Michel Strogoff Michel Strogoff allait être aveuglé suivant la coutume tartare, avec une lame ardente, passée devant ses yeux!
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Celui-ci, aveugle, ne savait qui le déliait, car Nadia n'avait pas prononcé une parole.
Mais cela fait:
«Frère! dit-elle.
Nadia! murmura Michel Strogoff, Nadia!
Viens! frère, répondit Nadia.
Mes yeux seront tes yeux désormais, et c'est moi qui te conduirai à Irkoutsk!»
CHAPITRE VI.
UN AMI DE GRANDE ROUTE.
Une demi-heure après, Michel Strogoff et Nadia avaient quitté Tomsk.
Un certain nombre de prisonniers, cette nuit-là, purent aussi échapper aux Tartares, car officiers ou soldats,
tous plus ou moins abrutis, s'étaient, inconsciemment relâchés de la surveillance sévère qu'ils avaient
maintenue jusqu'alors, soit au camp de Zabédiero, soit pendant la marche des convois.
Nadia, après avoir été
emmenée tout d'abord avec les autres prisonniers, avait donc pu fuir et revenir au plateau, au moment où
Michel Strogoff était conduit devant l'émir.
La, mêlée à la foule, elle avait tout vu.
Pas un cri ne lui échappa lorsque la lame, chauffée à blanc, passa
devant les yeux de son compagnon.
Elle eut la force de rester immobile et muette.
Une providentielle
inspiration lui dit de se réserver, libre encore, pour guider le fils de Marfa Strogoff au but qu'il avait juré
d'atteindre.
Son coeur, un moment, cessa de battre, lorsque la vieille Sibérienne tomba inanimée, mais une
pensée lui rendit toute son énergie.
«Je serai le chien de l'aveugle!» se dit-elle.
Après le départ d'Ivan Ogareff, Nadia s'était dissimulée dans l'ombre.
Elle avait attendu que la foule eût quitté
le plateau.
Michel Strogoff, abandonné comme un misérable être dont on ne doit plus rien craindre, était seul.
Elle le vit se traîner jusqu'à sa mère, se courber sur elle, la baiser au front, puis se relever, tâtonner pour fuir...
Quelques instants plus tard, elle et lui, la main dans la main, avaient descendu le talus escarpé, et, après avoir
suivi les berges du Tom jusqu'à l'extrémité de la ville, ils franchissaient heureusement une brèche de
l'enceinte.
La route d'Irkoutsk était la seule qui s'enfonçât dans l'est, il n'y avait pas à se tromper.
Nadia entraîna
rapidement Michel Strogoff.
Il était possible que dès le lendemain, après quelques heures d'orgie, les
éclaireurs de l'émir, se jetant de nouveau sur la steppe, coupassent toute communication.
Il importait donc de
les devancer, d'atteindre avant eux Krasnoiarsk, que cinq cents verstes (533 kilomètres) séparaient de Tomsk,
enfin de ne quitter que le plus tard possible la grande route.
Se lancer hors du chemin tracé, c'était l'incertain,
l'inconnu, c'était la mort à bref délai.
Comment Nadia put-elle supporter les fatigues de cette nuit du 16 au 17 août? Comment trouva-t-elle la
force physique nécessaire à fournir une si longue étape? Comment ses pieds, saignant d'une marche forcée,
purent-ils la porter jusque-là? c'est presque incompréhensible.
Mais il n'en est pas moins vrai que le
lendemain matin, douze heures après leur départ de Tomsk, Michel Strogoff et elle atteignaient le bourg de
Sémilowskoë, après une course de cinquante verstes.
Michel Strogoff n'avait pas prononcé une seule parole.
Ce n'était pas Nadia qui tenait sa main, ce fut lui qui
tint celle de sa compagne pendant toute cette nuit; mais, grâce à cette main qui le guidait rien que par ses Michel Strogoff
CHAPITRE VI.
UN AMI DE GRANDE ROUTE.
142.
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