Nouvelles lettres d'un voyageur Parmi ces fantaisies du commencement du dernier
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
VII.
A MADAME ERNEST PÉRIGOIS[18]
Deux amoureux sont là guettant la fleur charmante:
Le papillon superbe et la bête rampante;
L'une qui souille tout dans son embrassement,
L'autre qui du pollen s'enivre follement.
Femmes, talents, beautés, contemplez votre image;
Toujours un ennemi s'abreuve de vos fleurs,
Soit qu'il dévore, abject, la tige et le feuillage,
Soit qu'il pille, imprudent, le parfum de vos coeurs!
Nohant, 30 mai 1856
[Note 18: Écrit sur son album, au-dessous d'un dessin d'Alexandre Manceau représentant une corbeille de
fleurs, un escargot et un papillon.]
VIII.
LES BOIS
Dieu! que ne suis-je assise à l'ombre des fortis!
Qui de vous, sans être dévoré de passions tragiques n'a soupiré, comme la Phèdre de Racine, après l'ombre et
le silence des bois? Ce vers, isolé de toute situation particulière, est comme un cri de l'âme qui aspire au repos
et à la liberté, ou plutôt à ce recueillement profond et mystérieux qu'on respire sous les grands arbres.
Malheureusement, ces monuments de la nature deviennent chaque jour plus rares devant les besoins de la
civilisation et les exigences de l'industrie.
Comme il se passera encore peut-être des siècles avant que les
besoins de la poésie et les exigences de l'art soient pris en considération par les sociétés, il est à présumer que
le progrès industriel détruira de plus en plus les plantes séculaires, ou qu'il ne donnera de longtemps à aucune
plante élevée le droit de vivre au delà de l'âge strictement nécessaire à son exploitation.
Déjà la forêt de
Fontainebleau a souffert de ces idées positives, et des provinces entières se sont dépouillées, à la même
époque, de leurs grands chênes et de leurs pins majestueux.
Nous savons tous, autour de nous, des endroits
regrettés où, dans notre jeunesse, nous avons délicieusement rêvé sous des arbres impénétrables au soleil et à
la pluie, et qui ne présentent plus que des sillons ensemencés ou d'humbles taillis.
Ce n'est pas seulement en France que ces magnifiques ornements de la terre ont disparu.
Dans nos voyages,
nous les avons toujours cherchés et nous sommes convaincus que sur les grandes étendues de pays ils
n'existent plus.
On fait très-bien des journées de marche en France, en Italie et en Espagne, sans rencontrer un
seul massif véritablement important, et, dans les forêts mêmes, il n'est presque plus de sanctuaires réservés au
développement complet de la vie végétale.
Un des plus beaux endroits de la terre serait le golfe de la Spezzia, sur la côte du Piémont, si les grands arbres
n'y manquaient absolument.
Montagnes gracieuses et fières, sol luxuriant de plantes basses, mouvements de
terrain pittoresques, couleur chaude et variée des terrains mêmes, crêtes neigeuses dans le ciel, horizons
maritimes merveilleusement encadrés, tout y est, excepté un seul arbre imposant.
La montagne et la vallée ne
demandent cependant qu'à en produire; mais, aussitôt qu'un pin vigoureux s'élance au-dessus des taillis jetés
en pente jusqu'au bord des flots, la marine s'en empare, et même le jeune arbre, à peine grandi, est condamné à
aller flotter sur le dos de la petite chaloupe côtière.
Si, de là, vous suivez l'Apennin jusqu'à Florence, et de Florence jusqu'à Rome, vous trouvez partout, au sein
d'une nature splendide de formes, sa plus belle parure, la haute végétation, absente par suite de l'aridité des Nouvelles lettres d'un voyageur
VII.
A MADAME ERNEST PÉRIGOIS[18] 68.
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