Michel BOUTRON, La grande fête du sport, Éditions A. Bonne
Publié le 21/06/2012
Extrait du document
C'est par le corps, c'est par la tête, que l'on parvient à l'âme et qu'on
y retourne. L'acte sportif qui, apparemment, appartient à la matière
n'est pas qu'un jeu bien organisé des muscles, des réflexes ; il prend
sa source bien au-delà de la matière, il prend sa source à la source.
L'obstination quasi machinale du coureur du Tour de France n'est pas
que le fait brut de l'homme en proie à la fatigue, à l'épuisement, tout
au long de l'harassante montée du Tourmalet ; elle ne représente pas
seulement la simple volonté de se hisser le premier au sommet de
l'Aubisque ou du Galibier, cette obstination relève d'un besoin de grandeur.
Le coureur ne se surpasse pas seulement pour la gloire ou la gloriole,
pour sa femme ou ses deux gosses qui suivent ses exploits, l'oreille
rivée au transistor, pour assurer le gagne-pain du foyer, il veut plus,
il aime pouvoir posséder de lui-même une image flatteuse, une image
dont il peut tirer une juste fierté. L'épreuve est pour lui son temps de
vérité, c'est par l'épreuve que, pris dans le sens donné par le photographe,
il se développe et se révèle.
«
RÉSUMÉ.
QUESTIONS DE VOCABULAIRE.
DISCUSSION.
qu'il croyait ; sa machine lui a obéi diligemment parce qu'il a su la
mettre à sa dévotion, il lui a donné l'exemple en lui insufflant sa force,
et elle
l'a alors multipliée.
Combat pour rien, pourra-t-on objecter, combat sans but véritable.
Voilà qui semble vite dit et mérite sans doute une halte de réflexion.
Au sport, en général, on peut accoler le titre de conquête de l'inutile
ainsi qu'il a été fait pour l'alpinisme en particulier.
On peut d'ailleurs
qualifier de la sorte
l'art et toutes les formes de l'activité humaine non
génératrices de richesses.
Cependant,
on peut avancer que la gratuité
et l'absence de but apparent présupposent l'existence de mobiles insai
sissables mais assez présents pour rendre vaine toute idée d'absurdité.
Inutile ou vain n'est pas l'artiste qui exprime par des sons, des mots,
des signes, un univers personnel, une vision particulière qu'il veut jux
taposer, confronter avec l'univers visible, comme étant son interpréta
tion
ou sa projection dans le futur, inutile ou vain n'est pas le sportif
qui exprime par des efforts corporels son appartenance à un univers
auquel
il tend plus que tout autre à s'allier.
Le sport est un moyen
d'entrer en relation directe et profonde avec la nature, avec
le milieu
humain, et cette relation devient vite un accord tant la nature et
l'homme sont pareillement libres et coordonnés.
Il ne peut y avoir de
sport véritable dans l'expression corporelle seule, dans l'expression de
la force physique seule tant le corps éprouve la nécessité d'être dirigé,
inspiré d'une part, admiré, aimé d'autre part par l'esprit et par l'âme.
La part sensible, l'élément mobilisateur et fécondant sont nécessaires
à l'acte sportif,
ils en sont le levain et le levier.
L'enthousiasme, la jubi
lation de l'athlète qui vient de réussir une performance
ne sont pas autre
chose que l'expression
d'une alliance réalisée entre soi et un univers
hors d'atteinte jusqu'alors.
Cette performance, cette victoire,
ou plus
modestement, cette étape dans l'entraînement, sont bien sûr illusoires
et précaires.
Elles seront
à reprendre, à refaire, mais elles représentent
un bilan positif qui fait l'âme satisfaite et radieuse.
Il peut paraître étrange de rencontrer l'âme dans
le sport, alors que
pour celui qui ne l'observe que de loin et de haut,
le sport semble essen
tiellement, pour ne pas écrire uniquement, relever du corps.
Il ne s'agit
pas
d'un désir d'étonner, il s'agit plutôt de la volonté de s'approcher
au plus près d'une activité humaine particulière dont la gratuité appa
rente- cela a déjà été dit- implique l'existence de mobiles en rap
port avec
ce qui justement ne relève pas de la matière.
Même lorsqu'il
ne pratique
le sport que pour se délasser ou dans un esprit d'hygiène
et de maintien,
le sportif est soutenu, dirigé à son insu par des considé
rations morales parfois élevées.
Le délassement physique est déjà, en
soi, une forme de purification, il correspond à un besoin de rétablir
un équilibre menacé.
Si la machine s'encrasse, l'esprit perd de son
aisance, de sa lucidité et doit alors s'occuper des affaires du corps,
le
suppléer en quelque sorte.
Ce qui ne devrait être qu'exceptionnellement
de son ressort..
»
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