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Paul Valéry, «Politique de l'Esprit», Variété III

Publié le 28/03/2011

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esprit

Parties du programme abordées: - Le progrès. - La société contemporaine. - La liberté. Conseils pratiques: Bien restituer, dans le résumé, la structure : les articulations du texte sont d'ailleurs assez visibles; tenter aussi de conserver l'humour. Sujet de discussion très classique sur la cohabitation possible entre progrès matériel et liberté individuelle. Le libellé invite à chercher des exemples «culturels« (livres, films). Difficulté du sujet: ** L'homme moderne a les sens obtus (1), il supporte le bruit que vous savez, il supporte les odeurs nauséabondes, les éclairages violents et follement intenses ou contrastés : il est soumis à une trépidation perpétuelle ; il a besoin d'excitants brutaux, de sons stridents, de boissons infernales, d'émotions brèves et bestiales. Il supporte l'incohérence, il vit dans le désordre mental. D'autre part, ce travail de l'esprit auquel nous devons tout nous est parfois devenu trop facile. Le travail mental coordonné est muni aujourd'hui de moyens très puissants qui le rendent plus aisé, parfois au point de le supprimer. On a créé des symboles, il existe des machines qui dispensent de (2) l'attention, qui dispensent du travail patient et difficile de l'esprit; plus nous irons, plus les méthodes de symbolisation et de graphie rapide se multiplieront. Elles tendent à supprimer l'effort de raisonner. Enfin, les conditions de la vie moderne tendent inévitablement, implacablement à égaliser les individus, à égaliser les caractères ; et c'est malheureusement et nécessairement sur le type le plus bas que la moyenne tend à se réduire. Autre danger : je remarque que la crédulité et la naïveté sont en voie de développement inquiétant. J'observe depuis quelques années un nombre nouveau de superstitions qui n'existaient pas il y a vingt ans, en France, et qui s'introduisent peu à peu, même dans les salons (3). On voit des personnes fort distinguées frapper le bois des fauteuils(4). D'ailleurs, un des traits les plus frappants du monde actuel est la futilité; je puis dire, sans risquer d'être trop sévère mous sommes partagés entre la futilité et l'inquiétude. Nous avons les plus beaux jouets que l'homme ait jamais possédés : nous avons l'auto, nous avons le yo-yo, nous avons la T.S.F.et le cinéma; nous avons tout ce que le génie a pu créer pour transmettre, avec la vitesse de la lumière, des choses qui ne sont pas toujours de la plus haute qualité. Que de divertissements ! Jamais tant de joujoux ! Mais que de préoccupations ! Jamais tant d'alarmes ! Que de devoirs enfin! Devoirs dissimulés dans le confort lui-même! Devoirs que la commodité, le souci du lendemain, multiplient de jour en jour, car l'organisation toujours plus parfaite de la vie nous capte aussi dans un réseau, de plus en plus serré, de règles et de contraintes, dont beaucoup nous sont insensibles! Le téléphone sonne, nous y courons ; l'heure sonne, le rendez-vous nous presse... Songez à ce que sont, pour la formation de l'esprit, les horaires de travail, les horaires de transport, les commandements croissants de l'hygiène, jusqu'aux commandements de l'orthographe qui n'existaient pas jadis, jusqu'aux passages cloutés... Tout nous commande, tout nous presse, tout nous prescrit ce que nous avons à faire, et nous prescrit de le faire automatiquement. Paul Valéry, «Politique de l'Esprit«, Variété III, éd. Gallimard, 1932.  

(1) Sens obtus: sens dont les perceptions manquent de vivacité, de netteté. (2) Dispensent de: suppriment, permettent de ne pas faire. (3) Les salons: le grand monde, la bonne société. 4 ) Frapper le bois des fauteuils: geste de superstition, pour se préserver du mauvais sort. (5) La T.S.F. : la radio. Résumé (8 points) Vous ferez de ce texte un résumé en 125 mots. Une marge de plus ou moins 10% est toutefois admise. Vous indiquerez à la fin de votre résumé le nombre de mots employés. Vocabulaire (2 points) Quel est le sens, dans le texte, des expressions: - «trépidation perpétuelle«, - «de règles et de contraintes dont beaucoup nous sont insensibles« Discussion (10 points) Paul Valéry écrit: «Tout nous commande, tout nous presse, tout nous prescrit ce que nous avons à faire, et nous prescrit de le faire automatiquement. « Vous sentez-vous conditionné dans votre vie quotidienne ou conservez-vous, à votre avis, une certaine liberté? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur des exemples précis (livres, films, expériences vécues, etc.).   

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