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- Mille noms du diable !

Publié le 04/11/2013

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- Mille noms du diable ! qu'avez-vous donc à chuchoter ainsi ? s'écria Charles. Henri, répondez-moi, où êtes-vous ? - Me voici, Sire, dit la voix du roi de Navarre. - Diable ! dit Coconnas qui tenait la duchesse de Nevers dans un coin, voilà qui se complique. - Alors, nous sommes deux fois perdus, dit Henriette. Coconnas, brave jusqu'à l'imprudence, avait réfléchi qu'il fallait toujours finir par rallumer les bougies ; et pensant que le plus tôt serait le mieux, il quitta la main de adame de Nevers, ramassa au milieu des débris un chandelier, s'approcha du chauffe-doux {4} , et souffla sur un charbon qui enflamma aussitôt la mèche d'une bougie. La chambre s'éclaira. Charles IX eta autour de lui un regard interrogateur. Henri était près de sa femme ; la duchesse de Nevers était seule dans un coin ; et Coconnas, debout au milieu de la chambre, un chandelier à la main, éclairait toute la scène. - Excusez-nous, mon frère, dit Marguerite, nous ne vous attendions pas. - Aussi Votre Majesté, comme elle peut le voir, nous a fait une peur étrange ! dit Henriette. - Pour ma part, dit Henri qui devina tout, je crois que la peur a été si réelle qu'en me levant j'ai renversé la table. Coconnas jeta au roi de Navarre un regard qui voulait dire : « À la bonne heure ! voilà un mari qui entend à demi-mot. » - Quel affreux remue-ménage ! répéta Charles IX. Voilà ton souper renversé, Henriot. Viens avec moi, tu l'achèveras ailleurs ; je te débauche pour ce soir. - Comment, Sire ! dit Henri, Votre Majesté me ferait l'honneur ?... - Oui, Ma Majesté te fait l'honneur de t'emmener hors du Louvre. Prête-le moi, Margot, je te le ramènerai demain matin. - Ah ! mon frère ! dit Marguerite, vous n'avez pas besoin de ma permission pour cela, et vous êtes bien le maître. - Sire, dit Henri, je vais prendre chez moi un autre manteau, et je reviens à l'instant même. - Tu n'en as pas besoin, Henriot ; celui que tu as là est bon. - Mais, Sire..., essaya le Béarnais. - Je te dis de ne pas retourner chez toi, mille noms d'un diable ! n'entends tu pas ce que je te dis ? Allons, viens donc ! - Oui, oui, allez ! dit tout à coup Marguerite en serrant le bras de son mari, car un singulier regard de Charles venait de lui apprendre qu'il se passait quelque chose d'étrange. - Me voilà, Sire, dit Henri. Mais Charles ramena son regard sur Coconnas, qui continuait son office d'éclaireur en rallumant les autres bougies. - Quel est ce gentilhomme, demanda-t-il à Henri en toisant le Piémontais ; ne serait-ce point, par hasard, M. de La Mole ? - Qui lui a donc parlé de La Mole ? se demanda tout bas Marguerite. - Non, Sire, répondit Henri, M. de La Mole n'est point ici, et je le regrette, car j'aurais eu l'honneur de le présenter à Votre Majesté en même temps que M. de Coconnas, son ami ; ce sont deux inséparables, et tous deux appartiennent à M. d'Alençon. - Ah ! ah ! notre grand tireur ! dit Charles. Bon ! Puis en fronçant le sourcil : - Ce M. de La Mole, ajouta-t-il, n'est-il pas huguenot ? - Converti, Sire, dit Henri, et je réponds de lui comme de moi. - Quand vous répondrez de quelqu'un, Henriot, après ce que vous avez fait aujourd'hui, je n'ai plus le droit de douter de lui. Mais n'importe, j'aurais voulu le voir, ce M. de La Mole. Ce sera pour plus tard. En faisant de ses gros yeux une dernière perquisition dans la chambre, Charles embrassa Marguerite et emmena le roi de Navarre en le tenant par dessous le bras. À la porte du Louvre, Henri voulut s'arrêter pour parler à quelqu'un. - Allons, allons ! sors vite, Henriot, lui dit Charles. Quand je te dis que l'air du Louvre n'est pas bon pour toi ce soir, que diable ! crois-moi donc. - Ventre-saint-gris ! murmura Henri ; et de Mouy, que va-t-il devenir tout seul dans ma chambre ?... Pourvu que cet air qui n'est pas bon pour moi ne soit pas plus mauvais encore pour lui ! - Ah ça ! dit le roi lorsque Henri et lui eurent traversé le pont-levis, cela t'arrange donc, Henriot, que les gens de M. d'Alençon fassent la cour à ta femme ? - Comment cela, Sire ? - Oui, ce M. de Coconnas ne fait-il pas les doux yeux à Margot ? - Qui vous a dit cela ? - Dame ! reprit le roi, on me l'a dit. - Raillerie pure, Sire ; M. de Coconnas fait les doux yeux à quelqu'un, c'est vrai, mais c'est à madame de Nevers. - Ah bah ! - Je puis répondre à Votre Majesté de ce que je lui dis là. Charles se prit à rire aux éclats. - Eh bien, dit-il, que le duc de Guise vienne encore me faire des propos, et j'allongerai agréablement sa moustache en lui contant les exploits de sa belle-soeur. Après cela, dit le roi en se ravisant, je ne sais plus si c'est e M. de Coconnas ou de M. de La Mole qu'il m'a parlé. - Pas plus l'un que l'autre, Sire, dit Henri, et je vous réponds des sentiments de ma femme. - Bon ! Henriot, bon ! dit le roi ; j'aime mieux te voir ainsi qu'autrement ; et, sur mon honneur, tu es si brave arçon que je crois que je finirai par ne plus pouvoir me passer de toi. En disant ces mots, le roi se mit à siffler d'une façon particulière, et quatre gentilshommes qui attendaient au out de la rue de Beauvais le vinrent rejoindre, et tous ensemble s'enfoncèrent dans l'intérieur de la ville. Dix heures sonnaient. - Eh bien, dit Marguerite quand le roi et Henri furent partis, nous remettons nous à table ? - Non, ma foi ! dit la duchesse, j'ai eu trop peur. Vive la petite maison de la rue Cloche-Percée ! on n'y peut pas entrer sans en faire le siège, et nos braves ont le droit d'y jouer des épées. Mais que cherchez-vous sous les meubles et dans les armoires, monsieur de Coconnas ? - Je cherche mon ami La Mole, dit le Piémontais. - Cherchez du côté de ma chambre, monsieur, dit Marguerite, il y a là un certain cabinet... - Bon, dit Coconnas, j'y suis. Et il entra dans la chambre. - Eh bien, dit une voix dans les ténèbres, où en sommes-nous ? - Eh ! mordi ! nous en sommes au dessert. - Et le roi de Navarre ? - Il n'a rien vu ; c'est un mari parfait, et j'en souhaite un pareil à ma femme. Cependant je crains bien qu'elle ne l'ait jamais qu'en secondes noces. - Et le roi Charles ? - Ah ! le roi, c'est différent ; il a emmené le mari. - En vérité ? - C'est comme je te le dis. De plus, il m'a fait l'honneur de me regarder de côté quand il a su que j'étais à M. d'Alençon, et de travers quand il a su que j'étais ton ami. - Tu crois donc qu'on lui aura parlé de moi ? - J'ai peur, au contraire, qu'on ne lui en ait dit trop de bien. Mais ce n'est point de tout cela qu'il s'agit, je crois que ces dames ont un pèlerinage à faire du côté de la rue du Roi-de-Sicile, et que nous conduisons les pèlerines. - Mais, impossible ! ... Tu le sais bien. - Comment, impossible ? - Eh ! oui, nous sommes de service chez son Altesse Royale. - Mordi, c'est ma foi vrai ; j'oublie toujours que nous sommes en grade, et que de gentilshommes que nous étions nous avons eu l'honneur de passer valets. Et les deux amis allèrent exposer à la reine et à la duchesse la nécessité où ils étaient d'assister au moins au coucher de monsieur le duc. - C'est bien, dit madame de Nevers, nous partons de notre côté. - Et peut-on savoir où vous allez ? demanda Coconnas. - Oh ! vous êtes trop curieux, dit la duchesse. Quaere et invenies. Les deux jeunes gens saluèrent et montèrent en toute hâte chez M. d'Alençon. Le duc semblait les attendre dans son cabinet. - Ah ! ah ! dit-il, vous voilà bien tard, messieurs. - Dix heures à peine, Monseigneur, dit Coconnas. Le duc tira sa montre. - C'est vrai, dit-il. Tout le monde est couché au Louvre, cependant. - Oui, Monseigneur, mais nous voici à vos ordres. Faut-il introduire dans la chambre de Votre Altesse les gentilshommes du petit coucher ? - Au contraire, passez dans la petite salle et congédiez tout le monde. Les deux jeunes gens obéirent, exécutèrent l'ordre donné, qui n'étonna personne à cause du caractère bien onnu du duc, et revinrent près de lui. - Monseigneur, dit Coconnas, Votre Altesse va sans doute se mettre au lit ou travailler ? - Non, messieurs ; vous avez congé jusqu'à demain. - Allons, allons, dit tout bas Coconnas à l'oreille de La Mole, la cour découche ce soir, à ce qu'il paraît ; la nuit era friande en diable, prenons notre part de la nuit. Et les deux jeunes gens montèrent les escaliers quatre à quatre, prirent leurs manteaux et leurs épées de nuit, t s'élancèrent hors du Louvre à la poursuite des deux dames, qu'ils rejoignirent au coin de la rue du Coq-Saintonoré. Pendant ce temps, le duc d'Alençon, l'oeil ouvert, l'oreille au guet, attendait, enfermé dans sa chambre, les vénements imprévus qu'on lui avait promis.

« – Eh bien, dit-il, queleduc deGuise vienne encore mefaire despropos, etj’allongerai agréablement sa moustache enlui contant lesexploits desabelle-sœur.

Aprèscela,ditleroi enseravisant, jene sais plus sic’est de M. de Coconnas oudeM. de La Molequ’ilm’aparlé. – Pas plus l’unquel’autre, Sire,ditHenri, etjevous réponds dessentiments dema femme. – Bon !Henriot, bon!dit leroi ; j’aime mieux tevoir ainsi qu’autrement ; et,sur mon honneur, tuessibrave garçon quejecrois quejefinirai parneplus pouvoir mepasser detoi. En disant cesmots, leroi semit àsiffler d’unefaçonparticulière, etquatre gentilshommes quiattendaient au bout delarue deBeauvais levinrent rejoindre, ettous ensemble s’enfoncèrent dansl’intérieur delaville. Dix heures sonnaient. – Eh bien, ditMarguerite quandleroi etHenri furent partis, nousremettons nousàtable ? – Non, mafoi!dit laduchesse, j’aieutrop peur.

Vivelapetite maison delarue Cloche-Percée !on n’y peut pas entrer sansenfaire lesiège, etnos braves ontledroit d’yjouer desépées.

Maisquecherchez-vous sousles meubles etdans lesarmoires, monsieurdeCoconnas ? – Je cherche monamiLaMole, ditlePiémontais. – Cherchez ducôté dema chambre, monsieur, ditMarguerite, ilya là un certain cabinet… – Bon, ditCoconnas, j’ysuis.

Etilentra danslachambre. – Eh bien, ditune voix dans lesténèbres, oùensommes-nous ? – Eh !mordi !nous ensommes audessert. – Et leroi deNavarre ? – Il n’a rien vu ;c’est unmari parfait, etj’en souhaite unpareil àma femme.

Cependant jecrains bienqu’elle ne l’ait jamais qu’ensecondes noces. – Et leroi Charles ? – Ah !le roi, c’est différent ; ilaemmené lemari. – En vérité ? – C’est comme jete ledis.

Deplus, ilm’a faitl’honneur deme regarder decôté quand ilasu que j’étais à M. d’Alençon, etde travers quandilasu que j’étais tonami. – Tu crois donc qu’on luiaura parlé demoi ? – J’ai peur, aucontraire, qu’onnelui enait dit trop debien.

Maiscen’est point detout celaqu’il s’agit, je crois quecesdames ontunpèlerinage àfaire ducôté delarue duRoi-de-Sicile, etque nous conduisons les pèlerines.

–Mais, impossible !… Tu lesais bien. – Comment, impossible ? – Eh !oui, nous sommes deservice chezsonAltesse Royale. – Mordi, c’estmafoivrai ; j’oublie toujours quenous sommes engrade, etque degentilshommes quenous étions nousavons eul’honneur depasser valets. Et les deux amisallèrent exposer àla reine etàla duchesse lanécessité oùilsétaient d’assister aumoins au coucher demonsieur leduc. – C’est bien, ditmadame deNevers, nouspartons denotre côté. – Et peut-on savoiroùvous allez ? demanda Coconnas. – Oh !vous êtestrop curieux, ditladuchesse.

Quaere etinvenies.

Les deux jeunes genssaluèrent etmontèrent entoute hâtechez M. d’Alençon. Le duc semblait lesattendre danssoncabinet. – Ah !ah !dit-il, vousvoilà bientard, messieurs. – Dix heures àpeine, Monseigneur, ditCoconnas.

Leduc tirasamontre. – C’est vrai,dit-il.

Toutlemonde estcouché auLouvre, cependant. – Oui, Monseigneur, maisnous voiciàvos ordres.

Faut-ilintroduire danslachambre deVotre Altesse les gentilshommes dupetit coucher ? – Au contraire, passezdanslapetite salleetcongédiez toutlemonde. Les deux jeunes gensobéirent, exécutèrent l’ordredonné, quin’étonna personne àcause ducaractère bien connu duduc, etrevinrent prèsdelui. – Monseigneur, ditCoconnas, VotreAltesse vasans doute semettre aulitou travailler ? – Non, messieurs ; vousavezcongé jusqu’à demain. – Allons, allons,dittout basCoconnas àl’oreille deLa Mole, lacour découche cesoir, àce qu’il paraît ; lanuit sera friande endiable, prenons notrepartdelanuit. Et les deux jeunes gensmontèrent lesescaliers quatreàquatre, prirentleursmanteaux etleurs épées denuit, et s’élancèrent horsduLouvre àla poursuite desdeux dames, qu’ilsrejoignirent aucoin delarue duCoq-Saint- Honoré. Pendant cetemps, leduc d’Alençon, l’œilouvert, l’oreille auguet, attendait, enfermédanssachambre, les événements imprévusqu’onluiavait promis.. »

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