NICOLAS MACHIAVEL À FRANCESCO VETTORI (minute d'une lettre) Vous me demandez quel parti
Publié le 01/10/2013
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«
pour attaquer Gênes et Naples, ou partout ailleurs où ils trouve-
raient un avantage.
Les préparatifs dont je parle sont possibles
pour ces deux rois, ils sont indispensables à la victoire : je les
crois donc réels.
Et quoique vous ayez réservé pour votre der-
nière question celle de savoir si l'Angleterre se détacherait de la
France parce qu'elle la verrait mal volontiers s'agrandir en Italie,
je veux la discuter d'abord, parce que si l'Angleterre s'en déta-
chait toute la question serait tranchée.
Je crois que le motif pour lequel le roi d'Angleterre est allé
s'emplâtrer avec le roi de France est le désir de prendre sur
l'
Espagne la revanche des torts qu'elle lui a fait subir tandis qu'il
faisait la guerre à la France, ressentiment justifié et je ne vois
rien qui puisse venir de sitôt l'effacer ni éteindre l'amitié des
deux monarques.
Je ne me laisse pas ébranler par l'antique ini-
mitié entre Français et Anglais qui touche tant de gens, car les
peuples veulent ce que veulent leurs rois et non les rois ce que
veulent leurs peuples.
Quant à la possibilité qu'il prenne ombrage d'un agrandisse-
ment de la France en Italie, cela ne pourrait naître que de l'envie
ou de la crainte : de l'envie, si l'Angleterre ne pouvait acquérir
de gloire d'un autre côté et devait rester oisive ; mais elle peut
fort bien se couvrir de gloire en Espagne et toute cause de jalou-
sie s'évanouit ; quant à la crainte, sachez qu'on peut étendre ses
États sans devenir plus fort ; observez et constatez qu'en acqué-
rant des possessions en Italie la France agrandit il est vrai ses
États, mais, vis-à-vis de l'Angleterre, elle ne devient pas plus
forte, car elle peut attaquer cette île avec les moyens tout aussi
puissants, qu'elle possède ou non des États en Italie.
Quant
aux diversions auxquelles pourrait donner lieu la possession du
Milanais, elles sont à redouter surtout pour la France, obligée
de se maintenir dans un pays d'une fidélité douteuse, et qui n'a
pu, même à prix d'argent, détourner les Suisses de l'attaquer ;
ces derniers en effet, réellement attaqués par la France, devien-
draient des ennemis véritables, et non tels qu'ils se sont montrés
jusqu'à présent.
Comme d'un autre côté il pourrait se faire que
si la France acquérait le Milanais l'Angleterre renverse le gouver-.
»
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