Devoir de Philosophie

On ne réfléchit que sur des actes.

Publié le 11/05/2011

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L'antiquité de la plupart d'entre les arts faisait croire, en effet, que tous, depuis les coutumes morales, ces vénérables lois non écrites, sans cesse invoquées par la sagesse des sanctuaires, jusqu'à la manière de faire le pain et de labourer les champs, étaient quasi éternels et n'avaient jamais changé. C'est cette immutabilité qui était le plus fort argument en faveur de leur divinité et en même temps, si j'ose dire, de leur naturalisé. Un usage qui a toujours existé, un procédé de culture ou de construction qui est employé de temps immémorial, une loi. une constitution que ni cette génération ni celle qui l'a précédée n'ont vu naître, sont parce qu'ils sont ; ils n'ont pas besoin de raison d'être explicite ; ils paraissent aussi nécessaires, comme le dit Platon, aussi naturels que l'ordre des saisons et la marche des astres, que les fonctions essentielles propres à chaque être vivant. Si vous voulez, encore de nos jours, plonger dans un grand étonnement une femme ignorante en train d'accomplir quelque cérémonie même toute locale, demandez-lui-en le pourquoi : Cela se fait parce que cela s'est fait toujours ! il n'y a pas de raison à ce qui ne peut être autrement, ayant toujours existé ! De même, pour les Grecs d'avant le y° siècle et pour le vulgaire même à l'âge des philosophes, les règles qui dirigeaient la vie étaient naturelles parce qu'elles étaient immuables, et divines parce qu'elles étaient naturelles, la nature et la volonté des dieux étant alors la même chose.... Dans le livre d'Anaxagore sur la Nature si parfois, à défaut d'une explication scientifique, l'Intelligence divine est invoquée, normalement, d'après le témoignage concordant de Xénophon, de Platon et d'Aristote, la cause des phénomènes est attribuée simplement à des phénomènes antérieurs, et cette cause est interprétée en termes mécaniques. Eaux, ventes, terres, pierres, tous ces corps agissent par le choc, et les mouvements qu'ils produisent résultent du mouvement dont ils sont eux-mêmes ébranlés comme de la traction de cordes ou de la pression d'un levier. Les Anankai, en effet, qui lient entre elles toutes les pièces de l'univers ne sont pas autre chose que le nom couramment donné à ces mécanismes passifs mis en, jeu par Hippocrate pour opérer les réductions — et, par extension, à tous les mécanismes. Jusqu'ici la causalité était modelée sur le type de la volonté humaine ; tout était plein de dieux, c'est-à-dire plein d'intentions et d'efforts conscients ; pour la première fois, le mécanisme pur, manifestement inanimé (4uxa at4p.era, dit Platon), dont la pratique quotidienne fournit l'expérience, est appelé à rendre compte de l'action des corps les uns sur les autres dans le monde entier. L'idée générale de nécessité naturelle dérive donc visiblement de la liaison des mouvements dans les diverses pièces d'un mécanisme construit et mû par l'art de l'homme. ESPINAS.

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