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on lui pêchait ses poissons les plus cachés !

Publié le 30/10/2013

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on lui pêchait ses poissons les plus cachés ! Cependant, ceux qui restent clairs, et braves, et transparents - sont ceux que leur silence trahit le moins : ils sont si profonds que l'eau la plus claire ne révèle pas ce qu'il y a au fond. Silencieux ciel d'hiver à la barbe de neige, tête blanche aux yeux clairs au-dessus de moi ! Ô divin symbole de mon âme et de la pétulance de mon âme ! Et ne faut-il pas que je monte sur des échasses, pour qu'ils ne voient pas mes longues jambes, - tous ces tristes envieux autour de moi ? Toutes ces âmes enfumées, renfermées, usées, moisies, aigries - comment leur envie sauraitelle supporter mon bonheur ? C'est pourquoi je ne leur montre que l'hiver et la glace qui sont sur mes sommets - je ne leur montre pas que ma montagne est entourée de toutes les ceintures de soleil ! Ils n'entendent siffler que mes tempêtes hivernales : et ne savent pas que je passe aussi sur de chaudes mers, pareil à des vents du sud langoureux, lourds et ardents. Ils ont pitié de mes accidents et de mes hasards : - mais mes paroles disent : « Laissez venir à moi le hasard : il est innocent comme un petit enfant ! « Comment sauraient-ils supporter mon bonheur si je ne mettais autour de mon bonheur des accidents et des misères hivernales, des toques de fourrure et des manteaux de neige ? - si je n'avais moi-même pitié de leur apitoiement, l'apitoiement de ces tristes envieux ? - si moi-même je ne soupirais et ne grelottais pas devant eux, en me laissant envelopper patiemment dans leur pitié ? Ceci est la sagesse folâtre et la bienveillance de mon âme, qu'elle ne cache point son hiver et ses vents glacés ; elle ne cache pas même ses engelures. Pour l'un la solitude est la fuite du malade, pour l'autre la fuite devant le malade. Qu'ils m'entendent gémir et soupirer à cause de la froidure de l'hiver, tous ces pauvres et louches vauriens autour de moi ! Avec de tels gémissements et de tels soupirs, je fuis leurs chambres chauffées. Qu'ils me plaignent et me prennent en pitié a cause de mes engelures : « Il finira par geler à la glace de sa connaissance ! - c'est ainsi qu'ils gémissent. Pendant ce temps, les pieds chauds, je cours çà et là, sur ma montagne des Oliviers ; dans le coin ensoleillé de ma montagne des Oliviers, je chante et je me moque de toute compassion.Ainsi chantait Zarathoustra. En passant En traversant ainsi sans hâte bien des peuples et mainte ville, Zarathoustra retournait pas des détours vers ses montagnes et sa caverne. Et, en passant, il arriva aussi, à l'improviste, à la porte de la grande Ville : mais lorsqu'il fut arrivé là, un fou écumant sauta sur lui les bras étendus en lui barrant le passage. C'était le même fou que le peuple appelait « le singe de Zarathoustra « : car il imitait un peu les manières de Zarathoustra et la chute de sa phrase. Il aimait aussi à emprunter au trésor de sa sagesse. Le fou cependant parlait ainsi à Zarathoustra : « Ô Zarathoustra, c'est ici qu'est la grande ville : tu n'as rien à y chercher et tout à y perdre. Pourquoi voudrais-tu patauger dans cette fange ? Aie donc pitié de tes jambes ! Crache plutôt sur la porte de la grande ville et - retourne sur tes pas ! Ici c'est l'enfer pour les pensées solitaires. Ici l'on fait cuire vivantes les grandes pensées et on les réduit en bouillie. Ici pourrissent tous les grands sentiments : ici on ne laisse cliqueter que les petits sentiments desséchés ! Ne sens-tu pas déjà l'odeur des abattoirs et des gargotes de l'esprit ? Les vapeurs des esprits abattus ne font-elles pas fumer cette ville ? Ne vois-tu pas les âmes suspendues comme des torchons mous et malpropres ? - et ils se servent de ces torchons pour faire des journaux. N'entends-tu pas ici l'esprit devenir jeu de mots ? il se fait jeu en de repoussants calembours ! - et c'est avec ces rinçures qu'ils font des journaux ! Ils se provoquent et ne savent pas à quoi. Ils s'échauffent et ne savent pas pourquoi. Ils font tinter leur fer-blanc et sonner leur or. Ils sont froids et ils cherchent la chaleur dans l'eau-de-vie ; ils sont échauffés et cherchent la fraîcheur chez les esprits frigides ; l'opinion publique leur donne la fièvre et les rend tous ardents. Tous les désirs et tous les vices ont élu domicile ici ; mais il y a aussi des vertueux, il y a ici beaucoup de vertus habiles et occupées : - beaucoup de vertus occupées, avec des doigts pour écrire, des culs-de-plomb et des ronds-de-cuir ornés de petites décorations et pères de filles empaillées et sans derrières. Il y a ici aussi beaucoup de piété, et beaucoup de courtisanerie dévote et de bassesses devant le Dieu des armées. Car c'est d'« en haut « que pleuvent les étoiles et les gracieux crachats ; c'est vers en haut que vont les désirs de toutes les poitrines sans étoiles. La lune a sa cour et la cour a ses satellites : mais le peuple mendiant et toutes les habiles vertus mendiantes élèvent des prières vers tout ce qui vient de la cour. « Je sers, tu sers, nous servons « - ainsi prient vers le souverain toutes les vertus habiles : afin que l'étoile méritée s'accroche enfin à la poitrine étroite ! Mais la lune tourne autour de tout ce qui est terrestre : c'est ainsi aussi que le souverain tourne autour de ce qu'il y a de plus terrestre : - mais ce qu'il y a de plus terrestre, c'est l'or des épiciers. Le Dieu des armées n'est pas le Dieu des lingots ; le souverain propose, mais l'épicier - dispose ! Au nom de tout ce que tu as de clair, de fort et de bon en toi, ô Zarathoustra ! crache sur cette ville des épiciers et retourne en arrière ! Ici le sang vicié, mince et mousseux, coule dans les artères : crache sur la grande ville qui est le grand dépotoir où s'accumule toute l'écume ! Crache sur la ville des âmes déprimées et des poitrines étroites, des yeux envieux et des doigts gluants - sur la ville des importuns et des impertinents, des écrivassiers et des braillards, des ambitieux exaspérés : - sur la ville où s'assemble tout ce qui est carié, mal famé, lascif, sombre, pourri, ulcéré, conspirateur : - crache sur la grande ville et retourne sur tes pas ! « - Mais en cet endroit, Zarathoustra interrompit le fou écumant et lui ferma la bouche. « Te tairas-tu enfin ! s'écria Zarathoustra, il y a longtemps que ta parole et ton allure me dégoûtent ! Pourquoi as-tu vécu si longtemps au bord du marécage, te voilà, toi aussi, devenu grenouille et crapaud ! Ne coule-t-il pas maintenant dans tes propres veines, le sang des marécages, vicié et mousseux, car, toi aussi, tu sais maintenant coasser et blasphémer ? Pourquoi n'es-tu pas allé dans la forêt ? Pourquoi n'as-tu pas labouré la terre ? La mer n'est-elle pas pleine de vertes îles ? Je méprise ton mépris ; et si tu m'avertis, - pourquoi ne t'es-tu pas averti toi-même ? C'est de l'amour seul que doit me venir le vol de mon mépris et de mon oiseau avertisseur : et non du marécage ! - On t'appelle mon singe, fou écumant : mais je t'appelle mon porc grognant - ton grognement finira par me gâter mon éloge de la folie. Qu'était-ce donc qui te fit grogner ainsi ? Personne ne te flattait assez : - c'est pourquoi tu t'es assis à côté de ces ordures, afin d'avoir des raisons pour grogner, - afin d'avoir de nombreuses raisons de vengeance ! Car la vengeance, fou vaniteux, c'est toute ton écume, je t'ai bien deviné ! Mais ta parole de fou est nuisible pour moi, même lorsque tu as raison ! Et quand même la parole de Zarathoustra aurait mille fois raison : toi tu me ferais toujours tort avec ma parole ! « Ainsi parlait Zarathoustra, et, regardant la grande ville, il soupira et se tut longtemps. Enfin il dit ces mots : Je suis dégoûté de cette grande ville moi aussi ; il n'y a pas que ce fou qui me dégoûte. Tant ici que là il n'y a rien à améliorer, rien à rendre pire ! Malheur à cette grande ville ! - Je voudrais voir déjà la colonne de feu qui l'incendiera ! Car il faut que de telles colonnes de feu précèdent le grand midi. Mais ceci a son temps et sa propre destinée.Je te donne cependant cet enseignement en guise d'adieu, à toi fou : lorsqu'on ne peut plus aimer, il faut - passer outre ! - Ainsi parlait Zarathoustra et il passa devant le fou et devant la grande ville.

« En passant En traversant ainsisanshâte biendespeuples etmainte ville,Zarathoustra retournaitpasdes détours verssesmontagnes etsa caverne.

Et,enpassant, ilarriva aussi,àl’improviste, àla porte dela grande Ville  : mais lorsqu’il futarrivé là,un fou écumant sautasurluiles bras étendus enluibarrant lepassage.

C’étaitlemême fouque lepeuple appelait « lesinge de Zarathoustra » : carilimitait unpeu lesmanières deZarathoustra etlachute desaphrase.

Il aimait aussiàemprunter autrésor desasagesse.

Lefou cependant parlaitainsiàZarathoustra : « Ô Zarathoustra, c’esticiqu’est lagrande ville :tun’as rienàychercher ettout àyperdre. Pourquoi voudrais-tu pataugerdanscette fange ? Aiedonc pitiédetes jambes ! Cracheplutôt sur laporte delagrande villeet–retourne surtespas ! Icic’est l’enfer pourlespensées solitaires.

Icil’on faitcuire vivantes lesgrandes pensées eton les réduit enbouillie.

Ici pourrissent touslesgrands sentiments : icion nelaisse cliqueter quelespetits sentiments desséchés ! Ne sens-tu pasdéjà l’odeur desabattoirs etdes gargotes del’esprit ? Lesvapeurs desesprits abattus nefont-elles pasfumer cetteville ? Nevois-tu paslesâmes suspendues commedes torchons mousetmalpropres ? –et ils se servent deces torchons pourfairedesjournaux. N’entends-tu pasicil’esprit devenir jeudemots ? ilse fait jeuenderepoussants calembours ! – et c’est aveccesrinçures qu’ilsfontdesjournaux ! Ilsse provoquent etne savent pasàquoi.

Ils s’échauffent etne savent paspourquoi.

Ilsfont tinter leurfer-blanc etsonner leuror. Ils sont froids etils cherchent lachaleur dansl’eau-de-vie ; ilssont échauffés etcherchent la fraîcheur chezlesesprits frigides ; l’opinion publique leurdonne lafièvre etles rend tous ardents. Tous lesdésirs ettous lesvices ontéludomicile ici ;mais ilya aussi desvertueux, ilya ici beaucoup devertus habiles etoccupées : –beaucoup devertus occupées, avecdesdoigts pour écrire, desculs-de-plomb etdes ronds-de-cuir ornésdepetites décorations etpères defilles empaillées etsans derrières. Il ya ici aussi beaucoup depiété, etbeaucoup decourtisanerie dévoteetde bassesses devantle Dieu desarmées. Car c’est d’« en haut » quepleuvent lesétoiles etles gracieux crachats ; c’estversenhaut que vont lesdésirs detoutes lespoitrines sansétoiles. La lune asa cour etlacour ases satellites : maislepeuple mendiant ettoutes leshabiles vertus mendiantes élèventdesprières verstout cequi vient delacour. « Je sers, tusers, nous servons » –ainsi prient verslesouverain touteslesvertus habiles : afin que l’étoile méritée s’accroche enfinàla poitrine étroite ! Mais lalune tourne autourdetout cequi estterrestre : c’estainsiaussi quelesouverain tourne autour decequ’il ya de plus terrestre : –mais cequ’il ya de plus terrestre, c’estl’ordes épiciers.

Le Dieu desarmées n’estpasleDieu deslingots ; lesouverain propose,maisl’épicier – dispose ! Au nom detout ceque tuas de clair, defort etde bon entoi, ôZarathoustra ! crachesurcette ville desépiciers etretourne enarrière ! Ici lesang vicié, mince etmousseux, couledanslesartères : crachesurlagrande villequiestle grand dépotoir oùs’accumule toutel’écume ! Crache surlaville desâmes déprimées etdes poitrines étroites,desyeux envieux etdes doigts gluants –sur laville desimportuns etdes impertinents, desécrivassiers etdes braillards, des ambitieux exaspérés : –sur laville oùs’assemble toutcequi estcarié, malfamé, lascif,sombre, pourri, ulcéré, conspirateur : –crache surlagrande villeetretourne surtespas ! » – Mais encet endroit, Zarathoustra interrompitlefou écumant etlui ferma labouche.. »

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