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Objet d'étude : Convaincre, persuader, délibérer

Publié le 05/03/2012

Extrait du document

Textes :  Texte A - J. de La Bruyère, « Du Souverain ou de la République « (Caractères, 1688) Texte B - E.N. Damilaville : Article « Paix « (Encyclopédie, 1750-1772) Texte C - Voltaire : « Guerre « (Dictionnaire philosophique, 1764) Texte D - J. Giraudoux : La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935.

Texte A - Jean de La Bruyère, «Du Souverain ou de la République«, Les Caractères, 1688.

  La guerre a pour elle l'antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire périr les frères à une même bataille. Jeune Soyecour1 ! je regrette ta vertu, ta pudeur, ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable, je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que te montrer : malheur déplorable, mais ordinaire! De tout temps les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire ; ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus solide réputation ; et ils ont depuis renchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source, est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits et leurs prétentions. Si, content du sien, on eût pu s'abstenir du bien de ses voisins, on avait pour toujours la paix et la liberté.

1. Jeune homme tué à la guerre et dont La Bruyère avait peut-être été le précepteur.

Texte B - Article «Paix«, Encyclopédie, (1750 - 1772).

  PAIX. La guerre est un fruit de la dépravation des hommes : c'est une maladie convulsive et violente du corps politique, il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel que lorsqu'il jouit de la paix ; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l'ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l'agriculture et le commerce : en un mot elle procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les états ; elle y fait le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit ; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce ; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir. 

Texte C - Voltaire, «Guerre«, Dictionnaire philosophique, 1764.

    Un généalogiste prouve à un prince qu'il descend en droite ligne d'un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d'apoplexie : le prince et son conseil concluent sans difficulté que cette province lui appartient de droit divin. Cette province, qui est à quelques centaines de lieues de lui, a beau protester qu'elle ne le connaît pas, qu'elle n'a nulle envie d'être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement : ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable. Il trouve incontinent un grand nombre d'hommes qui n'ont rien à perdre ; il les habille d'un gros drap bleu à cent dix sous l'aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et marche à la gloire. Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n'en traînèrent à leur suite.   Des peuples assez éloignés entendent dire qu'on va se battre, et qu'il y a cinq à six sous par jour à gagner pour eux s'ils veulent être de la partie : ils se divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer.   Ces multitudes s'acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s'agit.   Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, s'unissant et s'attaquant tour à tour ; toutes d'accord en seul point, celui de faire tout le mal possible.   Le merveilleux de cette entreprise infernale, c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain.

Texte D - Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, 1935.

[La scène se passe dans l'Antiquité. Les Grecs assiègent la ville de Troie. Des négociations sont encore possibles pour éviter l'assaut et la guerre. Andromaque, belle-fille du roi de Troie, Priam, et épouse d'Hector, lutte de toutes ses forces contre l'idée même de la guerre.]

ANDROMAQUE - Mon père, je vous en supplie. Si vous avez cette amitié pour les femmes, écoutez ce que toutes les femmes du monde vous disent par ma voix. Laissez-nous nos maris comme ils sont. Pour qu'ils gardent leur agilité et leur courage, les dieux ont créé autour d'eux tant d'entraîneurs vivants ou non vivants ! Quand ce ne serait que l'orage ! Quand ce ne serait que les bêtes ! Aussi longtemps qu'il y aura des loups, des éléphants, des onces, l'homme aura mieux que l'homme comme émule et comme adversaire. Tous ces grands oiseaux qui volent autour de nous, ces lièvres dont nous les femmes confondons le poil avec les bruyères, sont de plus sûrs garants de la vue perçante de nos maris que l'autre cible, que le cœur de l'ennemi emprisonné dans sa cuirasse. Chaque fois que j'ai vu tuer un cerf ou un aigle, je l'ai remercié. Je savais qu'il mourait pour Hector. Pourquoi voulez-vous que je doive Hector à la mort d'autres hommes ? PRIAM - Je ne veux pas, ma petite chérie. Mais savez-vous pourquoi vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C'est parce que vos maris et vos pères et vos aïeux furent des guerriers. S'ils avaient été paresseux aux armes, s'ils n'avaient pas su que cette occupation terne et stupide qu'est la vie se justifie soudain et s'illumine par le mépris que les hommes ont d'elle, c'est vous qui seriez lâches et réclameriez la guerre. Il n'y a pas deux façons de se rendre immortel ici-bas, c'est d'oublier qu'on est mortel. ANDROMAQUE - Oh ! justement, Père, vous le savez bien ! Ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir courbé la tête, ou s'être agenouillé au moins une fois devant le danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les perdant tous les deux ? PRIAM - Ma fille, la première lâcheté est la première ride d'un peuple.

 

I - APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES, VOUS RÉPONDREZ D'ABORD A LA QUESTION SUIVANTE.   (4 points)

Ces quatre textes dénoncent la guerre. Vous analyserez les différents procédés littéraires utilisés à cette fin.

Il -  VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)

  • Dissertation : Les textes littéraires et les formes d'argumentation souvent complexes qu'ils proposent vous paraissent-ils être un moyen efficace de convaincre et persuader ?
  • Commentaire : Vous commenterez le texte de Voltaire (texte C)
  • Écriture d’invention : Dans l'extrait de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Andromaque expose le point de vue des femmes et les raisons pour lesquelles elles condamnent la guerre. Ecrivez un dialogue théâtral dans lequel Hector, l'époux d'Andromaque, expose le point de vue des hommes et les raisons pour lesquelles lui aussi condamne la guerre. Il s'adresse à son père Priam en présence d'Andromaque ... [Ces deux personnages interviendront nécessairement dans la scène théâtrale].

Sujet 2 :

 

Objet d'étude : Le théâtre. Textes :  Texte A - Molière, Le Bourgeois gentilhomme , 1670 (II,4) Texte B - E. Ionesco : La Leçon, 1951 (extrait) Texte C - G. Feydeau : On purge bébé, 1910 (extrait).

Texte A - Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, Acte II, scène 4, 1670.

Monsieur Jourdain est un bourgeois enrichi qui rêve d'imiter la noblesse de la cour du roi. Il prend toutes sortes de leçons.

MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Que voulez-vous donc que je vous apprenne ? MONSIEUR JOURDAIN. - Apprenez-moi l'orthographe. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Très volontiers. MONSIEUR JOURDAIN. - Après, vous m'apprendrez l'almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a point. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l'ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j'ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu'elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu'elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les différentes articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U. MONSIEUR JOURDAIN. - J'entends tout cela. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A. MONSIEUR JOURDAIN. - A, A. Oui. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix E se forme en rapprochant la mâchoire d'en bas de celle d'en haut : A, E. MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela est beau ! MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l'une de l'autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I. MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science ! MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix O se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas : O. MONSIEUR JOURDAIN. - O, O. Il n'y a rien de plus juste. A, E, I, O, I, O. Cela est admirable! I, O, I, O. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - L'ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un O. MONSIEUR JOURDAIN. - O, O, O. Vous avez raison, O. Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose ! MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix U se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l'une de l'autre sans les joindre tout à fait : U. MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Il n'y a rien de plus véritable : U. MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Vos deux lèvres s'allongent comme si vous faisiez la moue : d'où vient que si vous la voulez faire à quelqu'un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que : U. MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Cela est vrai. Ah ! que n'ai-je étudié plus tôt, pour savoir tout cela ? MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Demain, nous verrons les autres lettres, qui sont les consonnes.

Texte B - Eugène Ionesco, La Leçon, 1951.

[Dans La Leçon (1951), Eugène Ionesco met en scène un professeur qui tente d'enseigner son savoir à une jeune élève. Très patient et doux au début, il perd peu à peu son calme.]

LE PROFESSEUR - Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort... L'ELEVE - Oh ! Oui, Monsieur, jusqu'à l'heure de ma mort... Oui, Monsieur... LE PROFESSEUR - ...et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n'est en somme qu'un langage, ce qui implique nécessairement qu'elle se compose de sons, ou... L'ELEVE - Phonèmes... LE PROFESSEUR - J'allais vous le dire. N'étalez donc pas votre savoir. Ecoutez, plutôt. L'ELEVE - Bien, Monsieur. Oui, Monsieur. LE PROFESSEUR - Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailes pour qu'ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsque vous vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, de lever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez, ainsi, vous voyez... L'ELEVE - Oui, Monsieur. LE PROFESSEUR - Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez pas... Et d'émettre les sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordes vocales. Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka", "Trafalgar", "papi, papa". De cette façon, les sons remplis d'un air chaud plus léger que l'air environnant voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des sonorités. Si vous émettez plusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s'agripperont les uns aux autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases, c'est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages purement irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capables de se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours par succomber, s'écrouler... L'ELEVE - ... dans les oreilles des sourds. LE PROFESSEUR - C'est ça, mais n'interrompez pas... et dans la pire confusion...Ou par crever comme des ballons. Ainsi donc, Mademoiselle...(L'Elève a soudain l'air de souffrir). Qu'avez-vous donc ? L'ELEVE - J'ai mal aux dents, Monsieur. LE PROFESSEUR - Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons... L'ELEVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus. - Oui, Monsieur. LE PROFESSEUR - J'attire au passage votre attention sur les consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f deviennent en ce cas des v, les d des t, les g des k et vice versa, comme dans les exemples que je vous signale : "trois heures, les enfants, le coq au vin, l'âge nouveau, voici la nuit". L'ELEVE - J'ai mal aux dents. LE PROFESSEUR - Continuons. L'ELEVE - Oui.

Texte C - Georges Feydeau, On purge bébé, 1910.

Rose est femme de ménage chez les Follavoine.

FOLLAVOINE - Au fait, dites donc, vous ...! ROSE - Monsieur ? FOLLAVOINE - Par hasard, les ... les Hébrides1 ... ? ROSE, qui ne comprend pas - Comment ? FOLLAVOINE - Les Hébrides ? ... Vous ne savez pas où c'est ? ROSE, ahurie - Les Hébrides ? FOLLAVOINE - Oui. ROSE - Ah ! non ! ... non ! (Comme pour se justifier). C'est pas moi qui range ici ! ... C'est Madame. FOLLAVOINE, se redressant en fermant son dictionnaire sur son index de façon à ne pas perdre la page - Quoi ! quoi, "qui range" ! Les Hébrides ! ... des îles ! bougre d'ignare2 ! ... de la terre entourée d'eau ... vous ne savez pas ce que c'est ? ROSE, ouvrant de grands yeux - De la terre entourée d'eau ? FOLLAVOINE - Oui ! de la terre entourée d'eau, comment ça s'appelle ? ROSE - De la boue ? FOLLAVOINE, haussant les épaules - Mais non, pas de la boue ! C'est de la boue quand il n'y a pas beaucoup de terre et pas beaucoup d'eau ; mais quand il y a beaucoup de terre et beaucoup d'eau, ça s'appelle des îles ! ROSE, abrutie - Ah ? FOLLAVOINE - Eh ! bien, les Hébrides, c'est ça ! c'est des îles ! par conséquent, c'est pas dans l'appartement. ROSE, voulant avoir compris - Ah ! oui ! ... c'est dehors ! FOLLAVOINE, haussant les épaules - Naturellement ! ... c'est dehors ! ROSE - Ah ! ben, non ! non, je les ai pas vues. FOLLAVOINE, quittant son bureau et poussant familièrement Rose vers la porte. - Oui, bon, merci, ça va bien ! ROSE, comme pour se justifier. - Y a pas longtemps que je suis à Paris, n'est-ce pas ? FOLLAVOINE - Oui ! ... oui, oui ! ROSE - Et je sors si peu ! FOLLAVOINE - Oui ! ça va bien ! Allez ! ... Allez retrouver Madame. ROSE - Oui, Monsieur ! (Elle sort). FOLLAVOINE - Elle ne sait rien, cette fille ! rien ! qu'est-ce qu'on lui a appris à l'école ? "C'est pas elle qui a rangé les Hébrides" ! Je te crois, parbleu ! (Se replongeant dans son dictionnaire). "Z'Hébrides ... Z'Hébrides ...". C'est extraordinaire ! je trouve zèbre, zébré, zébrure, zébu ! ... Mais les Z'Hébrides, pas plus que dans mon œil ! Si ça y était, ce serait entre zébré et zébrure. On ne trouve rien dans ce dictionnaire !

1. Les Hébrides sont des îles situées à l'ouest de l'Ecosse. 2. Bougre d'ignare : ignorante.

I - APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES, VOUS RÉPONDREZ D'ABORD AUX QUESTIONS SUIVANTES.   (6 points)

1) Comparez les relations entre les personnages mis en scène dans ces extraits. 2) Qu'est-ce qui rend ces trois textes comiques ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur des éléments précis.

Il -  VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS SUIVANTS AU CHOIX. (14 points)

  • Commentaire : Vous commenterez l'extrait de La Leçon d'Eugène Ionesco à partir du parcours de lecture suivant : a) Expliquez en quoi le professeur est un personnage ridicule. b) Montrez que cette scène n'est pas seulement comique mais qu'elle comporte aussi un aspect inquiétant.
  • Dissertation : Les aspects comiques d'une pièce de théâtre (texte et représentation) ne servent-ils qu'à faire rire ? Vous vous appuierez pour répondre à cette question sur les textes du corpus ainsi que sur les pièces que vous aurez lues ou dont vous aurez vu une représentation.
  • Écriture d’invention : Vous écrirez un dialogue de comédie dans lequel un Monsieur Jourdain contemporain se vante devant un ami d'un savoir récemment acquis. Vous pourrez utiliser certains procédés comiques présents dans les textes du corpus. Vous veillerez à employer un niveau de langue approprié aux personnages et à la situation.

 

Sujet 3 :

 Objet d'étude : Réécritures. Textes : Texte A - Madame de Staël, Corinne ou l'Italie, Livre X, chapitre IV, 1807 Texte B - Chateaubriand, Lettre à Julie Récamier, 1829 (texte cité par Jean d'Ormesson dans Mon dernier rêve sera pour vous, 1998). Texte C - Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, III, 1848-1850. Texte D - Annexe : Gérard Genette, « La littérature au second degré « , Palimpsestes, 1982.

Texte A - Madame de Staël, Corinne ou l'Italie, 1807.

[A Rome, Oswald fait la connaissance de Corinne. Ils visitent ensemble la ville et se rendent, au moment de la Semaine Sainte, à la chapelle Sixtine pour y entendre le Miserere1 d'Allegri.]

  Oswald se rendit à la chapelle Sixtine pour entendre le fameux Miserere vanté dans toute l'Europe. Il arriva de jour encore, et vit ces peintures célèbres de Michel-Ange, qui représentent le jugement dernier, avec toute la force effrayante de ce sujet, et du talent qui l'a traité. Michel-Ange s'était pénétré de la lecture du Dante; et le peintre comme le poète représente des êtres mythologiques en présence de Jésus-Christ; mais il fait presque toujours du paganisme le mauvais principe, et c'est sous la forme des démons qu'il caractérise les fables païennes. On aperçoit sur la voûte de la chapelle les Prophètes et les Sibylles appelés en témoignage par les chrétiens; une foule d'anges les entourent, et toute cette voûte ainsi peinte semble rapprocher le ciel de nous; mais ce ciel est sombre et redoutable; le jour perce à peine à travers les vitraux qui jettent sur les tableaux plutôt des ombres que des lumières; l'obscurité agrandit encore les figures déjà si imposantes que Michel-Ange a tracées; l'encens, dont le parfum a quelque chose de funéraire, remplit l'air dans cette enceinte, et toutes les sensations préparent à la plus profonde de toutes, celle que la musique doit produire. Pendant qu'Oswald était absorbé par les réflexions que faisaient naître tous les objets qui l'environnaient, il vit entrer dans la tribune des femmes, derrière la grille qui les sépare des hommes, Corinne qu'il n'espérait pas encore, Corinne vêtue de noir, toute pâle de l'abstinence, et si tremblante dès qu'elle aperçut Oswald, qu'elle fut obligée de s'appuyer sur la balustrade pour avancer : en ce moment, le miserere commença. Les voix, parfaitement exercées à ce chant antique et pur, partent d'une tribune au commencement de la voûte; on ne voit point ceux qui chantent; la musique semble planer dans les airs; à chaque instant la chute du jour rend la chapelle plus sombre. [...] C'était une musique toute religieuse qui conseillait le renoncement à la terre. Corinne se jeta à genoux devant la grille et resta plongée dans la plus profonde méditation; Oswald lui-même disparut à ses yeux. II lui semblait que c'était dans un tel moment d'exaltation qu'on aimerait à mourir, si la séparation de l'âme d'avec le corps ne s'accomplissait point par la douleur; si tout à coup un ange venait enlever sur ses ailes le sentiment et la pensée, étincelles divines qui retourneraient vers leur source : la mort ne serait pour ainsi dire alors qu'un acte spontané du cœur, qu'une prière plus ardente et mieux exaucée. Le miserere, c'est-à-dire ayez pitié de nous, est un psaume composé de versets qui se chantent alternativement d'une manière très différente. Tour à tour une musique céleste se fait entendre, et le verset suivant, dit en récitatif, est murmuré d'un ton sourd et presque rauque; on dirait que c'est la réponse des caractères durs aux cœurs sensibles, que c'est le réel de la vie qui vient flétrir et repousser les vœux des âmes généreuses; et quand ce chœur si doux reprend, on renaît à l'espérance; mais lorsque le verset récité recommence, une sensation de froid saisit de nouveau; ce n'est pas la terreur qui la cause, mais le découragement de l'enthousiasme. Enfin le dernier morceau, plus noble et plus touchant encore que tous les autres, laisse au fond de l'âme une impression douce et pure : Dieu nous accorde cette même impression avant de mourir. On éteint les flambeaux; la nuit s'avance; les figures des Prophètes et des Sibylles apparaissent comme des fantômes enveloppés du crépuscule. Le silence est profond, la parole ferait un mal insupportable dans cet état de l'âme où tout est intime et intérieur; et quand le dernier son s'éteint, chacun s'en va lentement et sans bruit; chacun semble craindre de rentrer dans les intérêts vulgaires de ce monde.

1. Miserere : pièce de musique chantée d'inspiration religieuse.

Texte B - Chateaubriand, Lettre à Julie Récamier, 1829.

Rome, mercredi 15 avril 1829.

  Je commence cette lettre le mercredi saint au soir, au sortir de la chapelle Sixtine, après avoir assisté à Ténèbres1 et entendu chanter le Miserere. Je me souvenais que vous m'aviez parlé de cette belle cérémonie, et j'en étais, à cause de cela, cent fois plus touché. C'est vraiment incomparable. Cette clarté qui meurt par degrés, ces ombres qui enveloppent peu à peu les merveilles de Michel-Ange; tous ces cardinaux à genoux; ce nouveau pape prosterné lui-même au pied de l'autel où, quelques jours avant, j'avais vu son prédécesseur; cet admirable chant de souffrance et de miséricorde s'élevant par intervalles dans le silence et la nuit; l'idée d'un Dieu mourant sur la croix pour expier les crimes et les faiblesses des hommes, Rome et tous ses souvenirs sous la voûte du Vatican. Que n'étiez-vous là avec moi ! J'aime jusqu'à ces cierges dont la lumière étouffée laisse échapper une fumée blanche, image d'une vie subitement éteinte. C'est une belle chose que Rome pour tout oublier, pour mépriser tout et pour mourir. Au lieu de cela, le courrier demain m'apportera des lettres, des journaux, des inquiétudes. II faudra vous parler de politique. Quand aurai-je fini de mon avenir et quand n'aurai-je plus à faire dans le monde qu'à vous aimer et à vous consacrer mes derniers jours ?

1. Ténèbres : office du soir célébré pendant la Semaine sainte.

Texte C - Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, livre III, 1848-1850.

Mercredi saint, 15 avril.

  Je sors de la chapelle Sixtine, après avoir assisté à Ténèbres et entendu chanter le Miserere. Je me souvenais que vous m'aviez parlé de cette cérémonie et j'en étais, à cause de cela, cent fois plus touché. Le jour s'affaiblissait, les ombres envahissaient lentement les fresques de la chapelle et l'on n'apercevait plus que quelques grands traits du pinceau de Michel-Ange. Les cierges, tour à tour éteints, laissaient échapper de leur lumière étouffée une légère fumée blanche, image assez naturelle de la vie que l'Écriture compare à une petite vapeur. Les cardinaux étaient à genoux, le nouveau pape prosterné au même autel où quelques jours avant j'avais vu son prédécesseur; l'admirable prière de pénitence et de miséricorde, qui avait succédé aux lamentations du prophète, s'élevait par intervalles dans le silence et la nuit. On se sentait accablé sous le grand mystère d'un Dieu mourant pour effacer les crimes des hommes. La catholique héritière sur ses sept collines était là avec tous ses souvenirs; mais, au lieu de ces pontifes puissants, de ces cardinaux qui disputaient la préséance aux monarques, un pauvre vieux pape paralytique, sans famille et sans appui, des princes de l'Église sans éclat, annonçaient la fin d'une puissance qui civilisa le monde moderne. Les chefs-d'œuvre des arts disparaissaient avec elle, s'effaçaient sur les murs et sur les voûtes du Vatican, palais à demi abandonné. Des étrangers curieux, séparés de l'unité de l'Église, assistaient en passant à la cérémonie et remplaçaient la communauté des fidèles. Une double tristesse s'emparait du cœur. Rome chrétienne en commémorant l'agonie de Jésus-Christ avait l'air de célébrer la sienne, de redire pour la nouvelle Jérusalem les paroles que Jérémie1 adressait à l'ancienne. C'est une belle chose que Rome pour tout oublier, mépriser tout et mourir.

1. Jérémie : prophète biblique qui fut témoin de la chute de Jérusalem.

Texte D - Annexe : Gérard Genette, « La littérature au second degré «, Palimpsestes, 1982.

  Un palimpseste est un parchemin dont on a gratté la première inscription pour en tracer une autre, qui ne la cache pas tout à fait, en sorte qu'on peut y lire, par transparence, l'ancien sous le nouveau. On entendra donc, au figuré, par palimpsestes (plus littéralement : hypertextes), toutes les œuvres dérivées d'une œuvre antérieure, par transformation ou par imitation. De cette littérature au second degré, qui s'écrit en lisant, la place et l'action dans le champ littéraire sont généralement, et fâcheusement, méconnues. On entreprend ici d'explorer ce territoire. Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu'à la fin des textes. Celui-ci n'échappe pas à la règle : il l'expose et s'y expose. Lira bien qui lira le dernier.

 

I - APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES, VOUS RÉPONDREZ D'ABORD A LA QUESTION SUIVANTE.  (4 points)

Quels sont les éléments purement informatifs concernant le Miserere ?

Il -  VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)

  • Commentaire : Vous commenterez l'extrait des Mémoires d'outre-tombe.
  • Dissertation : En vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres que vous avez étudiées en classe et vos lectures personnelles, vous vous demanderez dans quelle mesure les œuvres littéraires ou artistiques sont des « œuvres dérivées d'une œuvre antérieure par transformation ou par imitation «. (Texte en annexe).
  • Invention : Vous avez assisté à un concert ou à un spectacle qui vous a profondément marqué. Vous en faites le compte rendu pour un journal local en insistant sur les circonstances de l'événement, sur son déroulement et sur l'effet qu'il a produit sur vous.

 

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