Michel Strogoff Mais, en cet instant, plusieurs centaines d'esclaves, portant des torches enflammées, envahirent la place.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
Peu désireux d'assister au supplice réservé à cet infortuné, ils rentrèrent donc dans la ville.
Une heure plus tard, ils couraient sur la route d'Irkoutsk, et c'était parmi les Russes qu'ils allaient tenter de
suivre ce qu'Alcide Jolivet appelait par anticipation «la campagne de la revanche».
Cependant, Michel Strogoff était debout, ayant le regard hautain pour l'émir, méprisant pour Ivan Ogareff.
Il
s'attendait à mourir, et, cependant, on eût vainement cherché en lui un symptôme de faiblesse.
Les spectateurs, restés aux abords de la place, ainsi que l'état-major de Féofar-Khan, pour lesquels ce
supplice n'était qu'un attrait de plus, attendaient que l'exécution fût accomplie.
Puis, sa curiosité assouvie,
toute cette horde sauvage irait se plonger dans l'ivresse.
L'émir fit un geste.
Michel Strogoff, poussé par les gardes, s'approcha de la terrasse, et alors, dans cette langue
tartare qu'il comprenait, Féofar lui dit:
«Tu es venu pour voir, espion des Russes.
Tu as vu pour la dernière fois.
Dans un instant, tes yeux seront à
jamais fermés à la lumière!»
Ce n'était pas de mort, mais de cécité, qu'allait être frappé Michel Strogoff.
Perte de la vue, plus terrible
peut-être que la perte de la vie! La malheureux était condamné à être aveuglé.
Cependant, en entendant la peine prononcée par l'émir, Michel Strogoff ne faiblit pas.
Il demeura impassible,
les yeux grands ouverts, comme s'il eût voulu concentrer toute sa vie dans un dernier regard.
Supplier ces
hommes féroces, c'était inutile, et, d'ailleurs, indigne de lui.
Il n'y songea même pas.
Toute sa pensée se
condensa sur sa mission irrévocablement manquée, sur sa mère, sur Nadia, qu'il ne reverrait plus! Mais il ne
laissa rien paraîtra de l'émotion qu'il ressentait.
Puis, le sentiment d'une vengeance à accomplir quand même envahit tout son être.
Il se retourna vers Ivan
Ogareff.
«Ivan, dit-il d'une voix menaçante, Ivan le traître, la dernière menace de mes yeux sera pour toi!»
Ivan Ogareff haussa les épaules.
Mais Michel Strogoff se trompait.
Ce n'était pas en regardant Ivan Ogareff que ses yeux allaient pour jamais
s'éteindre.
Marfa Strogoff venait de se dresser devant lui.
«Ma mère! s'écria-t-il.
Oui! oui! à toi mon suprême regard, et non à ce misérable! Reste là, devant moi! Que
je voie encore ta figure bien-aimée! Que mes yeux se ferment en te regardant!....»
La vieille Sibérienne, sans prononcer une parole, s'avançait....
«Chassez cette femme!» dit Ivan Ogareff.
Deux soldats repoussèrent Marfa Strogoff.
Elle recula, mais resta debout, a quelques pas de son fils.
L'exécuteur parut.
Cette fois, il tenait son sabre nu à la main, et ce sabre, chauffé à blanc, il venait de le retirer
du réchaud où brûlaient les charbons parfumés.
Michel Strogoff
CHAPITRE V.
REGARDE DE TOUS TES YEUX, REGARDE! 140.
»
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