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Nuit de New York

Publié le 20/06/2012

Extrait du document

new york

 

Né à Brooklyn, Henry Miller passa toute sa jeunesse à New York

où il exerça divers métiers avant de gagner Paris avec seulement

quelques dollars en poche. C'est là, dans une misère transfigurée

par un formidable appétit de vie, que s'épanouit son talent de

narrateur. Largement autobiographiques, profondément enracinés

dans son expérience, mais l'amplifiant et l'approfondissant, bouffons,

obscènes, ses récits chaotiques décrivent avec un lyrisme

d'une sauvage violence le vide de la vie moderne, l'horreur fascinante

des grandes cités, la faillite du rêve américain.

new york

« NUIT DE NEW YORK 79 plus grande ville du monde et sentir qu'on ne lui appartient pas, que l'on est en dehors, -c'est devenir soi-même une ville, un monde de pierre morte, de lumière inutile, de mouvement inintelligible, d'impondérables et d'incalculables, le monde secret de la perfection de tout ce qui appartient au signe moins.

Marcher dans l'argent, au milieu de la foule nocturne, protégé par l'argent, bercé par l'argent, abruti par l'argent, la foule même devenant une forme d'argent, le souffle même, argent, le moindre objet isolé, ici.

là, n'importe où, partout, argent, argent, l'argent, et pas encore assez, et puis plus du tout d'argent ou un peu d'argent ou moins d'argent, plus d'argent.

mais l'argent, toujours l'argent, et que vous ayez de l'argent ou que vous n'en ayez pas, c'est l'argent qui compte et l'argent fait l'argent, mais qu'est-ce qui fait que l'argent fait l'argent? Et le dancing encore, le rythme de l'argent, l'amour radio­ phonique, le frôlement impersonnel de la foule qui rampe.

Un désespoir qui tombe, tombe et finit par atteindre la semelle même des souliers, un ennui, une désespérance.

Au cœur de la perfection machinale la plus parfaite qui soit, danser sans joie, se sentir si désespérément seul.

presque inhumain à force d'humanité.

S'il y avait trace de vie sur la lune, quelle meil­ leure preuve, presque parfaite dans son abseHce de joie, pour­ rait-on en fournir? Si s'éloigner du soleil à travers les espaces doit conduire à l'imbécillité frileuse de la lune, alors nous avons touché le but et la vie n'est que froideur, incandescence lunaire du soleil.

Ici, c'est la danse de vie, plus froide que glace, dans· le creux d'un atome; et plus on danse, plus froid il fait.

HENRY MILLER, Tropique du Capricorne.

trad.

Georges Belmont.

Éd.

du Chêne/Stock, 1972.. »

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