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Mille et un jours en prison a Berlin était empreinte: --Savez-vous la lugubre nouvelle?

Publié le 11/04/2014

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Mille et un jours en prison a Berlin était empreinte: --Savez-vous la lugubre nouvelle?... Richthofen est tombé! Richthofen, on s'en rappelle, était le fameux aviateur qui en était arrivé,--au compte de l'Allemagne du moins,--à sa 75ième victoire aérienne. --Oui, Richthofen est tombé! N'est-ce pas regrettable? Je n'hésitai pas un instant, et je lui rétorquai: --Nicht fur uns! --Comment pouvez-vous dire cela!... Un tel héros qui disparaît!... N'est-ce pas déplorable?... --Nicht fur uns... fut encore ma réponse. Je ne savais trop quelle impression produirait chez mon interlocuteur cette franchise avec laquelle j'exprimais mon opinion. --Pourquoi parlez-vous ainsi?... --Mais, je n'ai fait que marcher sur vos traces. Lorsque j'exprimai, un jour, mes regrets au sujet de la mort peu glorieuse de Lord Kitchener, qui eût certes mérité beaucoup mieux, vous m'avez répondu en vous servant de ces mêmes mots: "Nicht fur uns!" Aujourd'hui Richthofen est tombé, mais il est tombé dans l'arène où son génie lui avait fait un nom immortel. Il est sans doute regrettable pour l'Allemagne, je le conçois, qu'elle soit désormais privée de ses précieux services, mais vous ne pouvez pas vous attendre que les sujets des pays en guerre avec elle expriment leurs regrets au sujet de sa disparition. J'ignore dans quelle mesure mon officier apprécia la correction de mon attitude et la justesse de mes remarques, mais à l'instant même il me quitta... à la prussienne. J'eus, un jour, une discussion assez vive avec le capitaine Wolff, de la Kommandantur de Berlin. Cet officier était conseiller judiciaire de guerre, et occupait, à la Kommandantur, une position très haute et de beaucoup de responsabilité. Il était investi de pouvoirs considérables, et personne ne le sait mieux que ceux qui, contre leur gré, et malgré leurs protestations, furent détenus pendant des mois et des années à la prison de la rue Dirksen. Il visitait la prison ce jour-là, et il avait daigné m'entendre. C'est une façon de dire qu'il condescendait à répondre personnellement aux innombrables requêtes que j'avais adressées aux autorités depuis quelques mois. Périodiquement, j'entreprenais contre ces autorités ce que l'on pourrait appeler une offensive de liberté. Cette fois, je soumettais au capitaine Wolff,--parlant à sa personne,--que j'avais été arrêté en pays neutre, c'est-à-dire en Belgique; qu'aucun sujet étranger n'aurait dû être fait prisonnier en ce pays, du moins avant que les autorités militaires n'eussent donné à ces sujets étrangers l'occasion de sortir du territoire. --Mais la Belgique n'est pas, et n'était pas un pays neutre. --Je ne vous entends pas, lui dis-je. --La Belgique était devenue l'alliée de l'Angleterre contre l'Allemagne. --Je vous entends encore moins. Chapitre XXVIII. EN PENSANT A L'ALLEMAGNE 63 Mille et un jours en prison a Berlin --N'avez-vous pas lu les documents qui ont été extraits des archives de Bruxelles, documents officiels qui sont une confirmation irréfutable de ma prétention? En effet, la Gazette de l'Allemagne du Nord, journal semi-officiel, avait publié, au cours de l'hiver 1914-1915, une série de documents que l'on disait avoir été trouvés dans les archives de Bruxelles. Ces documents, qui ont dû être publiés dans tous les pays alliés, établissaient qu'une certaine convention avait eu lieu entre un attaché militaire anglais et un officier belge, au sujet d'un débarquement éventuel de troupes anglaises à Ostende. J'avais pris connaissance de tous ces documents, et j'avais aussi remarqué, en marge de l'un d'eux, une note écrite par l'expert militaire belge, et ainsi conçue:--"L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne." Cette note enlevait au document tout entier son caractère d'hostilité envers l'Allemagne. Après la publication de ces documents, des commentaires de source officielle avaient été publiés dans les journaux, et l'on disait entre autres choses que ces pièces, découvertes dans les archives belges, étaient connues des autorités compétentes en Allemagne, avant la déclaration de la guerre. Je posai donc à M. Wolff la question suivante: --N'est-il pas vrai que tous ces documents auxquels vous faites allusion étaient connus des autorités compétentes en Allemagne, avant la guerre?... --Oui, dit-il. --Alors, comment se fait-il que le chancelier impérial, M. Von Bethman-Hollweg, ait pu faire, le 4 août 1914, la déclaration suivante au Reichstag: "Les troupes allemandes, au moment où je porte la parole devant vous, ont peut-être franchi la frontière de Belgique et envahi son territoire. Il faut le reconnaître, c'est là une violation du droit des gens et des traités internationaux. Mais l'Allemagne se propose et prend l'engagement de réparer tous les dommages causés à la Belgique aussitôt que les projets militaires qu'elle a en vue auront été réalisés." On ne se fait pas d'idée de l'embarras où se trouva cet officier. Il essaya de balbutier quelques mots en guise d'explications:--"Il y a aussi, dit-il, que la Belgique a péremptoirement, refusé de nous laisser passer." Les termes et le ton de cette explication indiquaient suffisamment que le capitaine Wolff capitulait. On a beaucoup critiqué, dans les journaux pangermanistes surtout, cette attitude de Bethman-Hollweg au Reichstag. On disait qu'une telle déclaration était suffisante pour justifier sa destitution dès le lendemain. Chapitre XXIX. D'AUTRES RÉMINISCENCES Durant les années 1916, 1917 et la première partie de l'année 1918, l'Allemagne possédait un dieu et une idole: le dieu, c'était l'empereur Guillaume, et l'idole, Hindenburg. On se rappelle que Hindenburg était un général en retraite qui menait une vie paisible à Hanover, lorsque l'empereur le tira de sa vie relativement obscure pour lui donner le commandement des forces allemandes en Prusse orientale. Les Russes occupaient à cette époque une partie des provinces prussiennes de la Baltique. L'empereur, en examinant les thèses faites par les différents généraux allemands, avait découvert que Hindenburg, un quart de siècle auparavant, avait traité, dans la sienne, de l'invasion de la Prusse orientale. Il Chapitre XXIX. D'AUTRES RÉMINISCENCES 64
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« —N'avez-vous pas lu les documents qui ont été extraits des archives de Bruxelles, documents officiels qui sont une confirmation irréfutable de ma prétention? En effet, la Gazette de l'Allemagne du Nord, journal semi-officiel, avait publié, au cours de l'hiver 1914-1915, une série de documents que l'on disait avoir été trouvés dans les archives de Bruxelles.

Ces documents, qui ont dû être publiés dans tous les pays alliés, établissaient qu'une certaine convention avait eu lieu entre un attaché militaire anglais et un officier belge, au sujet d'un débarquement éventuel de troupes anglaises à Ostende. J'avais pris connaissance de tous ces documents, et j'avais aussi remarqué, en marge de l'un d'eux, une note écrite par l'expert militaire belge, et ainsi conçue:—“L'entrée des Anglais en Belgique ne se ferait qu'après la violation de notre neutralité par l'Allemagne.” Cette note enlevait au document tout entier son caractère d'hostilité envers l'Allemagne. Après la publication de ces documents, des commentaires de source officielle avaient été publiés dans les journaux, et l'on disait entre autres choses que ces pièces, découvertes dans les archives belges, étaient connues des autorités compétentes en Allemagne, avant la déclaration de la guerre. Je posai donc à M.

Wolff la question suivante: —N'est-il pas vrai que tous ces documents auxquels vous faites allusion étaient connus des autorités compétentes en Allemagne, avant la guerre?... —Oui, dit-il. —Alors, comment se fait-il que le chancelier impérial, M.

Von Bethman-Hollweg, ait pu faire, le 4 août 1914, la déclaration suivante au Reichstag: “Les troupes allemandes, au moment où je porte la parole devant vous, ont peut-être franchi la frontière de Belgique et envahi son territoire.

Il faut le reconnaître, c'est là une violation du droit des gens et des traités internationaux.

Mais l'Allemagne se propose et prend l'engagement de réparer tous les dommages causés à la Belgique aussitôt que les projets militaires qu'elle a en vue auront été réalisés.” On ne se fait pas d'idée de l'embarras où se trouva cet officier.

Il essaya de balbutier quelques mots en guise d'explications:—“Il y a aussi, dit-il, que la Belgique a péremptoirement, refusé de nous laisser passer.” Les termes et le ton de cette explication indiquaient suffisamment que le capitaine Wolff capitulait. On a beaucoup critiqué, dans les journaux pangermanistes surtout, cette attitude de Bethman-Hollweg au Reichstag.

On disait qu'une telle déclaration était suffisante pour justifier sa destitution dès le lendemain. Chapitre XXIX.

D'AUTRES RÉMINISCENCES Durant les années 1916, 1917 et la première partie de l'année 1918, l'Allemagne possédait un dieu et une idole: le dieu, c'était l'empereur Guillaume, et l'idole, Hindenburg. On se rappelle que Hindenburg était un général en retraite qui menait une vie paisible à Hanover, lorsque l'empereur le tira de sa vie relativement obscure pour lui donner le commandement des forces allemandes en Prusse orientale.

Les Russes occupaient à cette époque une partie des provinces prussiennes de la Baltique. L'empereur, en examinant les thèses faites par les différents généraux allemands, avait découvert que Hindenburg, un quart de siècle auparavant, avait traité, dans la sienne, de l'invasion de la Prusse orientale.

Il Mille et un jours en prison a Berlin Chapitre XXIX.

D'AUTRES RÉMINISCENCES 64. »

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