à triompher de tous
les obstacles.
Laurence ne voulait pas croire qu'elle aussi s'entendît à l'intrigue et y prît une part si funeste à sa
dignité.
Que pouvait faire Laurence? Elle tenta un dernier effort pour dessiller les yeux de son amie.
Celle-ci éclatant
enfin, et refusant de croire à d'autres éclaircissements que ceux que Montgenays lui avait donnés, lui déchira
le coeur par l'amertume de ses reproches et le dédain triomphant de son illusion.
Laurence fut forcée de lui
adresser quelques avertissements sévères qui achevèrent de l'exaspérer; et comme Pauline lui déclarait qu'elle
était indépendante, majeure, maîtresse de ses actions, et nullement disposée à se laisser enchaîner par les
volontés arbitraires d'une personne qui l'avait indignement trompée, elle fut forcée de lui dire qu'elle ne Pauline
VII.
34.
»
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