Originalité du XVIIIe siècle
Publié le 08/02/2011
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«
nous n'avons peut-être pas encore réussi à surmonter.»
Illustrez d'exemples et, s'il y a lieu, discutez cette idée de Jacques Bousquet : «Les écrivains du XVIIIe siècle sesont enchantés de la diversité de la réalité ; ce qui n'était, récemment encore, qu'une vague toile de fond devientpour eux un décor infiniment varié ; ils notent le charme particulier non seulement des différentes saisons mais desdifférentes heures du jour ; ils s'intéressent aux paysages des différentes provinces ; ils remarquent les détails lesplus humbles de la nature ; ils observent les coutumes et les types de vie du petit peuple.
Où finit, ici, l'inventairepréscientifique du monde et où commence la poésie ? Beauté gratuite et connaissance pratique semblent serejoindre ; on démêle mal la rêverie romantique de la curiosité encyclopédique.» (Le XVIIIe siècle romantique,Pauvert, 1972.
Que pensez-vous de cette idée de Robert Mauzi : «La pensée du XVIIIe siècle découvre, pour la première fois peut-être, que l'existence de l'homme ne se suffit pas à elle-même et réclame une justification.
Si la condition humainedevient une énigme et un sujet d'angoisse, c'est que nul ne se sent plus soutenu par la stabilité de l'universthéologique du XVIIe siècle, et qu'il n'est plus de Révélation pour renseigner d'emblée chaque homme sur sadestination.» {L'idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au XVIIIe siècle, Colin, 1960).
On pourranuancer ces lignes par ce texte de Paul Bénichou (Le Sacre de l'écrivain, Corti, 1985) où il affirme que l'expériencereligieuse des philosophes du XVIIIe siècle «renverse en quelque sorte l'expérience religieuse habituelle : l'éclair jaillitde la terre au ciel.
Quand l'homme de ce temps-là dit «céleste» ou «divin», c'est presque toujours des choseshumaines qu'il parle, en tant qu'elles lui paraissent soudain sans mesure : il se voit homme, et doué d'une sublimitéqui embrasse l'univers.
Il éprouve sa propre infinité au-delà de sa finitude, et il appelle Dieu, ou Grand Etre, ce quidans son expérience excède toute limite.
De cette découverte qu'il croit avoir faite, ou de cette chimère, dequelque façon qu'on veuille la nommer, qui fait participer l'humanité à l'infini, naît une sorte d'exaltation jusque-làinconnue.
[...] Ce que les historiens des lettres appellent communément sentiment de la nature et qui surgit alors detoutes parts n'a de sens que dans cet ensemble : la nature a pris une valeur spirituelle parce que le sensible a prisfigure d'infini, moins par référence au Dieu qui créa cet univers qu'à l'homme qui l'habite et à qui il offre un objet decontemplation sans bornes : c'est dans ce théâtre, devenu temple - on ne sait si de Dieu ou de l'homme - que lacréature sort de ses limites.
C'est à tort, je crois, qu'on parle ici de panthéisme.
Il s'agit d'une sorte d'empiétementdu sujet humain sur les attributs ordinaires de la divinité.
A la limite Dieu peut cesser d'être nécessaire.»
Expliquez et, s'il y a lieu, discutez cette conception de la religion chez les «philosophes» du XVIIIe siècle : «EnFrance, le discours des Philosophes sur la religion se veut particulièrement corrosif parce qu'il s'adresse à un pays demonopole catholique depuis un demi-siècle.
Son thème dominant, conséquence de cette situation, est celui de latolérance.
Chaque religion, chaque homme porte en soi une part de vérité essentielle : cette affirmation supposeque confiance soit rendue à l'homme en ses propres forces et en ses propres lumières, et par conséquent que soitécarté le péché originel.
Ce refus est le dogme central de la religion des Lumières ; il prétend libérer la naturehumaine de toute malédiction, installer l'homme de plein droit dans le monde, légitimer ses visées terrestres.
Lamorale de la tolérance n'est pas, on le voit, le déguisement de l'indifférence en matière de religion.
Elle est latraduction sur le plan de l'action, d'une conception de l'homme radicalement renouvelée.» (Robert Mauzi et SylvainMenant, Littérature française, le XVIIIe siècle, 1750-1778, Arthaud, 1977.
René Pomeau et Jean Ehrard estiment que l'athéisme, au moins avant 1750, est une attitude d'esprit exceptionnelle: «Pour les tenants de la «physique nouvelle» le mécanisme universel est un ordre intelligible qui renvoie à unesouveraine Sagesse : à un univers horloge un Dieu horloger.
Dans le monde moral également Dieu est le garant del'ordre : c'est la sagesse du Créateur qui garantit, contre les préjugés d'une morale répressive, l'innocence de lanature, la rectitude de la raison et la légitimité de l'instinct.
Mais on proteste contre l'idée d'un Dieu tyran, contre ledogme de l'éternité des peines et de la damnation des païens vertueux ; on condamne les crimes du «fanatisme», leparasitisme des prêtres et des moines, la confusion du spirituel et du temporel ; on s'inquiète des effets d'unemorale rigoriste qui brime la nature, privilégie l'austérité et la vie intérieure au détriment des vertus sociales.Développés avec plus ou moins de talent et de virulence, tous ces thèmes forment très tôt comme une vulgate del'esprit nouveau.
"(Littérature française, t.
V, De Fénelon à Voltaire, Arthaud, 1984.) Etes-vous d'accord avec cetteconception du Dieu des «philosophes» ?
Michel Launay et Georges Mailhos concluent ainsi leur Introduction à la vie littéraire du XVIIIe siècle, Bordas, 1970 :«Le Grand Siècle, je veux dire le XVIIIe ...» En s'exprimant ainsi, Michelet scandalisait les nostalgiques du siècle deLouis XVI.
[...] En effet, le siècle des Lumières n'a peut-être pas été «grand».
Ne s'intéressant qu'aux hommes, lesPhilosophes n'avaient que faire de la grandeur.
Ils se méfiaient des «héros» qui massacraient, pillaient, torturaient,trichaient et violaient, et qui trompaient le peuple avant d'être canonisés dans les livres d'histoire, pour êtreproposés à l'admiration des enfants du peuple.
Détournant leur attention de la gloire et des desseins grandioses, leshommes et les femmes de ce temps prirent l'habitude de tout regarder d'en bas, c'est-à-dire de la hauteur de leursyeux.
Peu sensibles aux leçons du passé, ils mettaient de l'obstination à croire en l'avenir.
Ils étaient persuadés queles hommes peuvent naître d'eux-mêmes.
Ce sont là des vertus roturières qui peuvent faire sourire les habiles.
Ilreste que la naïveté têtue des Hurons de ce temps-là s'avère redoutable.
Leur seule audace était dans la pensée,mais elle était sans limites : à force de jouer avec les mots, ils en ont fait des réalités.
Sans doute les mots et lesdiscours n'ont-ils que peu de prise sur les mécanismes économiques, sur les besoins, les appétits, les désirs et lesplaisirs.
Mais devenus des armes au service des castes, puis des classes, puis des masses, les écrits de ces hommeset de ces femmes ont aidé l'histoire à accoucher d'autres formes de sociétés, c'est-à-dire du monde dans lequelnous vivons.
La tâche à laquelle ont travaillé les écrivains du XVIIIe siècle révèle donc, derrière leur humour ou leurironie, une résolution tenace, endiablée : il ne s'agissait de rien moins que d'installer les hommes sur la terre.
En.
»
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