On lit dans les notes d'André Chénier : « De toutes les nations de l'Europe, les Français sont ceux qui aiment le moins la poésie et qui s'y connaissent le moins. La langue française a peur de la poésie. » Vous expliquerez et vous discuterez cette opinion, en vous rappelant qu'elle a été exprimée sous le règne de Louis XVI.
Publié le 13/03/2011
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La doctrine classique impose à la grande poésie le respect du « style noble «. Ce style réduit notamment le vocabulaire à un petit nombre de mots, jugés élégants et qui sont clairs, mais qui sont incolores et finissent par ne toucher ni l'imagination ni la sensibilité. Une réaction très nette se marque dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les « néologues «, dès la première moitié, s'opposent aux « puristes «. Puis des écrivains tels que Diderot et Rousseau n'ont plus aucun scrupule de purisme. Ils emploient les termes, les images les plus familiers ou même les plus populaires; ils en créent au besoin. Leur style est exactement aussi libre que celui de n'importe quel écrivain du XIXe siècle. Rousseau va même jusqu'à déclarer qu'il a le droit, si c'est nécessaire à l'harmonie de son style, de faire des fautes de grammaire. Les poètes sont plus discrets, moins réalistes, comme il était d'ailleurs naturel. Mais eux aussi ont la prétention de s'affranchir du style noble; et c'est l'abbé Delille qui se vante d'employer les mots de fumier ou de vache sans déshonorer la poésie de ses Jardins. Il n'était donc déjà plus vrai, quand Chénier écrit ces lignes, que la langue française eût peur de la poésie. Plan. — I. Le jugement de Chénier peut s'appliquer à la poésie lyrique classique et plus exactement encore à toute la littérature de la première moitié du XVIIIe siècle. — II. Mais la réaction marquée par Rousseau ramène dans la littérature l'inspiration favorable à la poésie ; comme d'ailleurs la curiosité des littératures étrangères. — III. Il est vrai que seule la prose tire parti de cette inspiration; la poésie, bien qu'elle se libère du préjugé du style noble, reste gênée par la tradition classique.
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- André Chénier a dit : « De toutes les nations de l'Europe, les Français sont ceux qui aiment le moins la poésie et qui s'y connaissent le moins. » Renchérissant sur ce jugement, Baudelaire écrivait : « La France éprouve une horreur congénitale de la poésie ». Enfin un critique contemporain, Gustave Lanson, déclare : « Le lyrisme n'est qu'un accident chez nous, la création en a été tardive et laborieuse : la source du lyrisme s'ouvre en effet assez rarement au fond de l'âme française. »
- Loin d'être un initiateur, André Chénier est la dernière expression d'un art expirant. C'est à lui qu'aboutissent le goût, l'idéal, la pensée du XVIIIe siècle. Il résume le style Louis XVI et l'esprit encyclopédique. Il est la fin d'un monde. Ce jugement d'un critique contemporain vous , paraît-il définir exactement la poésie d'André Chénier ?
- Loin d'être un initiateur, André Chénier est la dernière expression d'un art expirant. C'est à lui qu'aboutissent le goût, l'idéal, la pensée du XVIIIe siècle. Il résume le style Louis XVI et l'esprit encyclopédique. Il est la fin d'un monde. Ce jugement d'un critique contemporain vous paraît-il définir exactement la poésie d'André Chénier ?
- Un critique a dit : « On a raison de mettre Le siècle de Louis XIV aux mains de la jeunesse. Tant qu'il sera un livre d'enseignement, je n'ai pas peur que les Français aiment médiocrement leur pays. C'est le meilleur ouvrage et peut-être la meilleure action de Voltaire. » (Nisard.) ?
- Lorsque M. de Latouche publia en 1819 les œuvres d'André Chénier, cette révélation d'un génie si original dans l'imitation de l'Antique excita parmi les lettrés un véritable enthousiasme : on crut au renouveau de la poésie classique. Vous supposerez une lettre de Chateaubriand à M. de Latouche dans laquelle, après avoir rendu un juste hommage au génie personnel et divers de Chénier, il précisera pour quelles raisons morales et politiques la poésie française lui semble entraînée vers de